Eglises d'Asie

Mindanao : les catholiques se mobilisent contre la destruction des ressources naturelles par les compagnies minières

Publié le 18/03/2010




Le 24 novembre dernier, une foule importante rassemblée sur la place principale de Dipolog, ville portuaire du nord de l’île de Mindanao, a été le témoin d’une étrange scène. Du podium où il se trouvait, l’évêque du diocèse, Mgr Jose Manguiran, est d’abord descendu se mêler à la foule ; puis, avec tous les participants, il s’est étendu à même le sol pendant une minute pour montrer sa solidarité profonde, a-t-il dit, “avec tous ceux qui travaillent au service de l’environnement et des minorités ethniquesRemonté sur l’estrade, il a retiré sa mitre sur laquelle il a frappé par trois fois pour “maudire ceux qui ont provoqué et continuent de provoquer des dégâts dans notre environnementElevant ensuite sa crosse, il est allé l’enfoncer en terre pour sceller définitivement sa malédiction. Puis, l’ayant retirée d’un geste brusque, sous les ovations de la foule qu’il a traversée, il s’est dirigé vers la cathédrale du très saint Rosaire.

La sortiesans doute très préparée, de l’évêque de Dipolog était destinée à clôturer trois jours de réflexion sur le thème de l’exploitation minière et l’accès égal pour tous aux ressources naturelles“. Auparavant, une longue marche avait amené jusqu’au centre de la ville, toute une foule venue à Dipolog de tous les diocèses du nord-ouest de l’île de Mindanao pour y suivre des exposés et participer à des débats. On pouvait voir un peu partout des affiches dénonçant la loi qui donne aux compagnies minières étrangères possédant un capital initial de 50 millions de dollars un droit et un contrôle absolus sur les régions minières. Les mêmes affiches s’en prenaient aussi à l’exemption d’impôts accordée à ces compagnies pour une période de dix ans.

Selon des enquêtes d’organisations non gouvernementales, dont il a été fait état au cours de ces journées d’études, pour toutes les Philippines, les demandes de concession présentées par les compagnies minières et actuellement à l’étude concernent près de 6 millions d’hectares, ce qui correspond à 20 % de la superficie du pays. Pour le seul Mindanao, c’est 30 % de la superficie de l’île qui sont affectés par les demandes de concession de compagnies, pour la plupart étrangères. En dépit de l’opposition de communautés locales, le département de l’environnement et des ressources naturelles (DERN) vient d’accorder des concessions à deux compagnies dans la péninsule de Zamboanga, riche en cuivre et en or.

Durant l’entretien qu’il a eu avec les participants des journées d’étude, l’évêque de Dipolog a cité un certain nombre de chrétiens victimes de leur combat pour le respect de l’environnement. Il a mentionné le P. Rolando de Torchio, un prêtre italien de l’Institut Pontifical des Missions étrangères (Pime) qui a aidé les habitants de l’arrière pays de Zamboanga à restaurer leur environnement et les a regroupés dans des coopératives. Selon l’évêque, les accusations lancées contre lui par le DERN visent simplement à détourner l’attention des concessions illégales accordées à des compagnies minières dans la région.

Il a cité aussi le cas d’un garde forestier écrasé par un véhicule militaire au mois d’août dernier à Zamboanga. Il avait auparavant révélé que le DERN et l’armée étaient impliqués dans des irrégularités commises au profit de projets dont les effets seraient nocifs pour les cours d’eau alimentant la ville de Zamboanga. En fin de compte, l’évêque a publiquement exprimé sa défiance à l’égard du DERN, organisme qui, en 1996, lui a décerné une récompense pour son action au service de l’environnement : Etant donné son attitude actuelle, le DERN n’était pas en position de me décerner cette récompense…”