Eglises d'Asie

Chrétiens et commerçants chinois songent à quitter Pekalongan à cause de l’intolérance de la population

Publié le 18/03/2010




Lorsque l’on est chrétien ou commerçant chinois, ou encore l’un et l’autre comme c’est le cas le plus souvent, il ne fait pas bon vivre à Pekalongan, une cité semi-industrielle située au centre de Java, à environ 300 km de Jakarta, célèbre pour ses ateliers de “batik”. Quelques-uns affirment que si le choix leur en était laissé, ils quitteraient cette cité pour fuir les troubles et les pillages dont ils sont périodiquement les victimes. C’est du moins ce qu’ont répondu certains catholiques interrogés à ce sujet. Un fonctionnaire, Yohanes Priono, a confié que, dès qu’il aurait atteint l’âge de la retraite, il s’en irait vivre ailleurs, dans une ville où la population sera “plus tolérante”. La réponse d’une religieuse résidant à Pekalongan a laissé transparaître des sentiments identiques. Elle aussi, si elle avait la permission de ses supérieures, irait travailler dans une autre ville. Elle s’est plainte que, partout où elle va, elle est accueillie par des regards arrogants. On lui lance même des paroles agressives : “Comment pourrait-il y avoir plus d’un Dieu?” ou “Comment Jésus pourrait-il racheter les péchés ?”

L’anxiété des chrétiens et des Chinois se réveille chaque fois que se produit un grand rassemblement de musulmans, que ce soit à l’occasion de grandes prières ou d’une prédication portant sur la doctrine. Les récentes émeutes de mars et avril dernier (2) ont encore renforcé leur nervosité. A cause de l’intervention de la police, lors des troubles du 26 avril, les émeutiers, pour la plupart membres du Parti uni pour le développement, n’avaient pu pénétrer en ville et avaient dirigé leur agressivité contre des ateliers de batik situés dans des faubourgs et tenus par des javanais chrétiens, récemment venus d’une autre région des Philippines. Les troubles du 6 avril ont eu un caractère politique très accentué. En plus de leurs cibles chrétiennes et chinoises habituelles, les émeutiers s’en sont pris à tous les bâtiments identifiés comme appartenant à des militants du parti majoritaire, le Golkar, ou à des fonctionnaires gouvernementaux. C’était d’autant plus facile que les autorités locales venaient de demander de peindre en jaune (3) – la couleur du Golkar – les bâtiments publics ainsi que ceux où logent des fonctionnaires ou des membres du parti majoritaire.

Beaucoup de Chinois persuadés que le commerce chinois à Pekalongan ira en déclinant ont déjà quitté les lieux et transféré marchandises et magasin dans des villes où la population manifeste moins d’animosité à leur égard. Cependant, selon le curé de l’unique paroisse de la ville, fréquentée par 10 000 catholiques dont 80 % sont chinois, la situation des chrétiens à Pekalongan serait meilleure qu’il y a quinze ans. A cette époque, les musulmans refusaient même de louer des maisons aux chrétiens. Le prêtre affirme qu’aujourd’hui la situation a évolué. Dans un village, des musulmans ont même participé aux fêtes de Noël. Cependant le prêtre précise que ces bonnes relations avec le milieu musulman sont surtout le fait des Javanais catholiques qui participent aux activités sociales et ont même été appelés à des responsabilités civiles importantes par leurs concitoyens musulmans. Le curé de la paroisse catholique souhaiterait que leur exemple soit imité par les Chinois, qui, selon lui, devraient abandonner leur mentalité de “ghetto” et s’intégrer davantage à la vie sociale javanaise.