Eglises d'Asie

Un évêque du Kalimantan occidental élève une protestation solennelle contre le massacre d’une centaine de manifestants dayaks par la police

Publié le 18/03/2010




Le 4 février dernier, dans la province du Kalimantan occidental (Bornéo), une centaine de manifestants appartenant à l’ethnie dayak ont essuyé le feu nourri des forces de l’ordre chargées de faire obstacle à leur manifestation. Tous ont été tués à l’exception de cinq, restés blessés sur le terrain. Aux dires des responsables de la police, ce jour-là, les manifestants dayaks se préparaient à mener une attaque contre des migrants originaires de l’île de Madura, établis dans la province. L’évêque du lieu, Mgr Hiéronymus Bumbun, a élevé une protestation solennelle contre cette sanglante répression au cours de laquelle les forces de police ont utilisé des mitrailleuses. “Cet incident a, une fois de plus, terni l’image de l’Indonésie aux yeux de la communauté internationalea déclaré l’évêque, qui est lui-même d’ethnie dayak. Il a ajouté cependant qu’il apprécie les efforts de la police indonésienne pour désamorcer le conflit entre Dayaks et migrants de Madura. L’évêque a aussi fait appel à la Commission nationale des droits de l’homme pour qu’elle enquête sur cette fusillade qui a eu lieu dans le village de Anjungan à 42 km de Pontianak, le chef-lieu de province.

Il ne s’agit là que du plus récent des incidents sanglants liés au conflit opposant, depuis le mois de décembre 1996, les autochtones Dayaks qui constituent 51,9 % de la population de la province, aux migrants venus de Madura qui ne représentent, eux, que 8 % des habitants de la région. Au mois de décembre, le meurtre de deux Dayaks par de jeunes migrants avait mis le feu aux poudres. En représailles, les Dayaks avaient incendié les habitations de plus de 3 000 migrants et avaient obligé ceux-ci à quitter leurs villages. Les hostilités cessèrent un temps, au cours du mois de janvier, après qu’un accord de paix eut été signé par les dirigeants des deux parties. Le calme ne dura que quelques jours puisque le 2 février, les Dayaks, reprochant aux migrants d’avoir rompu la trêve en lançant des attaques contre leurs villages, relançaient les hostilités sur tout le territoire de la province. Selon des sources militaires, les affrontements entre les deux ethnies auraient déjà fait environ 1 000 victimes chez les migrants de Madura et 300 dans le camp des Dayaks. La violence déployée au cours des affrontements est telle que la Malaisie a fait fermer la frontière qui sépare l’Etat de Sarawak de la province du Kalimantan occidental de peur que le conflit ne se propage sur son territoire. Les populations habitant des deux côtés de la frontière ont, en effet, de nombreux points communs aussi bien du point de vue de la race que de la culture et de la langue.

Les Dayaks sont en majorité catholiques tandis que les migrants de Madura sont généralement musulmans. Pourtant, les instances des grandes religions auxquelles adhèrent les belligérants ont jusqu’ici échoué à apaiser les esprits. Le 11 février dernier, 15 organisations religieuses représentant les religions du pays, à savoir l’islam, le catholicisme, le protestantisme, l’hindouisme et le bouddhisme ont publié un communiqué commun appelant à la fin des combats et soulignant que les raisons du conflit actuel n’avaient rien de religieux mais étaient purement ethniques. La commission de la Conférence épiscopale philippine pour l’oecuménisme et les affaires interreligieuses a invité le 14 février dernier les dirigeants catholiques des diverses communautés dayaks de Jakarta et de la partie occidentale de Java, à une réunion commune sur le conflit actuel. Les personnalités politiques et religieuses présentes lors de cette réunion, ont exprimé leurs craintes de voir les troubles actuels se transformer en guerre de religion. Il apparaît que les dirigeants religieux locaux des deux religions, l’islam et le catholicisme, sont appelés à jouer un rôle considérable dans le règlement du conflit.