Eglises d'Asie

“EXTASE ET AGONIE” 50 ANNEES DE LIBERTE POUR L’INDE

Publié le 18/03/2010




Message de la Conférence épiscopale indienne

Vendredi 15 août 1997

Alors que nous célébrons aujourd’hui, dans l’agonie et dans l’extase, le jubilé d’or d’une Inde libérée de l’empire britannique, nous ne pouvons que nous identifier à la vision de liberté exprimée pour notre nation par le grand poète indien, Rabindranath Tagore:

Dans ce paradis de la liberté, Père, fais que mon pays s’éveille.

Dans ce lieu où l’esprit se tient sans crainte et la tête haute.

Dans ce lieu où la connaissance est libre;

Dans ce lieu où le monde n’a pas été cassé et fragmenté par des murs d’étroitesse domestique;

Dans ce lieu où les mots surgissent des profondeurs de la vérité;

Dans ce lieu où des efforts sans fin tendent leurs bras vers la perfection;

Dans ce lieu où l’eau claire de la raison ne s’est pas perdue dans le terrible désert de sable d’habitudes mortelles;

Dans ce lieu où l’esprit est mené par Toi vers une pensée et une action toujours plus larges;

Dans ce paradis de la liberté, Père, fais que mon pays s’éveille.

En lisant ces lignes immortelles, nous comprenons pleinement la signification profonde de la liberté dans la vie de chacun et dans celle d’une nation. De même que l’eau, le soleil et la terre sont nécessaires à la croissance d’une plante, de même la liberté est un élément essentiel de la croissance d’une personne vers la maturité de l’état adulte. La liberté est comme l’oxygène sans lequel on ne peut imaginer de vie humaine. La liberté crée une atmosphère qui conduit à la croissance. La liberté, alliée au sens de la responsabilité sociale, facilite le respect des autres et conduit à des relations d’harmonie dans la société. La liberté ouvre à la perception des besoins des autres. La liberté est d’abord une propriété sociale. Une perception individuelle correcte de la liberté est atteinte et vécue dans la dignité quand elle est d’abord vécue dans les relations socio-économiques, politiques et institutionnelles. La sanctification d’une liberté individuelle, qui serait séparée de sa responsabilité dans les structures, ne serait qu’un permis de tuer et de piller.

Depuis le temps de la partition en 1947 jusqu’à aujourd’hui, nous avons été les témoins de pillages immenses et de tueries massives de millions d’innocents. La corruption, l’esprit de caste, le communautarisme ont été institutionnalisés et sont perpétués par l’argent, la force et les puissances de manipulation. L’orgueil, le prestige et le pouvoir ont été les caractéristiques dominantes de notre comportement politique. Le résultat est clair comme le jour : des millions de nos frères et soeurs souffrent de la pauvreté, de la misère et de violences de toutes sortes, sur la terre de Gandhi qui a construit notre liberté par (non-violence, ndlr) et la sathyagraha (révélation de la vérité, ndlr). C’est l’élément d’agonie que nous vivons, alors même que nous arrivons à la moitié d’un siècle.

Au milieu de tous les malheurs, nous n’avons pas perdu l’espoir car nous voyons de grands signes d’espérance : des centaines et des milliers d’individus et d’organisations volontaires ont émergé pour aller au-delà des frontières de caste, de couleur et de croyance; notre jeunesse et d’autres jeunes adultes ont mûri à l’école de la vie et s’engagent aujourd’hui dans la grande tâche d’éducation et de conscientisation de leurs frères et soeurs, vers davantage de liberté, dans les divers Etats de notre pays et en tissant des réseaux pour leurs actions en faveur des droits de l’homme. D’autres encore organisent un travail social, touchant tous les aspects de la vie humaine, dans les villages les plus reculés de notre grand pays. Toutes ces personnes travaillent dans un esprit de service, de partage et de sacrifice.

L’Eglise de l’Inde est solidaire de ces acteurs de transformation. Elle a contribué sa part à l’oeuvre de construction nationale par ses institutions éducatives et médicales, en libérant le peuple de son ignorance et de ses maladies. Elle a accompagné les opprimés et les exploités grâce à ses multiples dispensaires dans les villages, ses centres pour enfants travailleurs, ses organisations charitables qui servent le peuple et la nation avec dévouement. “Je suis venu donner la vie et la donner en abondanceces mots du Maître résonnent à nos oreilles alors même que nous nous incarnons dans le douloureux contexte actuel de l’Inde.

Le temps est venu, pour toutes les forces vives de notre mère-patrie qui aiment l’humanité, la dignité et la liberté, de se rassembler dans un seul élan. Le Mahatma Gandhi disait : “Il y a assez pour les besoins de tous, mais pas pour l’avidité de chacunPrenons la résolution aujourd’hui de combattre cette avidité, virus qui tue notre humanité. La liberté n’est pas un produit fini; c’est un processus en marche, de lutte du peuple contre toutes sortes d’esclavage, dans la foi et la détermination, jusqu’à ce que nous puissions entrer dans “ce paradis de la liberté de notre PèreJai Hind (Vive l’Inde, ndlr).

La conférence épiscopale catholique de l’Inde