Eglises d'Asie – Corée du sud
LE POINT DE VUE DES FEMMES DOIT ETRE ACCEPTE POUR RENDRE L’EGLISE PLUS VIVANTE Une interviewe de Soeur Susanna Son In Sook
Publié le 18/03/2010
Il semble qu’il n’y ait pas de solution. Au lieu de changer le système, les religieuses devraient prendre conscience de l’égalité des sexes. Les soeurs obéissent souvent aux prêtres pour éviter les problèmes, elles ne sont pas habituées à travailler avec les prêtres dans la concertation. Quand les religieuses seront sûres que le point de vue des femmes est écouté dans l’Eglise, l’attitude des prêtres et des laïcs évoluera. En outre, il faut que les femmes continuent à demander de devenir membres d’organisations ecclésiastiques importantes. Récemment, j’ai demandé à des évêques, lors d’une réunion à Séoul, pourquoi les femmes laïques ne sont pas autorisées à distribuer la communion, alors que les prêtres, les religieux et religieuses, et les hommes laïcs le peuvent. N’est-ce pas un exemple de sexisme ? Bien que les évêques aient pris acte de mes critiques, elles n’ont été suivies d’aucune action concrète, et les religieuses n’ont jamais demandé des droits pour les femmes laïques. Le point le plus important est l’éducation des femmes. Lorsque les femmes en viendront à savoir qu’il y a beaucoup de choses qu’elles peuvent accomplir dans l’Eglise, les problèmes commenceront à trouver des solutions. Parmi les personnes les plus opposées à l’ordination sacerdotale des femmes, il y a des femmes.
Pourquoi soutenez-vous la cause de l’ordination des femmes à la prêtrise ?
Une femme prêtre pourrait dire la messe et accomplir d’autres tâches importantes. Le sacrement de Pénitence a un effet de réconciliation et de guérison, et la confession d’une femme à un prêtre qui ne comprend pas sa souffrance ne joue pas totalement son rôle. Actuellement, 70% des personnes qui se rendent à l’église sont des femmes. Les femmes ont-elles besoin de prêtres comme conseillers spirituels dans de telles circonstances? Aborder la question du droit des femmes dans l’Eglise ne veut pas dire seulement dénoncer l’aliénation des femmes dans l’Eglise. Si l’Eglise n’évolue pas, les femmes s’en détourneront. Imaginez ce qui arrivera alors. Pour que l’Eglise soit vivante, elle doit accepter les points de vue des femmes. Et dans ce but, l’éducation des croyantes est absolument nécessaire.
Qu’y a-t-il de si urgent dans l’éducation des chrétiennes de Corée?
Les chrétiennes de Corée prennent une part plus active dans l’Eglise que ne le font les femmes des autres Eglises d’Asie. La Légion de Marie en Corée du Sud est presque entièrement gérée par des croyantes. Mais, je crains que le concept de dévotion à Marie ne soit un peu faussé et qu’il faille le modifier. Dans la Bible, Marie et Elizabeth sont très différentes de la compréhension qu’en ont les Coréens. Dans le Magnificat, Marie accepte avec joie l’Immaculée Conception. Dans ces temps-là, une grossesse sans mariage était impensable, et pouvait causer la mort de la jeune fille concernée. En fait, Marie et Elizabeth ont eu une expérience de libération. Mais au lieu de suivre la foi de Marie, nous, les croyants l’avons décrétée Mère de miséricorde. Voilà le problème: les préjugés des femmes contre les femmes se retrouvent non seulement dans la désapprobation de l’ordination des femmes, mais aussi dans la foi populaire concernant Marie.
Pourquoi l’éco-féminisme fut-il adopté comme thème d’AMOR XI ?
Nous, les femmes, avons reçu de Dieu le rôle unique de porter, de nourrir, et de protéger la vie. Du point de vue des femmes, l’éco-féminisme ne doit pas dominer la nature mais la protéger et la sauver quand elle est en danger, et protéger toute vie. De plus, on ne peut séparer les êtres humains du reste de la nature parce que tout à la même origine et tout est interdépendant. La spiritualité de l’éco-féminisme ne prend pas pour centre l’être humain. Elle implique une plus grande prise de conscience du fait que nous devons partager la vie de la nature. C’est le droit et la mission des femmes de construire un monde harmonieux basé sur cette croyance. L’éco-féminisme n’a pas pour but de balayer et de supprimer les hommes, il met l’accent sur l’harmonie, qui est la clé de la réconciliation de la nature et du genre humain, et de la guérison de tout ce qui a été dévasté.
Comment l’éco-féminisme peut-il s’appliquer à la réalité asiatique ?
C’est très difficile. Il faudrait que le modèle de vie religieuse change. Par exemple, la caractéristique des religions orientales est la « pauvreté pure », le service désintéréssé. Mais nous, les religieux, semblons ne pas le comprendre. Sous prétexte d’aider les pauvres, nous nous laissons aller au matérialisme. Nous devons nous libérer des biens matériels et retrouver l’essentiel de la religion orientale. Je souhaiterais que les religieux essayent d’être des gens qui vivent dans la pauvreté plutôt que des gens performants. En tant que religieux, nous devons réduire nos besoins et vivre dans la joie une pauvreté volontaire. Jusqu’à présent, AMOR a surtout combattu pour la libération de la pauvreté, mais si cette lutte donne trop d’importance aux biens matériels, qui sera prêt alors à renoncer à ce qui paraît avoir tant de valeur?
Cela veut-il dire que la lutte des pauvres pour les besoins matériels est une erreur?
Il est bien sûr juste que ceux qui ont faim luttent pour leur nourriture. Mais aussi longtemps que nous ferons des besoins matériels l’objet de nos désirs, leur valeur ne fera que croître. Même si il y a abondance de biens nos vies restent vides. Nous devons changer cette valeur. Les pauvres doivent combattre la pauvreté qui vient des injustices du système mais, dans leur lutte, ils doivent faire attention à se garder du matérialisme.
Qu’avez vous l’intention de faire maintenant?
Les religieux doivent changer de style de vie, et c’est ce que je vais faire. Dans mes visites sur le terrain je rencontre des religieux qui partagent la vie de la population locale. C’est ce que doivent faire les religieux, pour apprendre ainsi la sagesse de la vie.