Eglises d'Asie

Les troubles de Thai Binh ont éclaté dans une région où les catholiques, peu nombreux, appartiennent à la population rurale

Publié le 18/03/2010




Le voile de silence que, par ordre du bureau politique (10), la presse officielle avait jeté jusqu’ici sur les troubles qui agitent la province de Thai Binh au Nord-Vietnam, depuis la fin du mois de mai, a été partiellement levé le lundi, 8 septembre. Ce jour-là le quotidien du Parti, le Nhân Dân, a entamé une série de reportages sur le sujet. Ils devaient se succéder tout au cours de la semaine. L’agence Vietnam-Presse s’est fait le relais de ces informations qui ont même été reprises en français, dans le journal soutenu par les fonds de la francophonie, “Le courrier du Vietnam

C’est ainsi que l’on a appris que de graves incidents avaient eu lieu dans 128 villages de cette province côtière dont la population, en majorité rurale, compte environ deux millions d’habitants. Les rapports officiels sur les faits affirment que les villageois s’étaient organisés en groupes pour pouvoir exprimer leur mécontentement ; mais, en de nombreux endroits, la situation avait été envenimée par des individus cherchant à exploiter l’agitation générale à leur profit. Ce sont ces derniers qui se seraient livrés aux actions de type extrémiste, rapportées auparavant par des sources indépendantes : incendies et destructions des résidences des cadres, mauvais traitements et bastonnades infligés aux responsables gouvernementaux dans la région.

Avec la version officielle des faits, les articles de la presse vietnamienne s’efforcent aussi de fournir une analyse des causes de cette agitation paysanne qui dure depuis près de quatre mois sans qu’on puisse l’arrêter. Elle serait principalement due à l’exaspération créée par des impôts supplémentaires levés par les cadres régionaux et destinés à la construction d’ouvrages communaux. Une partie de ces contributions aurait été directement empochée par les cadres et les registres financiers auraient été falsifiés. Les récents articles du “Nhân Dân” annoncent que les tribunaux populaires ont entamé des poursuites contre 30 fonctionnaires régionaux, chefs de sections du Parti, présidents de comités populaires et chefs de coopérative. Onze d’entre eux sont déjà en détention. 53 autres ont été suspendus ou ont été l’objet de diverses sanctions.

elon les sources indépendantes qui, depuis le début des faits, n’ont pu donner que des informations partielles à cause de l’interdiction portée contre les informateurs étrangers de se rendre sur place, les événements auraient commencé en mai. Des manifestations venant de divers districts se seraient succédées dans le chef-lieu de province. Une source liée à la diaspora vietnamienne (11) affirme que le cortège des manifestants était remarquablement organisé : les enfants et vieillards en tête du cortège, suivis des blessés et veuves de guerre, puis des cadres et fonctionnaires en retraite, enfin des jeunes gens qui fermaient la marche. Les protestations exprimées portaient surtout, semble-t-il, sur le niveau trop élevé des impôts et la corruption des fonctionnaires locaux.

Comme l’a confirmé la presse officielle, des troubles séparés ont ensuite éclaté un peu partout, particulièrement dans certains districts comme Quynh Phu au nord, Thai Thuy au nord-est sur la côte. Les manifestants s’en sont pris aux demeures et aux personnes des fonctionnaires gouvernementaux. Dans certains villages du district de Quynh Phu, les émeutes auraient pris une grande ampleur à cause de la présence, du côté des émeutiers, d’anciens membres du Parti et d’anciens officiers. Il y aurait eu des séquestrations, des lynchages ; ceux-ci auraient entraîné la mort de 3 à 5 cadres régionaux, information qui a été démenti plusieurs fois par les autorités vietnamiennes. Il semble que beaucoup de fonctionnaires et membres de l’administration centrale aient quitté la province par peur des représailles paysannes.

A la fin du mois d’août, la situation restait encore extrêmement tendue et les incidents continuaient à se produire malgré la visite dans la province d’un membre éminent du bureau politique, Pham Thê Duyêt, qui avait cherché à apaiser les esprits (12). On signalait que des forces spéciales de la police comptant environ 1 200 membres avaient été déployées dans toute la province.

Aucun renseignement n’a pu être recueilli sur l’attitude des catholiques au cours de ces troubles. Le district de Quynh Phu au nord de la province, où, dès le mois de juin, des sources indépendantes signalaient de très sérieux affrontements, comporte une assez grosse concentration de catholiques, à savoir 6 paroisses comptant près de 12 000 fidèles. Cependant aucune source, officielle ou indépendante, ne fait allusion à eux en tant que force particulière. Le diocèse de Thai Binh, dont le territoire est un peu plus vaste que celui de la province, compte 120 000 catholiques répartis sur 64 paroisses, presque toutes rurales. 35 prêtres, tous ordonnés depuis 1960, sont à leur service.