Eglises d'Asie

La lutte contre le travail des enfants : une meilleure collaboration s’instaure peu à peu entre les organisations occidentales et les partenaires locaux

Publié le 18/03/2010




Au Pakistan, la ville de Sialkot est renommée pour fabriquer les trois quarts des ballons de football utilisés à travers le monde. C’est une énorme et très lucrative industrie. Ce que l’on sait moins, c’est que 8 000 enfants travaillent dans les usines de fabrication d’équipements sportifs de Sialkot. Pour les organisations de défense des droits de l’homme, Sialkot est devenu synonyme de travail des enfants.

Les choses sont pourtant en train de changer peu à peu. Les patrons des usines de Sialkot, les géants occidentaux de l’industrie des équipements sportifs, les organisations de défense des droits de l’homme et l’Organisation internationale du travail se sont mis d’accord pour élaborer un programme destiné à éliminer le travail des enfants dans la ville de Sialkot en l’espace de dix-huit mois. De nouvelles écoles seront ouvertes et toute une série de programmes sociaux mis en place pour accueillir les enfants quittant l’usine.

Si l’entreprise réussit, ses effets seront ressentis bien au-delà de cette ville du Pakistan oriental. Le programme de Sialkot indique en effet que les gouvernements occidentaux, les multinationales et les agences internationales ont fini par accepter l’argument des gouvernements asiatiques selon lequel le travail des enfants ne peut être éradiqué que par une aide au développement mettant l’accent sur la pauvreté, et non par des sanctions commerciales ou des interdictions d’importer, qui ne font qu’encourager le licenciement massif des enfants au travail. Ceux-ci en sont alors réduits à vivre dans la rue ou à s’adonner à des occupations encore plus dangereuses.

Les problèmes de travail des enfants ont longtemps divisé les gouvernements occidentaux et asiatiques. Ils ont pesé aussi sur la première conférence de l’Organisation mondiale du commerce l’année dernière à Singapour. Aujourd’hui, le changement d’orientation de l’Occident sur ces problèmes est palpable : “Nous devons cesser de donner des leçons et de montrer les coupables du doigt, pour générer un partenariat en lieu et place de la provocationa déclaré le ministre hollandais des Affaires sociales, Ad Melkert, au cours d’une conférence récente. Il a ajouté : “L’exploitation flagrante des enfants doit être interdite, mais nous devons en même temps proposer des alternatives aus enfants et à leurs parents, dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploiJan Plonk, ministre hollandais du développement poursuit dans la même veine : “Imposer une interdiction immédiate du travail des enfants ne serait pas réaliste et aurait des effets contraires à ce qui est souhaité

Le million de dollars dévolu au projet de Sialkot ne permettra sans doute pas de scolariser tous les enfants au travail à Sialkot, et ne sera pas suffisant pour aider toutes les familles qui seront privées du revenu de leur travail. Mais le gouvernement pakistanais et des agences internationales ont promis d’apporter un supplément de financement. De leur côté, les patrons d’usine de Sialkot se sont engagés à employer les parents et les frères et soeurs plus âgés des enfants au travail. Nike, Reebok et les autres géants de l’industrie des équipements sportifs, qui craignent de se retrouver dans le collimateur des associations de consommateurs, ont promis d’instaurer un système de contrôles stricts pour s’assurer que leurs fournisseurs pakistanais respectent l’interdiction du travail des enfants.

Les organisations ouvrières internationales ont déclaré qu’elles suivraient l’affaire de très près pour s’assurer que chacun tient ses promesses : “Nous insistons pour qu’il y ait des observateurs réellement indépendants, et c’est pour cela que la participation de l’Organisation internationale du travail est tellement importante“, dit Tim Noonan, spécialiste du travail des enfants à la Confédération internationale des syndicats libres, basée à Bruxelles.

L’Organisation internationale du travail estime que le programme de Sialkot pourrait être le signal d’un effort plus vaste pour aider les 250 millions d’enfants au travail à travers le monde. Selon Kari Tapiola, vice-directeur général de l’organisation, “le projet de Sialkot pourrait servir de modèle pour d’autres industries dans d’autres régions du mondeLe changement d’orientation des occidentaux se voit aussi dans d’autres domaines. L’Organisation internationale du travail est en train de préparer une nouvelle convention pour le travail des enfants qui n’interdira que les activités jugées “intolérablesSelon le directeur général, Michel Hansenne, celles-ci comprendront l’esclavage des enfants, le servage, le commerce d’enfants, la prostitution, la pornographie et les travaux dangereux. En mettant l’accent sur les violations indiscutables des droits de l’homme, l’Organisation espère qu’il sera plus difficile aux pays qui seraient tentés de tolérer le travail des enfants de plaider la pauvreté.

Cette convention devrait voir le jour en 1999. En attendant, les enfants de Sialkot espèrent sortir de la spirale de la pauvreté et de l’absence d’éducation.