Eglises d'Asie

“UNE MANIERE DE SURMONTER LES DIVISIONS DE CASTES…” ENTRETIEN AVEC L’ARCHEVEQUE DE PONDICHERY

Publié le 18/03/2010




Vous venez de lire l’article de “India Today” sur les “marchands de religion” que seraient les prédicateurs évangélistes qui sillonnent le pays. Qu’en pensez-vous ?Il faut noter tout d’abord que le phénomène est beaucoup plus important chez les protestants que chez les catholiques, car cela n’apparaît pas dans l’article que vous citez. Par ailleurs, il n’existe pratiquement que dans le sud du pays, …

… dans les Etats du Tamil Nadu, du Kerala et de l’Andra Pradesh. Ce sont des prédicateurs en complets vestons qui utilisent les moyens les plus “modernes” pour attirer les foules. Dans le Tamil Nadu, nous avons quelques catholiques laïcs qui se sont lancés dans ce genre d’entreprise, en particulier un M. Cruz Divakaran, ancien employé de banque. Il bénéficie d’un certain soutien de la part des évêques de l’Etat même si, récemment, un certain nombre de questions lui ont été posées concernant son appartenance à la tradition catholique. Il y a répondu de manière satisfaisante pour les évêques, mais il reste que l’organisation de sessions pendant le week-end perturbe quelque peu la vie des paroisses et la messe du dimanche.

Il y a tout cet aspect “commercial” et “marketing” qui est souligné dans cet article. Qu’en pensez-vous ?

Je trouve en effet que c’est gênant parce qu’on vend l’Evangile comme une marchandise et qu’on se laisse aller à une sorte d’auto-satisfaction, y compris dans les groupes catholiques qui sont mentionnés dans l’article. Ceci dit, il faut préciser aussi que la somme d’argent, demandée quotidiennement aux retraitants pour leur nourriture et leur logement au Centre de retraite divine de Thrissur, n’est pas déraisonnable et qu’elle couvre à peine les frais. Par ailleurs, le surplus d’argent de ce centre est utilisé presque entièrement pour l’impression et la distribution de bibles à travers le pays. De ce point de vue, on ne peut pas dire que le Centre de retraite divine de Thrissur soit un “business”. Il est bon que ce centre soit placé sous la responsabilité de l’évêque du lieu, ce qui garantit une certaine prudence et empêche les dérapages.

L’auteur de l’article mentionne une espèce de “paroxysme émotionnel” auquel les prêcheurs amènent les foules et l’écrivain Paul Zachariah estime que cela pourrait provoquer des dérapages…

Il n’y a pas d’hystérie de masse. On peut aussi regarder l’affaire à partir d’un angle différent. On peut estimer que ces rassemblements donnent l’occasion à beaucoup de gens d’exprimer les frustrations et les souffrances de leur vie quotidienne et que ces événements émotionnels leur donnent en quelque sorte un exutoire qui leur permet de s’épancher, qui les soulage d’une certaine manière. Cependant, laissés à eux-mêmes, ces prédicateurs ont tendance à trop mettre l’accent sur les “guérisons” et les “miracles”.

Quelle est votre politique à l’égard de ce mouvement dans votre archidiocèse de Pondichéry?

Si ces prêcheurs évangélistes rassemblent des milliers de personnes, c’est qu’ils répondent à un certain nombre de besoins qui ne sont pas habituellement pris en compte par les Eglises, en particulier celui de recevoir la Parole de Dieu. A Pondichéry, nous avons donc décidé de dialoguer. Nous avons demandé l’aide du Centre de retraite divine du P. Naickomparambil à Thrissur, pour organiser des sessions et des grands rassemblements. Un certain nombre de laïcs formés par le centre viennent animer ces rassemblements qui ont lieu pendant le week-end et comportent la messe du dimanche. Chacun leur tour, les districts, qui comprennent plusieurs paroisses, organisent ces rassemblements. Ce sont plusieurs milliers de personnes qui se réunissent à chacune de ces occasions. Tous ces rassemblements sont centrés autour des thèmes de l’évangélisation et du Jubilé de l’an 2000.

N’avez-vous pas peur de susciter l’hostilité des hindous qui pourraient se sentir “agressés” par ces manifestations?

Contrairement aux pentecôtistes, nous ne nous laissons pas aller à une sorte de prosélytisme “agressif” à l’égard des hindous. Ces rassemblements sont organisés par des chrétiens pour les chrétiens. Il faut noter cependant que beaucoup d’hindous participent de leur propre gré à ces rassemblements. Je pense que l’un des avantages de cette manière de faire est qu’elle aide les chrétiens à mettre de côté leurs préjugés de caste. Ces rassemblements pourraient permettre de surmonter peu à peu les divisions de castes qui posent beaucoup de problèmes et causent beaucoup de tort aux Eglises du Tamil Nadu.