Eglises d'Asie

LES EVÊQUES LANCENT UN APPEL EN FAVEUR DES PRISONNIERS ETRANGERS

Publié le 18/03/2010




Pour un meilleur traitement des étrangers détenus dans les prisons, les commissariats de police, les centres d’immigration et autres lieux de détention provisoire.

A Monsieur Kokichi Shimoinaba, ministre de la Justice

Le 21 novembre 1997

L’Eglise catholique du Japon a toujours été active pour apporter l’aide en son pouvoir aux étrangers qui, pour des raisons diverses, viennent dans notre pays. Nous connaissons les difficultés auxquelles font face les travailleurs étrangers dans ce pays et nous savons bien qu’il n’est pas facile de les aider. Les problèmes qui se posent sont difficiles à résoudre par une simple politique officielle. Cependant, aussi ardus soient ils, nous partons du fait qu’aux yeux de Dieu, la race et la nationalité ne comptent pas et que chaque personne reçoit la dignité unique d’être humain. Ce principe est et sera la base de notre préoccupation concernant la communauté étrangère au Japon.

Lorsque, par malheur, des étrangers transgressent nos lois, ils sont interrogés le moment venu dans les cellules de la police, détenus dans des lieux de détention provisoire ou envoyés en prison. Mais il est venu à notre connaissance que, d’un point de vue humanitaire, il y a beaucoup de domaines dans lesquels les traitements qui leur sont accordés ont besoin d’être améliorés. Nous savons que les responsables officiels appliquent les règlements; nous savons également que des efforts sont faits pour améliorer les conditions de détention dans les diverses institutions concernées. Cependant, nous sommes convaincus que, d’un point de vue humanitaire, il y a beaucoup de situations qui nécessitent des mesures immédiates. Cette conviction nous a incités à soumettre les points suivants à votre attention et à demander que chaque personne des différents ministères concernés et tous les officiels fassent quelque chose pour améliorer les conditions présentes de détention des étrangers. Nous demandons aussi que le ministère procède aux amendements nécessaires des lois et régulations se rapportant à ce sujet.

1. Etre envoyé en prison ou dans tout autre lieu de détention est, même pour un Japonais, une expérience éprouvante. Dans le cas d’étrangers qui ne connaissent pas la langue ou les coutumes du Japon, tout incident, même minime, ajoute grandement à cette épreuve. Ceci explique pourquoi de nombreux détenus étrangers en détention provisoire ont souffert de névroses ou autres maladies mentales. Comme première mesure pour améliorer la situation nous souhaitons vivement que le personnel de ces institutions reçoive une formation dans les langues étrangères requises. De plus, lorsque les étrangers sont mis en détention, les officiers responsables devraient leur donner des directives et explications écrites dans leur propre langue ou au moins veiller à ce qu’on leur en fasse la lecture. Et ces explications devraient informer l’accusé de son droit à se faire assister par un avocat.

2. Dans les cas où les détenus sont atteints de névroses ou autres troubles mentaux, pour des raisons diverses, nous demandons humblement que le ministère leur fournisse une aide thérapeutique. Nous souhaiterions qu’au lieu de les punir pour des paroles ou des actes, dûs à l’anxiété grandissante et qui perturbent la vie quotidienne de la prison, un spécialiste ou un conseiller puisse être appelé afin de traiter la situation.

3. Nous voulons lancer un appel solennel pour le changement du règlement des prisons qui n’autorise que les visites de la famille. Pour les familles qui habitent des pays lointains, les visites sont si coûteuses qu’elles sont pratiquement impossibles. D’un autre côté, la vie en prison sans visites de la famille accroît la solitude et l’anxiété. Au moins, nous aimerions que la loi soit amendée pour autoriser les visites d’un représentant de la famille, habilité par elle à rendre visite au prisonnier.

4. Nous espérons aussi, sincèrement, que le ministère va prendre des mesures pour éduquer et former le personnel de ces institutions, particulièrement dans les langues asiatiques, afin que les détenus puissent écrire librement des lettres dans leur langue et parler cette langue lorsqu’ils ont des visites. Nous avons entendu parler d’un cas qui fut contraire à toutes les vues humanitaires: le cas d’une mère qui fit le voyage d’Israël, pour rendre visite à son fils emprisonné, et qui dût rentrer chez elle sans avoir pu échanger un mot avec lui, simplement parce qu’elle ne parlait ni anglais ni japonais. Améliorer les compétences linguistiques du personnel prendra du temps. Donc, nous suggérons que le gouvernement fasse appel, à titre provisoire, au personnel des ONG et à d’autres organismes de la société civile.

5. Parce que nous nous occupons des détenus, nous avons remarqué que, dans l’interprétation de leurs responsabilités, les personnels des prisons et centres de détention au Japon ne sont pas au niveau des standards internationaux. Pourrions-nous inciter le ministère à fournir aux officiels et aux personnels une formation solide dans le domaine des principes des droits de l’homme et pour une prise de conscience dans ce domaine? La raison d’être de la prison a évolué. Il ne s’agit plus tant de lieux de punition que de lieux pour s’amender. Nous sommes persuadés que cette vision est dans la tendance de la communauté internationale actuelle. D’où notre appel au ministère pour qu’il donne au personnel des prisons l’éducation et la formation qui leur permettront d’accompagner les prisonniers vers la réhabilitation.

6. Le fait de seulement punir les gens ne les aide pas à se remettre sur pied. Ils ont besoin de conseils et de la force que peut leur apporter la religion. C’est un domaine qui touche aux problèmes du coeur et de l’esprit, domaine où la religion est d’une très grande aide. Nous demandons aux autorités de faire preuve d’ouverture d’esprit, de compréhension, et de souplesse concernant les religions des détenus. Dans le cas des catholiques, par exemple, le baptême, la messe, l’eucharistie ont une profonde signification pour eux. Nous sommes sûrs qu’une étude du rôle de la religion dans la vie des gens d’autres pays permettrait une meilleure compréhension des besoins des prisonniers en la matière.

7. Enfin, notre souhait le plus cher serait que le ministère augmente le nombre et la qualité des traducteurs disponibles dans les bureaux de l’immigration, les centres de détention provisoire et autres lieux similaires, et que le système ait une base plus solide. Le besoin ne se limite pas à une compétence dans les langues étrangères, il faut aussi une connaissance appronfondie des langues et du système des tribunaux, afin d’assurer un procès équitable au prévenu.

Les requêtes ci-dessus sont le fruit d’une expérience enrichie au fil des ans par notre action dans la communauté étrangère. Si le ministère de la Justice pouvait, d’un point de vue humanitaire, mieux appréhender la question des détenus étrangers dans les prisons et centres de détention, nous sommes convaincus que ce serait là une nouvelle preuve de l’ouverture d’esprit du Japon et de son désir de jouer pleinement son rôle de membre de la communauté internationale.