Eglises d'Asie

Après la dissolution d’un mouvement de jeunesse bouddhiste, deux cents de ses dirigeants menacent de s’immoler par le feu

Publié le 18/03/2010




Deux cent dirigeants d’un mouvement de jeunesse d’inspiration bouddhiste viennent de menacer de s’immoler par le feu si le gouvernement ne revenait pas sur la mesure récemment prise à l’encontre de leur association, mettant fin à ses activités et essayant de récupérer ses membres à l’intérieur des jeunesses communistes. L’Association qui s’appelle “Gia Dinh Phât Tu” (famille bouddhiste) et se réclame du bouddhisme unifié vient, en effet d’être dissoute, le 13 janvier dernier, au cours du cinquième Congrès de l’Eglise bouddhique du Vietnam, organisation patronnée par le Front patriotique (10).

Cette mesure qui suscite aujourd’hui de très violentes réactions à l’intérieur du bouddhisme unifié est dirigée contre une association en pleine progression. A l’heure où l’on cherche à le faire disparaître, le mouvement compte dans ses rangs environ 300 000 membres de 6 à 18 ans. Les statistiques du gouvernement précisent même que 60 % d’entre eux ont de 15 à 16 ans.

Le mouvement qui a vu le jour, il y a une cinquantaine d’années, avait été en butte à l’ostracisme des autorités gouvernementales dès le changement de régime au sud-Vietnam. Il avait été mis à l’écart par l’Eglise officielle, dès la création de celle-ci en 1981, comme l’a rappelé le vénérable Thich Huyên Quang dans une lettre publique de septembre 1992 où il appelait à la lutte pour la restauration du bouddhisme unifié. Le religieux déplorait que l’Eglise d’Etat lors de son premier congrès … “ait expulsé de son sein et obligé à se saborder l’organisation de “la famille bouddhiste”, un mouvement de base qui s’était acquis beaucoup de mérites au cours de l’histoire contemporaine” (11).

Cependant, durant la période qui vient de s’écouler, le mouvement a réussi à reprendre une nouvelle vigueur. Cette renaissance avait même était saluée, dans la même lettre, par Thich Huyên Quang qui affirmait que “au cours des dernières années, les groupes de “la famille bouddhiste”, de Quang Tri à Ca Mau, ont pu reprendre leurs activités sans que l’Etat puisse les réprimer” (12). Ce renouveau était loin d’être ignoré des autorités vietnamiennes qui l’ont observé avec beaucoup de sérieux et notaient dans la Revue communiste, en 1993 Parmi eux (les fidèles), les jeunes ne sont pas les moins nombreux. Dans les provinces du centre et du sud, les activités de la “famille bouddhiste” ont été restaurées et rassemblent des milliers de jeunes gens” (13). En octobre 1994, le bulletin d’information du Parti communiste vietnamien, constatait la renaissance du mouvement de jeunesse et ajoutait qu’il “a continué de se développer dans les provinces côtières du Centre-Vietnam et dans celles des Hauts plateaux. Il attire à lui de nombreux jeunes gens et écoliers. Dans quelques endroits, cette organisation se manifeste dorénavant publiquement” (14).

Depuis sa fondation, le mouvement obéissait à des objectifs purement religieux et se rattachait à la Commission de la jeunesse dans l’organigramme de l’Eglise bouddhiste unifiée du Vietnam. Cependant les membres du mouvement menaient leurs activités dans une autonomie totale. La renaissance du mouvement, ces temps derniers, apparaissait à beaucoup comme un remède à la dégradation croissante du système éducatif public dans le pays. Il illustrait aussi les nouveaux intérêts d’une jeunesse de plus en plus détachée des idéaux officiels. Dès 1995, les intentions des autorités se sont précisées et un projet d’élimination du mouvement se mettait en place. Le 3 mars de cette année-là, un décret du bureau des affaires religieuses (n°1-TT-TGCP) confiait à l’Eglise d’Etat la responsabilité du mouvement qui changeait de nom et s’appelait “Jeunes hommes et femmes bouddhistes” (Nam Nu Phât Tu). Sous la pression du gouvernement, le vénérable Tu Man, responsable du Comité administratif de l’Eglise bouddhiste pour la province de Lâm Dong, fut obligé de désapprouver les décisions prises lors du congrès des dirigeants du mouvement à Dalat, en particulier, la nomination de son Conseil d’orientation (15). L’année suivante, un document émanant du comité central des “Jeunesses communistes”, intitulé “Orientations d’action à l’égard des jeunes militants du mouvement ‘Nam Nu Phat Tu'” demandait aux dirigeants des “Jeunesses communistes” d’entamer une campagne de propagande à tous les niveaux du mouvement bouddhiste pour amener ses membres aux divers idéaux du Parti et faire de l’Association des jeunes bouddhistes un mouvement satellite des jeunesses communistes.

La dissolution du mouvement de jeunesse bouddhistes met un terme à l’existence de la seule association de jeunesse qui, pendant un temps, ne s’est pas placée dans l’orbite du Front patriotique. Quelque soit sa nature, il n’existe, en effet, aucune association qui puisse fonctionner sans faire allégeance à cet organisme qui, lui-même, est directement dirigé par le Parti communiste vietnamien.

Le 26 septembre, un porte-parole des Affaires étrangères du Vietnam a démenti tous ces faits. “Il n’y a absolument aucune histoire, a-t-il dit. Le gouvernement respecte les activités religieuses et crée des conditions favorables aux bouddhistes pour qu’ils participent de façon saine à ces activités sous l’instruction de l’Eglise bouddhiste du Vietnam (officielle) et conformément à la loi vietnamienne