Eglises d'Asie

Les autorités contrôlent l’organisation et le déroulement des fêtes cultuelles villageoises

Publié le 18/03/2010




Depuis le milieu des années 1980, la politique de renouveau (dôi moi) a remis en honneur une série de traditions culturelles et religieuses qui jusque là étaient condamnées comme superstitieuses et “féodales”. Parmi elles, les fêtes cultuelles villageoises, appelées “Lê hôi”, tirées de l’oubli à cette époque, ont connu depuis un remarquable succès. Leur célébration consiste généralement dans une série d’évocations historiques et de cérémonies rituelles culminant dans le sacrifice d’offrande aux ancêtres ou au génie tutélaire du village. Très spectaculaires, ces fêtes qui peuvent durer plusieurs jours attirent généralement un nombreux public, composé de la population de la commune mais souvent aussi de personnes venant de régions quelquefois lointaines, et de touristes étrangers. Elles sont ainsi pour la région une source considérable de profits.

Les autorités qui ont patronné la restauration de ces fêtes surveillent cependant leur évolution avec une grande attention, comme en témoigne un article du journal “Van Hoa” (Culture), organe du ministère de la Culture et de la Communication (8) qui vient de faire le point sur ces fêtes et de porter un jugement sur l’état actuel de cette tradition millénaire. Les aspects positifs soulignés par l’auteur sont loin d’être négligeables. A l’intérieur de la communauté villageoise, la célébration des “Lê hôi” constitue un lien concret entre le passé et le futur et permet aux villageois d’aujourd’hui de communier avec leurs ancêtres dont est évoquée l’histoire. La participation exigée par ce type de manifestation est d’une qualité que l’on ne trouve pas ailleurs: les villageois y sont à tour de rôle acteurs et spectateurs. Chacun y trouve naturellement sa place. A lire l’auteur, qui voit dans l’ordonnance de ces fêtes un modèle d’action commune, toute naturelle et sans aucune contrainte, on pourrait penser qu’il voit là un substitut à l’idéologie communiste au moment où celle-ci dépérit.

Cependant, malgré ce côté éminemment positif, cette forme de fête cultuelle, aux yeux des responsables officiels de la culture, comporte des aspects négatifs. Les premières critiques concernent le caractère mercantile qui, aujourd’hui, marque ces fêtes en de nombreux endroits où leur organisation est devenue une véritable entreprise commerciale. Cependant, il leur est surtout reproché d’avoir drainé derrière elles des séquelles du passé, des fléaux sociaux que l’on croyait disparus depuis la révolution. Ce sont principalement les rites et cérémonies relevant de la superstition qui font l’objet de la réprobation de l’auteur (9). L’auteur cite les sacrifices aux esprits et un certain nombre de pratiques de type chamaniste par lesquelles les personnes entrent en communication avec les esprits des morts, les font parler. En outre, les “lê hôi” sont trop souvent accompagnés par les jeux d’argent, par des libations répétées.

Le regard porté par les autorités sur la tradition du “lê hôi” se révèle particulièrement dans la conclusion tirée, par l’auteur, de son analyse de l’offrande aux ancêtres ou au génie tutélaire qui forme le noyau de la cérémonie. Cette conclusion est circonstanciée. Selon lui, le sens profond de ce rite est d’exalter les mérites des ancêtres, de souhaiter des circonstances propices. S’il n’y pas lieu d’interdire cette cérémonie, il ne faut pas non plus encourager sa réalisation. Il convient de donner à cette partie de la fête un aspect plus culturel que cultuel. Le plus souvent, dit-il, il vaudra mieux la remplacer par une simple offrande d’encens. Ce changement s’impose d’autant plus que, dans beaucoup d’endroits, le rituel de l’offrande est interminable et incompréhensible au public, à cause de son vocabulaire archaïque en grande partie chinois.

En conclusion, l’auteur de l’article insiste sur le devoir de préserver dans son intégrité le patrimoine culturel représenté par la tradition du “lê hôiqui ne doit pas être modifié selon les convenances. Toute modification doit recevoir l’approbation des services de la Culture et de la Communication. Même si ces cérémonies, comme dit l’article, appartiennent au peuple et sont confiées à ses soins, il n’empêche que les autorités se réservent le droit de surveiller scrupuleusement l’évolution de cette tradition.