Eglises d'Asie

L’Eglise catholique prend la tête de la lutte contre le renouvellement du mandat du président Fidel Ramos

Publié le 18/03/2010




Les incidents qui, le 1er septembre 1997, ont marqué le lancement d’une nouvelle grille de programmes par la section philippine de Radio Veritas, dans l’enceinte d’un club sportif de San Juan, sont révélateurs de la défiance entretenue par la hiérarchie catholique et son clergé à l’égard du président des Philippines et du projet de renouvellement du mandat présidentiel, qui lui est attribué. Le cardinal Jaime Sin, archevêque de Manille, présidait la cérémonie tandis qu’à l’extérieur, des milliers de personnes, parmi lesquelles de nombreux prêtres et religieuses, entouraient le bâtiment et faisaient entendre des prières demandant que la constitution de 1987 soit maintenue inchangée. Au moment où le président Ramos, invité d’honneur de la cérémonie, est arrivé sur les lieux, les manifestants extérieurs ont élevé des pancartes et chanté: “Pas de changement de constitution”Laissez la constitution tranquille

Un peu plus tard, le même sujet brûlant a été abordé directement par le cardinal, lors d’une allocution prononcée à l’intérieur du club sportif en présence du président assis sur le même podium que lui et de sa rivale, Cory Aquino qui, elle aussi, participait à cette cérémonie. Devant quelque 200 invités, le cardinal a exprimé ses vues sur les affaires publiques qui devaient être conduites avec honnêteté et franchise afin de mener le pays vers la paix, la stabilité et la prospérité. A ce propos, il a critiqué les manoeuvres auxquelles se livre le président Ramos afin d’établir une assemblée constituante capable d’introduire dans la constitution une disposition permettant le renouvellement du mandat présidentiel.

Ces incidents sont loin d’être isolés et ne forment qu’un des épisodes du conflit ouvert entre l’Eglise catholique hiérarchique d’une part et le président Ramos et ses partisans d’autre part, depuis le début de l’année, époque où l’on a commencé à soupçonner le président de vouloir prolonger son mandat au-delà de son terme normal du 30 juin 1998. La constitution adoptée sous Corazon Aquino après la chute du dictateur Ferdinand Marcos n’autorise pas un président à se présenter pour un deuxième mandat de six ans. Cette disposition avait été prise pour empêcher que se renouvelle une dictature comme celle de Marcos, qui avait duré 20 ans. Pendant un temps, le président Ramos s’est tenu à l’écart du mouvement “pour la réforme de la constitution” qui a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures en vue d’un référendum qui aurait amendé les dispositions de la constitution sur le mandat présidentiel. A plusieurs reprises, il s’était déclaré étranger à cette initiative; il a même donné publiquement l’assurance qu’il quitterait la scène politique en mai 1998. Depuis quelques semaines, son attitude a changé. A la fin du mois d’août, la majorité parlementaire a essayé de faire voter la transformation du parlement en assemblée constituante pour prolonger le mandat présidentiel. Quatre jours après les incidents du club sportif de San Juan, le 5 septembre, au cours d’une réunion tenue avec les décideurs économiques du pays, le président Ramos a déclaré: “Je suis le président élu des Philippines…et je dois maintenir mes options ouvertes parce que ce n’est pas seulement mon avenir personnel qui est en jeu. C’est l’intérêt national et le bien-être du peuple qui sont en cause”. Tout récemment, le 9 septembre, une rencontre à huis-clos a réuni le cardinal Sin, Cory Aquino et quelques autres opposants autour du président; celui-ci a refusé de démentir explicitement qu’il chercherait à réviser la constitution nationale. Il a ainsi laissé la porte ouverte à sa propre candidature au nom de son parti à la prochaine présidentielle du 11 mai 1998.

L’incertitude régnant autour des projets du président à forcé la hiérarchie catholique et en particulier le cardinal Sin à se lancer, dès le début, dans la bataille contre la révision d’une constitution, devenue le symbole de la lutte du peuple contre la dictature du président Marcos. Le cardinal Sin a multiplié les déclarations exprimant sa défiance à l’égard des projets du président (8). Dans une lettre lue dans toutes les églises de Manille, le 21 août, et publiée par toute la presse, il a demandé au “peuple philippinde “se dissocier d’une administration qui ne bénéficie ni du respect ni de la confiance du peuple”Personne ne croit en lui quand il dit qu’il ne se représentera pas, et même les membres de son cabinet et tous ses amis dans le judiciaire et le législatif n’en croient rien

Le conflit qui oppose l’Eglise au pouvoir actuel entrera sans doute dans une phase décisive, le 21 septembre prochain. Ce jour-là, on commémorera le quinzième anniversaire de la déclaration de la loi martiale par Ferdinand Marcos. Le cardinal Sin et Cory Aquino ont conjointement appelé tous leurs sympathisants à une manifestation de masse à Manille ce même jour. Des hommes d’affaires se sont associés à l’appel, tandis qu’un certain nombre de représentants de sectes minoritaires et de groupes charismatiques catholiques, parmi lesquels le très puissant “El Shaddai” (9), ont mis en garde contre les dangers d’une telle manifestation. Dans un clip qui est régulièrement diffusé par la télévision nationale depuis le 9 septembre, le président Ramos s’explique et affirme qu’il n’a aucunement l’intention de proclamer la loi martiale. Le même jour, un proche du cardinal, Mgr Hernando Corona, a fait savoir que la manifestation prévue “était toujours d’actualité et qu’elle le resterait tant que le président n’aurait pas déclaré clairement quil ne se représente pas”.