Eglises d'Asie

A l’occasion du congrès annuel de l’Eglise bouddhiste d’Etat, les autorités renforcent leur pression sur le bouddhisme unifié

Publié le 18/03/2010




L’Eglise bouddhiste du Vietnam, patronnée par le gouvernement, a tenu son congrès annuel à Hanoi les 22 et 23 novembre 1997. La direction de l’Eglise a été renouvelée et un programme d’action de cinq ans a été adopté. Un rapport envoyé en France par l’Association monastique pour la protection du Dharma (15), à l’occasion de cette réunion, procède à une critique en profondeur du fonctionnement de l’Eglise d’Etat. Il fait aussi état d’une campagne d’intimidation menée par la police vietnamienne pendant les quelques mois qui ont précédé le congrès, auprès des pagodes, des religieux et des membres de la “Famille bouddhiste”, refusant de se soumettre au Bureau des Affaires religieuses et d’adhérer à l’Eglise officielle.

Le rapport des dissidents bouddhistes reproche au bouddhisme d’Etat d’avoir gravement et intentionnellement déséquilibré la structure traditionnelle de la communauté bouddhique. Selon une tradition ancienne, entérinée par la constitution de l’Eglise d’Etat créée en 1981, l’ensemble de l’Eglise bouddhiste est composée des diverses sectes bouddhiques du Vietnam ainsi que de quatre ordres ou communautés, qui sont les religieux, les religieuses et les “Cu si” (personnes menant une vie religieuse dans leur propre maison), hommes et femmes. Or, depuis 16 ans, la nouvelle Eglise fonctionne comme si n’existaient que les deux premiers ordres, les religieux et religieuses. Les “cu si“, hommes et femmes, ne se voient confier aucune des responsabilités prévues pour eux par la constitution et n’ont aucune part dans les activités de l’Eglise.

Cet abandon des deux ordres masculin et féminin de “cu si” a transformé le bouddhisme en chaise bancale à deux piedsSelon les auteurs du rapport, il s’agit d’un plan prémédité, dévoilé en 1995 par un mémoire d’un haut fonctionnaire de l’agit-prop, Dô Trung Hiêu, ayant participé, lui-même, à la création de l’Eglise d’Etat. Il s’agirait, en fait, de transformer le bouddhisme en une organisation vide, ne comportant que des religieux et des religieuses, mais sans laïcs : Le projet d’unification du bouddhisme consistait à transformer le bouddhisme vietnamien en une association de masse, moins encore puisque, selon le projet, l’association ne comprenait que des religieux et non pas les fidèles. Elle ne comportait d’organigramme détaillé que pour l’échelon supérieur et ne se préoccupait pas des échelons inférieursL’activité de l’association se réduisait aux prières et aux offrandes. Elle ne menait aucune activité en rapport avec la population et la sociétéL’unification n’était qu’en apparence le résultat de l’effort des moines bouddhistes. En réalité, la main du Parti communiste avait été à l’oeuvre tout au long d’un processus d’unification destiné à permettre à celuici de s’emparer du bouddhisme et de le transformer en une organisation fantoche du Parti(16).

Le rapport mentionne aussi des centaines d’affaires concernant surtout des pagodes du bouddhisme unifié situées sur tout le territoire, mais surtout dans les provinces du Centre Vietnam et des Hauts Plateaux : les auteurs du rapport ont choisi d’exposer les plus significatives.

Bien que les directives du gouvernement en matière religieuses recommandent de protéger les pagodes et lieux de culte, le rapport cite des pagodes utilisées sur ordre des autorités, pour un usage profane, comme la pagode Tâm An dans le Binh Dinh, transformée en grenier à riz, ou encore interdites au culte, comme c’est le cas pour la pagode de Son Linh à Baria, que son desservant officiel, le vénérable Thich Hanh Duc, ne peut rejoindre (17). La pression du gouvernement se fait particulièrement sentir sur 16 pagodes de la région de Kontum et une centaine de pagodes de la province de Dac Lac, appartenant au bouddhisme unifié. Dans ces mêmes provinces, la police essaie de neutraliser les activités du mouvement de jeunesse, “La famille bouddhiste”, dont les responsables refusent la dissolution proclamée par le gouvernement au profit d’une nouvelle organisation patronnée par le bureau des affaires religieuses.

A la pagode de Phô Dà située dans la province de Binh Thuân, district de Ham Tan, des jeunes gens ont détruit des statues de Bouddha et de Quan Am ainsi que beaucoup d’autres objets du culte, comme les gongs, crécelles, autels et portails de pagode. Alertée par la population, la police s’est contenté d’observer les déprédations sans intervenir. Ce n’est qu’après de nombreuses plaintes, que la police a promis d’ouvrir une enquête.