Eglises d'Asie

Malgré ses crimes, la secte Aum ne sera pas légalement dissoute

Publié le 18/03/2010




La commission d’enquête et de sécurité publique, nommée par le gouvernement, vient de décider qu’il valait mieux ne pas dissoudre la secte Aum. Un éditorial du 1er février 1997 du quotidien Asahi Shimbun voit dans cette décision la preuve que la démocratie existe bien au Japon.

Suite aux activités criminelles et subversives de la secte dite “de la vérité suprême“, le gouvernement japonais avait pris des mesures pour mieux contrôler les associations religieuses, leurs activités et leurs finances (9). Il avait aussi demandé la dissolution juridique de ce groupe religieux en vertu de la loi anti-subversion de 1952. Une commission nommée par lui avait été chargée d’étudier la question. Une année plus tard, le 31 janvier 1997, cette commission composée de 6 membres indépendants issus des milieux universitaires, diplomatiques et judiciaires a rendu son verdict: “Il est impossible de trouver des raisons suffisantes qui puissent nous faire croire que ce groupe en tant qu’organisation religieuse pourrait encore continuer ou répéter des actes subversifs

La loi anti-subversion à laquelle le gouvernement avait fait appel avait été votée en 1952 pour prévenir les activités des extrémistes gauchistes de l’époque. En 45 ans, cette loi n’a jamais été utilisée contre qui que ce soit. Malgré les assassinats dont elle est accusée, la commission, appuyée par bon nombre de juristes et de défenseurs des droits de l’homme, a refusé la mise hors-la-loi de la secte Aum pour une raison fondamentale : la crainte de voir se créer un précédent dont le gouvernement pourrait se servir à l’avenir contre d’autres groupes.

La sensibilité du Japon à ce problème vient de loin, de l’époque où la restriction de la liberté de parole avait été le commencement d’un long dérapage vers l’ultra-nationalisme et finalement vers la guerre de 1940. Des rapports de presse disent que la décision de la commission a été prise à l’unanimité, mais le ministère refuse de confirmer. Les membres de la commission, quant à eux, ont justifié leur position en soulignant combien les adhésions à la secte Aum se sont raréfiées. La banqueroute financière, le démantèlement des communautés implantées au pied du Mont-Fuji et la dispersion des membres dans une centaine d’endroits différents dans tout le pays rendent la secte inoffensive. Vivant par petits groupes, ils s’entraident, travaillent à mi-temps tout en continuant leurs activités religieuses. Le capital, les dépôts en espèces et les bien fonciers sont aux mains des administrateurs judiciaires depuis la déclaration de faillite de mars 1996. Il est donc difficile d’imaginer que le groupe puisse encore mettre sur pied des actions d’envergure. En tout état de cause, “la commission est bien décidée à continuer ses investigations avec prudence et équitéa déclaré un de ses membres, juriste de 74 ans.

Le premier ministre a paru décontenancé par la décision de la commission: “Nous ne pouvons pas affirmer qu’il n’y a plus de danger, nous devons rester vigilantsa-t-il affirmé aux journalistes. Le secrétaire général du gouvernement, Seiroku Kajiyama, a tenu par la suite une conférence dans laquelle il a déclaré: “Je pense qu’il nous faut réactualiser la réglementation ainsi que l’ancienne loi anti-subversionIl a défendu le ministre de la Justice en disant qu’au moment de l’attaque “l’on craignait qu’un grand désordre ne s’installe dans le pays et il fallait se préparer à protéger le public

Le ministre de la Justice, Isao Matsura, a confié lui aussi qu’il n’était pas très satisfait de cette décision de la commission. De son côté, le directeur de la police nationale, Hiroyasu Sugihara, regrette et constate que la doctrine du gourou de la secte, qui passe en jugement ces jours-ci, reste toujours fondamentalement dangereuse : “Nous pensons qu’il ne faut pas minimiser le danger. Nous continuerons de contrôler les activités de la secte pour éviter d’autres incidents