Eglises d'Asie

Les descendants des chrétiens “cachés” acceptent, pour la première fois, de révéler les prières qu’ils récitent en secret depuis trois siècles

Publié le 18/03/2010




C’est le 5 mai dernier que les descendants des chrétiens “cachés” du Japon ont accepté pour la première fois de révéler en public les prières qu’ils récitent en grand secret, de génération en génération, depuis la persécution et la fermeture du Japon au XVIIème siècle. Cela s’est passé près de Nagasaki, au sud du Japon, au musée de Ikitsuki, un village où vivent un millier de ces chrétiens, toujours fidèles à la récitation de ces “orasho” (du latin “oratio”). Cette récitation dure prés de 40 minutes quand elle est complète (hito-tori). A l’écoute de ces prières, chacun peut reconnaître un mélange de mots latins et portugais, plus ou moins déformés, mais reconnaissables. Cette séance de prières avait été organisée par le musée de Ikitsuki pour donner au public l’occasion de découvrir en direct ce qui fait l’originalité culturelle et historique de ce village.

En 1614, le shôgun Tokugawa Ieyasu faisait publier un édit interdisant la religion chrétienne au Japon et ordonnait l’expulsion de tous les missionnaires et la destruction de toutes les églises de Nagasaki, soit douze églises qui rassemblaient 400 000 chrétiens. L’interdiction dura 240 ans, jusqu’à l’arrivée du Commodore américain Perry, en 1853, qui, appuyé par quelques navires de guerre, parvint enfin à convaincre le Japon d’ouvrir ses portes aux étrangers.

Une décennie plus tard, en 1865, un missionnaire français, le P. Petitjean des Missions Etrangères de Paris, découvrait un groupe de chrétiens qui, en cachette et dans la fidélité, continuaient de prier et de vivre leur foi chrétienne. 15 000 chrétiens “cachés” furent recensés dans la seule île du Kyûshû.

Ces prières transmises oralement de génération en génération leur permirent certes, de garder une foi étonnamment vivante mais les missionnaires y découvrirent très vite des erreurs théologiques et des imprécisions qui demandaient d’être corrigées. Des prières traduites et adaptées en japonais leur furent très vite proposées pour remplacer les prières devenues pour une bonne part incompréhensibles. Mais, comme souvent, quelques communautés plus isolées que d’autres, n’acceptèrent pas ces nouveautés et restèrent attachées aux formules ancestrales qu’elles continuent pieusement de réciter encore aujourd’hui, sans les comprendre. La Constitution de Meiji proclama la liberté religieuse en 1889.