Eglises d'Asie – Corée du sud
LA VERITABLE INCULTURATION C’EST DE METTRE L’EVANGILE EN PRATIQUE
Publié le 18/03/2010
Franchement, au début, j’étais peu disposé à me servir de sa théologie parce qu’il était en conflit avec le Vatican. Cependant, il y avait beaucoup de choses à en tirer. Il met en particulier l’accent sur une théologie chrétienne centrée sur le Christ. Je pense que c’est vraiment important pour l’Eglise de Corée en fonction de l’inculturation, laquelle autrement pourrait conduire au danger du syncrétisme. Le père Küng a aussi essayé de s’ouvrir à d’autres religions et pensées. Cette attitude est très utile en Corée du Sud, où le confucianisme, le bouddhisme et le christianisme coexistent.
Que pensez-vous du fait que le père Hans Küng ait perdu sa « missio canonica » ?
C’est bien dommage pour l’Eglise catholique. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il dit. Cependant, je pense que cela aurait été mieux si le Vatican avait été plus patient. Je me souviens qu’en 1981, le père jésuite Karl Rahner, qui critiqua le père Küng avec d’autres théologiens, tenta une réconciliation entre lui et le Vatican.
Quels sont vos sentiments à propos de l’inculturation ?
L’inculturation s’avère nécessaire, mais nous avons besoin d’être au clair en ce qui concerne ses objectifs. L’esprit de l’Evangile doit s’articuler sur différentes cultures, chacune étant unique. En ce sens, je pense que le mot « évangélisation » est plus approprié que « inculturation ».
Qu’en est-il de l’inculturation en Corée ?
La traduction de la Bible en coréen a été un bon exemple d’inculturation. Un autre aspect important a été de rendre la liturgie plus familière. Beaucoup d’efforts ont été déployés pour réviser l’ordinaire de la messe (approuvé par le Vatican l’année dernière). Tous les niveaux linguistiques des titres honorifiques (avec « Jésus » et « Dieu ») ont été remplacés par des niveaux plus élevés. L’intention était de les ajuster à la situation coréenne. Je crois que, théologiquement, cela fait problème. Dans la société juive, les gens s’adressaient à Dieu en employant les titres les plus honorifiques tandis que Jésus lui-même appelait simplement Dieu « Abba » et ses disciples firent de même. Abba ressemble au coréen « Appa », qui signifie père pour un enfant. La chose la plus importante est de faire de l’esprit de l’Evangile une part intégrale de nos vies. Beaucoup de chrétiens lisent la Bible et vont à la messe chaque dimanche, mais ils ne pratiquent pas entièrement l’esprit de l’Evangile. Jésus a dit, « dites oui ou non, tout le reste vient du Malin » (Matthieu 5:37). Cela signifie que nous devons être honnêtes. Si les chrétiens pratiquent l’Evangile, c’est aussi de l’inculturation et de l’évangélisation.
La christologie est une part importante de votre thèse. Pensez-vous que le Christ est présent en dehors de l’Eglise ?
Bien entendu ! La grâce du Christ ou grâce de Dieu va au-delà des limites de l’Eglise. Le second concile du Vatican a confirmé cela (Lumen Gentium, no. 16).
Quel est votre objectif principal quand vous éditez « Théologie et pensée catholiques » ?
Le journal est surtout destiné aux prêtres, religieux et laïcs intéressés par la théologie. Nous faisons de notre mieux pour vulgariser les questions théologiques, parce que la théologie reste encore un domaine étranger à l’Eglise coréenne.
Etes-vous d’accord avec les critiques qui disent qu’il n’y a pas de théologie coréenne ?
Nous devons penser aux 200 ans d’histoire de l’Eglise de Corée avant de la critiquer. Les premiers 100 ans furent une période de survie au cours de laquelle il fallait faire face à une terrible persécution, les 50 années suivantes furent marquées par les missionnaires étrangers. La théologie occidentale, influencée par le Concile Vatican II, a été introduite en Corée du Sud seulement dans les années 1960. C’est au milieu des années 70 que les gens ont ressenti le besoin de développer une théologie coréenne. La théologie ne peut pas être produite en laboratoire, elle doit être étroitement liée à la vie humaine. Notre théologie se formera et se développera quand l’esprit de l’Evangile sera intégré à notre vie chrétienne.
En tant que professeur de séminaire, que pensez-vous des séminaristes d’aujourd’hui ?
Si on les compare à ceux de ma génération, les étudiants d’aujourd’hui aiment exprimer leur personnalité, et ils sont actifs dans les domaines qui les intéressent. Mais ils semblent manquer d’endurance, de patience et d’esprit de coopération. Mon impression est que beaucoup d’entre eux ne sont pas convaincus de leur vocation de prêtre.
Que pensez-vous de l’éducation théologique pour les laïcs ?
Si on compare la situation à ce qui existait il y a dix ans, il y a beaucoup plus de cours de Bible et de théologie pour les laïcs. Cependant, on devrait faire encore plus d’efforts pour que les laïcs étudient la théologie. Pour cela, nous avons besoin de livres plus faciles d’accès.
Quel est le théologien que vous admirez le plus ?
Karl Rahner. Ses livres sont difficiles à comprendre, mais j’aime son honnêteté intellectuelle. Je l’ai rencontré une fois dans une rue d’Innsbrück en décembre 1983, et nous avons eu une conversation qui a duré plusieurs heures. C’était un homme très simple et très curieux de beaucoup de questions, bien qu’âgé de 80 ans. Il m’a impressionné parce qu’il écoutait sérieusement un étranger comme moi ne maitrisant pas bien la langue allemande.
Quelle est votre opinion de la bonne relation entre théologie et vie de l’Eglise ?
La théologie peut être un guide pour la vie de l’Eglise, et la vie de l’Eglise doit stimuler la théologie à partir de situations concrètes. En ce sens, un large dialogue entre théologiens, pasteurs et évêques est nécessaire. C’est ce qui manque le plus en Corée.