Eglises d'Asie

LES EVEQUES INDIENS PARLENT DU SIDA

Publié le 18/03/2010




Le sida a surgi comme pandémie en cette fin de vingtième siècle et frappe des gens provenant de différentes classes sociales. Cette maladie a des implications considérables dans les domaines religieux, social, culturel, économique, juridique et politique. Même si les voies de transmission de l’infection (par l’activité sexuelle, par le sang, et de la mère à l’enfant) varient selon les gens et la localisation géographique, il semble avéré que les activités sexuelles extra-maritales soient le mode prédominant de sa transmission. Les médecins, les scientifiques, les hommes politiques et les décideurs font face à de nombreux problèmes pour prévenir et contrôler cette pandémie à travers le monde.

Toutes les régions de l’Inde connaissent une rapide augmentation de la transmission du virus. Des centaines de cas déclarés de sida ont été déjà répertoriés à travers le pays et des milliers de personnes s’avèrent être porteuses du virus si l’on en croit les équipes qui s’occupent d’analyses de sang. Le premier cas de sida en Inde a été déclaré en 1986. Depuis lors, plus de deux mille cas ont été rapportés dans différentes régions du pays. L’Organisation mondiale de la santé estime que, sur les 2 500 000 personnes séropositives dans les pays du sud-est asiatique, 2 000 000 se trouvent en Inde. Si la transmission du virus continue à la même allure, à la fin du siècle près de cinq millions de personnes seront séropositives en Inde et le nombre de cas déclarés de sida dépassera le million.

Les statistiques basées sur les recherches et les estimations publiées par des organismes comme l’Organisation mondiale de la santé indiquent que plus de 22 millions de personnes à travers le monde sont déjà porteuses du virus. Chaque jour, 8 500 personnes de plus deviennent séropositives. Environ 70% des porteurs se trouvent dans leur âge productif (entre 15 et 45 ans). Dans plusieurs des pays étudiés, environ 50% des séropositifs sont des femmes. Déjà aujourd’hui, un adulte sur deux-cents dans le monde est séropositif. En Inde, 20% des porteurs du virus se trouvent dans la tranche d’âge des 10 à 24 ans. Une enquête conduite par des équipes de santé de Bombay montre que sur cent femmes enceintes qui se présentent dans les cliniques et les dispensaires, trois sont séropositives.

Dans notre pays, le virus du sida est apparu beaucoup plus tard que dans d’autres régions du monde. Cependant, cette maladie se répand avec une rapidité sans précédent et apparaît aujourd’hui comme un sérieux problème de santé publique avec des conséquences sociales, économiques et religieuses. Le sida n’épargne personne dans notre pays en fonction de l’âge, du sexe, de la profession, du statut religieux, social, politique, économique, culturel, ou du niveau d’éducation. La tragédie du sida dans les pays les plus affectés d’Afrique et d’Occident pourrait se répéter à l’identique dans les années qui viennent si des mesures ne sont pas prises à temps. En l’absence d’un vaccin, la possibilité de soigner les malades du sida en vue de guérison semble hors de portée, mais il est possible et souhaitable de définir diverses stratégies pour prévenir et contrôler une extension de la maladie, jusqu’ici non contrecarrée. Dans ce but, une réaction immédiate et efficace est requise de la part de la communauté catholique de notre pays en général, et de ses institutions d’éducation et de santé en particulier.

Il faut noter qu’avec les changements rapides de l’économie de marché, la télévision par satellite qui promeut des valeurs non traditionnelles, l’urbanisation et l’industrialisation rapides, la banalisation des déplacements à l’intérieur du pays et à l’étranger, les migrations rurales vers les agglomérations urbaines, le déclin de la grande famille, les plus grandes facilités d’éducation etc., nos jeunes se trouvent devant un éventail beaucoup plus large de choix possibles en ce qui concerne leur comportement. Ainsi, notre société se trouve déjà confrontée à divers problèmes tels que les grossesses adolescentes, les désordres psychologiques et mentaux des adolescents, la violence sexuelle, la toxicomanie, les suicides, le voyeurisme, la désorganisation familiale, les divorces, les violences contre les enfants, les femmes, l’inceste, et maintenant le sida. Il est donc grand temps que les institutions catholiques d’éducation mettent en oeuvre un programme complet d’éducation à la vie de famille, en rendant disponible pour nos jeunes garçons et filles une information complète et exacte sur le virus du sida. Sinon, nous pourrions avoir à faire face aux dommages irréparables causés par le consumérisme rampant et les médias dans nos jeunes générations.

Le temps est venu pour les parents et les enseignants des institutions catholiques d’éducation de prendre conscience du changement rapide des perspectives sociales chez les jeunes. Il est important que nos enfants reçoivent des réponses promptes, précises et vraies à leurs questions sur le sexe, la sexualité et le sida. L’Eglise catholique reconnaît la sexualité comme un don de Dieu et l’accepte avec révérence, joie et intelligence. Elle fait partie de chaque être humain et doit être considérée comme un aspect normal et naturel de la personne. L’Eglise a avalisé la sainteté du sexe et de la sexualité dans le sacrement de mariage. La Conférence épiscopale indienne appelle tous les fidèles catholiques à reconnaître les grandes valeurs inscrites dans la Bible et l’enseignement de l’Eglise en ce qui concerne la relation de l’homme et de la femme, le plan de Dieu pour la procréation et pour la réalisation de Son amour à partir du partage total et inconditionnel de chacun avec son partenaire pour la vie.

L’Eglise s’oppose fermement aux relations homosexuelles quand elles engagent des activités contraires à la nature et au but de la création divine. Ne permettons pas que se répète la tragédie de Sodome et de Gomorrhe. En raison de la grave menace présentée par le sida, la promiscuité étant l’un des facteurs qui y contribuent, l’opinion de la conférence épiscopale indienne est que toute l’information disponible doit être mise entre les mains des laïcs en ce qui concerne le comment et le pourquoi des problèmes posés par la diffusion du sida, et que les laïcs doivent être convaincus d’adhérer strictement à l’enseignement de l’Eglise en

matière de sexe et de sexualité. Ne laissons pas les comportements et les tabous sociaux de notre société contrecarrer le clergé, les médecins, les scientifiques et les enseignants dans la transmission d’une information exacte et complète sur ces délicates questions qui pourraient autrement mettre en danger le tissu même de notre société et de notre communauté.

Reconnaissant la responsabilité et le mandat qui lui sont impartis, la Conférence épiscopale catholique indienne appelle aussi toutes les institutions catholiques de santé et les professionnels qui y travaillent, à utiliser toute l’information, l’expertise, la sagesse, les techniques et les connaissances disponibles afin d’influencer le comportement des groupes et des individus et contenir l’extension du sida. Faisons en sorte que les programmes de prévention et de contrôle du sida deviennent partie intégrante du système de soins offert par l’Eglise. Que nos hôpitaux fassent tous les efforts nécessaires pour soigner et traiter ceux qui sont infectés par le virus.

Ne stigmatisons pas ceux qui sont déjà infectés. Suivons l’exemple de Jésus qui s’appliquait à exprimer sa solidarité et son souci à ceux qui étaient méprisés à son époque, comme la femme adultère (Jean 13 1-11), le lépreux qui fut guéri (Marc 1 40-44), les collecteurs d’impôts et les pécheurs avec qui il partagea un repas (Luc 5 29-32), la samaritaine qui lui donna de l’eau (Jean 4 1-41) etc.

Acceptons aussi le fait que l’Eglise ne peut pas suppléer l’inadéquation de la connaissance de l’épidémiologie du sida, les formes de comportement qui lui sont liées, et résoudre tous les problèmes de santé liés au sida. Cependant, confiants dans l’assurance donnée par Jésus : “demandez et l’on vous donnerafaisons de notre mieux et présentons le reste à Dieu dans la prière.

George Pereira

commission épiscopale pour la santé

Pour la Conférence épiscopale de l’Inde

New Delhi, 25 avril 1997