Eglises d'Asie

LETTRE OUVERTE D’UN SUPERIEUR DE CONGREGATION AUX AUTORITES DU PAYS

Publié le 18/03/2010




Congrégation de la Co-rédemptionRépublique socialiste du Vietnam

1/5 Binh Phu, Tam Phu,Indépendance Liberté Bonheur

Thu Duc,

Hô Chi Minh-Ville

Respectueusement envoyé à

Monsieur Dô Muoi, secrétaire général du Parti communiste vietnamien,

Monsieur Trân Duc Luong, président de la République socialiste du Vietnam,

Monsieur Pham Van Khai, chef du gouvernement,

ainsi qu’à toute la direction du Parti et de l’Etat

Objet: demande de restitution de biens confisqués

Messieurs,

Je soussigné, Trân Dinh Thu, prêtre, né en 1906, fondateur de la congrégation de la Co-Rédemption, domicilié au 1/5 du hameau de Binh Phu, quartier de Tam Phu, arrondissement de Thu Duc, Hô Chi Minh-Ville, ai l’honneur de vous exposer l’affaire suivante:

La texte de la condamnation n° 414/HS-PT du 7 septembre 1988, émanant du tribunal populaire suprême de Hô Chi Minh-Ville, qui m’a condamné à 20 ans de prison et a prononcé la confiscation de l’ensemble de la propriété où je demeurais, était ainsi énoncé: “Est confiée aux autorités locales pour qu’elles l’emploient à une oeuvre d’utilité publique la totalité de la propriété étaient domiciliés Trân Dinh Thu et ses collègues et ils menaient leurs activités. Ce domaine, situé dans le hameau de Phu Châu, commune de Tam Phu, arrondissement de Thu Duc, comporte l’ensemble des habitations, un jardin planté d’arbres, tout l’équipement attenant, ainsi que les autres biens

Par le décret n° 57 QD/CT, daté du 30 avril 1993, émanant du président de l’Etat de la République socialiste du Vietnam, j’ai été rendu à la liberté le 23 mai 1993 avant d’avoir achevé six ans de prison.

De retour chez moi, dès le 31 mai, j’ai envoyé au président et au premier ministre une requête demandant la restitution de la maison de retraite de notre congrégation, maison située au 34/2 du hameau de Phu Châu. Jusqu’à présent nous n’avons aucune réponse.

Le 4 septembre 1993, je recevais une lettre du Comité populaire de Hô Chi Minh-Ville, portant le n° 4821/UB-NC dont le contenu était le suivant: Le problème de la maison de retraite sise au 34/2 du hameau de Phu Châu ne peut être réglé, car ce serait en contravention avec la décision du tribunal populaire suprême“.

Messieurs, la décision du tribunal de première instance s’appuie sur l’article 33 du Code pénal. Or nous pensons que le verdict prononcé par le tribunal est entaché d’une grave erreur concernant l’application du code pénal.

En effet, l’article 33 du code de procédure pénale stipule que la confiscation de biens ou d’argent ne doit concerner directement que le coupable. Selon les paragraphes a et b :

Le tribunal peut confisquer au profit de l’Etat:

a: Les biens et les sommes d’argent utilisés par le coupable pour commettre son crime.

b: Les biens et les sommes d’argent appartenant à d’autres personnes, si cellesci ont commis la faute de permettre au coupable de les utiliser pour commettre son crime.

Il s’agit donc de déterminer si le domaine de quinze hectares, situé dans le hameau de Phu Châu, commune de Tam Phu, arrondissement de Thu Duc, et comportant des habitations, un jardin planté d’arbres et un équipement attenant appartient au coupable ou est la propriété d’autres personnes.

Notre congrégation a pu être fondée grâce aux contributions des fidèles proches ou lointains, d’associations catholiques du pays et de l’étranger ainsi qu’à l’aide l’Eglise catholique du Vietnam. Selon le Droit Canon, à l’article 1257, paragraphe 1, ces biens sont ceux de l’Eglise catholique universelle. Ces biens que nous n’avons jamais eu le droit d’utiliser en fonction d’intérêts personnels qui ne soient pas en relation avec le service des fidèles, ne peuvent en aucune manière être considérés comme nos biens particuliers. Le fait que nous utilisions le domaine de quinze hectares situé dans le hameau de Tam Phu, arrondissement de Thu Duc signifie seulement que nous administrons ces biens au nom de l’Eglise, au nom des fidèles, en qualité de gestionnaire comme cela est prévu dans la réglementation de la gestion d’affaires.

La gestion d’affaires (1) est l’activité du gérant qui s’occupe de l’affaire d’un autre, celui-ci étant appelé “le maître de l’affaire, le géré” (2). Les relations légales entre le “maître de l’affaire” et le gérant sont analogues à celles qui existent entre le “ayant pouvoir” et le “fondé de pouvoir”.

Si l’on considère ainsi la question, il est clair que l’administration de la congrégation de la Co-Rédemption aussi bien pour l’achat et la vente de biens que pour les autres activités, a été effectuée par moi en qualité de gestionnaire seulement. Le “maître de l’affaire”, c’est l’Eglise catholique, locale et universelle, avec tous ses fidèles, proches et lointains. Dans cette perspective, les biens de la Congrégation de la Co-rédemption appartiennent à d’autres personnes et non pas au coupable. Selon l’article 33 du Code pénal, paragraphe 1,b, on ne pourrait confisquer les biens en question que si l’ensemble de l’Eglise du Vietnam et de ses fidèles avait commis la faute de laisser le coupable les utiliser pour commettre son crime. Ce n’est pas le cas: l’Eglise et l’ensemble des fidèles n’ont commis aucun crime dans l’affaire qui m’a été reprochée. C’est pourquoi, ces biens, qui sont sa légitime propriété, doivent lui être rendus, vu l’article 33 du Code pénal.

Messieurs, ce point de vue juridique que nous faisons valoir ne concerne que nos biens confisqués, dont nous avons un besoin urgent. Si nous n’avions pas perdu en 1977, une plantation de plus de 60 hectares, située à Di Linh, où étaient cultivés thé, café et arbres fruitiers, un foyer d’étudiants “Rang Dong” comprenant de nombreuses maisons à étages bien équipées à Dalat, des écoles à Quy Nhon, Phu My, Phan Thiêt, etc, nos besoins en habitations et terrains pour nos activités ne seraient pas aussi urgentes qu’aujourd’hui.

Dans l’attente que cette affaire soit étudiée et réglée favorablement, nous vous souhaitons une bonne santé au service du progrès permanent du pays.

Avec nos salutations respectueuses.

Tâm Phu, le 20 octobre 1997.

Père Trân Dinh Thu