Eglises d'Asie

EXPOSE DU DIRECTEUR DU BUREAU DES AFFAIRES RELIGIEUSES DU GOUVERNEMENT AUX EVEQUES LORS DE LEUR REUNION ANNUELLE D’OCTOBRE 1997

Publié le 18/03/2010




Monsieur le cardinal et président de la Conférence épiscopale, messeigneurs les évêques des 25 diocèses du pays.

Je suis très honoré aujourd’hui, messeigneurs, de vous faire part des préoccupations, des désirs, des attentes et des soucis de l’Etat à l’égard de l’Eglise catholique du Vietnam. Je viens d’être nommé à ce poste par l’Etat, il y a à peine un peu plus de deux mois. C’est la première fois qu’il m’est ainsi donné de prendre contact avec la Conférence épiscopale du Vietnam. Je me permets de vous manifester mon respect et mon désir sincère de collaborer avec vous à l’amélioration de la religion et à l’embellissement de la vie. “Bonne religion et belle vie” ou “Belle religion et bonne vie”, telle est la maxime dont nous nous inspirons lorsque nous rentrons en relation avec les diverses religions et en particulier, avec l’Eglise catholique du Vietnam.

Comment faire pour que ce qui est bon pour la religion embellisse aussi la vie? La signification véritable de cette phrase est de faire en sorte que soient assurées l’indépendance, l’unité et la souveraineté nationales, que soit gardé intact le territoire, que le peuple soit libéré de la pauvreté et de l’arriération le plus tôt possible, et que nous progressions vers la prospérité du peuple et la puissance du pays, vers une société juste et cultivée. Pour atteindre cet objectif, je pense que la grande union du peuple tout entier, l’union des païens et des croyants est nécessaire, particulièrement nécessaire. L’expression “Grande Union”, aujourd’hui, est loin d’être un mot vide sans contenu concret. La “Grande Union” prend l’idéal commun comme point de convergence, tout en accueillant les différences qui ne s’opposent pas au bien commun de la nation. Ensemble, nous ferons disparaître les préjugés, les complexes, les haines pour nous orienter vers l’avenir, et mettre en place un esprit d’union, d’ouverture, de confiance mutuelle, en toute chose, oeuvrant pour l’indépendance de la patrie, la liberté et le bonheur du peuple.

Evoquant ici la “Grande Union”, comment ne pas faire mention du Comité d’union du catholicisme ? Nous savons bien, messeigneurs, que vous en avez des visions différentes. Mais en fait, qu’est-ce que le Comité d’union? C’est une organisation sociale des catholiques vietnamiens dans laquelle même les prêtres et les religieux rendent réelle la grande union nationale et, de façon concrète, mobilisent les catholiques vietnamiens de telle sorte qu’ils s’attachent à la nation et collaborent avec elle. Nous n’oublierons jamais les exemples qui ont illuminé notre histoire, celui du P. Pham Ba Truc, du P. Vu Xuân Ky, Vo Thanh Trinh et, plus près de nous, celui de l’archevêque Nguyên Van Binh. Tous ont renforcé le prestige du catholicisme sans jamais porter tort au bon renom de l’Eglise.

La société a un grand besoin de “normalisation”, l’Etat a grand besoin d’union. Pourquoi ne pas conseiller et permettre aux prêtres et aux religieux de participer au Comité d’union pour qu’ils s’attachent à leur nation et collaborent avec elle ?

Certains ont pour opinion qu’il suffit de laisser entrer les laïcs au Comité, mais pas les prêtres, ni les religieux. A notre avis, les prêtres, et même les évêques, sont au sens propre du mot, des pasteurs; les laïcs ne sont que des brebis à l’intérieur du troupeau. Si les brebis, seules, participent et que les pasteurs s’abstiennent, quel sens positif cela pourrait-il avoir? Les prêtres et les religieux doivent être incités à participer non seulement au Comité d’union du catholicisme, mais encore à toutes les autres organisations représentatives du peuple, comme les conseils populaires à tous les échelons, à l’Assemblée nationale, au Front patriotique pour rassembler les catholiques, pour faciliter leur participation à l’édification et à la défense de la patrie.

Arrivé à ce point, s’impose à moi le souvenir du vénéré archevêque de Hô Chi Minh-Ville, Nguyên Van Binh. Récemment, à Hô Chi Minh-Ville, les congrégations religieuses ont débattu des orientations religieuses de Mgr Binh et ont ensuite donné son nom à la session théologique de la fédération des religieux. Nous vénérons les idées religieuses de Mgr Nguyên Van Binh: Nous nous sommes efforcés, disait-il, de montrer que les catholiques étaient des Vietnamiens tout comme tous leurs compatriotes, des citoyens démocratiques véritables, car nous remplissons avec enthousiasme nos devoirs civiques. Notre croyance, notre catholicisme ne nous éloignent pas de notre patrie. Mieux, le christianisme nous incite à vivre généreusement, sincèrement, à nous oublier nousmêmes pour le bien commun. C’est pourquoi, dans la période récente, nous avons, le plus positivement possible, participé à tous les travaux. Les relations entre la religion et la vie sont permanentes et authentiques; c’est bien pourquoi, nos questions, nos souhaits, nos problèmes ont reçu pour la plupart une réponse satisfaisante. Les préjugés anciens ont diminué des deux côtés et les activités religieuses (dans la ville), d’une manière générale, se déroulent normalementN’éprouvons ni souci, ni crainte devant les difficultés encore présentes. Réjouissonsnous et faisons confiance. Manifestons notre patriotisme d’une manière plus concrète. Soyons résolus à vivre l’Evangile au sein du peupleet à nous sacrifier davantage pour la patrie

Devant un tel sentiment, le sentiment d’un pasteur pour la vie, l’Etat éprouve une profonde sympathie pour la religion. En vérité, durant la période où Mgr Nguyên Van Binh a été archevêque, malgré les innombrables affaires suscitées par les opposants à l’Etat, comme par exemple, l’affaire de Vinh Son du 13 février 1976 ou l’affaire de la congrégation de la Co-rédemption du 20 mai 1978, contrairement aux prévisions de beaucoup, le catholicisme, dans notre ville, a continué de rester vivant“.

Le premier ministre Vo Van Kiêt a ainsi parlé de ce sage pasteur: Pour Chi MinhVille, grâce à la présence de l’archevêque Nguyên Van Binh à la tête du diocèse, nos compatriotes catholiques se sont grandement transformés et ont évolué d’une façon tous les jours plus heureuse. C’est pourquoi, alors que se pose la question de la succession, le gouvernement vietnamien tient à déclarer clairement: ‘Pour la stabilité de la ville ainsi que pour celle du pays, il est nécessaire que le successeur soit une personne qui continue de mettre en pratique la même orientation que celle qui est suivie aujourd’hui avec bonheur’“. (Interview donnée à Công Giao Dân Tôc, 27 février 1994) (1).

Pour ce qui concerne les évêques et les administrateurs apostoliques, l’article 19 de la résolution 69 du Conseil des ministres (2) contient les dispositions suivantes: Pour le degré hiérarchique de Hoa Thuongchez les bouddhistes, de cardinal, archevêque ou évêque chez les catholiques, et pour les grades correspondants dans les autres religions, l’approbation du conseil des ministres est nécessaire“.

Au cours des séances de travail organisées entre le Vietnam et le Saint-Siège, les deux parties se sont accordées pour que, lors de la nomination d’un cardinal, d’un évêque, d’un administrateur, le Vatican demande l’avis du gouvernement vietnamien. Le but de cette disposition, c’est que les personnes choisies pour devenir cardinal, évêque ou administrateur soient capables d’accomplir leur fonction ecclésiale et de remplir leurs devoirs de citoyens en même temps. L’histoire de la lutte du peuple vietnamien pour l’indépendance nationale contre les impérialistes envahisseurs, tout comme l’histoire de l’Eglise catholique du Vietnam nous ont appris qu’un candidat à l’épiscopat au Vietnam doit être un homme en bonne relation avec la population et avec les autorités, sensibilisé au développement de la société et engagé concrètement en ce domaine. En effet, en qualité d’évêque, il ne devra pas réduire ses activités au domaine religieux mais aussi s’engager dans le domaine social et dans les relations avec les autres religions.

Aujourd’hui comme toujours, la politique de liberté de croyances ne change pas. De 1991 à cette année, l’Etat a accepté l’ordination d’un cardinal et de 6 évêques, le déplacement et la nomination de 4 évêques, l’ordination de 623 prêtres. De 1993 à 1996, parmi les 550 ecclésiastiques appartenant à des religions aux ramifications internationales (bouddhisme, catholicisme, islam, protestantisme) ayant reçu la permission de se rendre à l’étranger, 386 sont des prêtres et religieux catholiques: 51 d’entre eux y sont allés poursuivre des études de longue durée. La plus grande partie des églises et chapelles, endommagées ou trop étroites, ont été reconstruites ou restaurées.

Cependant, il reste un certain nombre d’obstacles :

1- Pour ce qui est des activités destinées à célébrer l’an 2000, il s’agit là d’activités religieuses de caractère international du monde catholique, auxquelles participe l’Eglise catholique vietnamienne. L’Etat vietnamien ne s’y oppose pas, mais, pour que ces activités aient des conséquences effectives, il convient que l’Eglise conseille à ses fidèles d’exprimer leur foi, de mettre en pratique les enseignements du Seigneur en posant des actes concrets utiles à la société, au pays et à chacun. Les évêques dans les diocèses échangeront et s’entretiendront avec les autorités locales pour que cellesci les aident. A ma connaissance, actuellement, cinq sur 25 diocèses ont fait part du programme de l’Année sainte aux autorités locales. Afin que les cérémonies anniversaires se déroulent dans l’ordre, avec solennité et conformément à la loi, les autorités locales, surtout au niveau des communes et des districts doivent recevoir des informations sur les sujets suivants:

– L’organisation de cérémonies et de rassemblements avec la participation d’un grand nombre de personnes, que ce soit des fidèles ou des ecclésiastiques.

– La diffusion de documents et de textes. L’impression et la publication de textes (y compris prières et cantiques) qui sont les textes officiels de l’évêché.

-Le Bureau des Affaires religieuses du gouvernement a demandé aux divers bureaux des provinces et des villes où se trouvent des évêques, de s’entretenir avec ceux-ci pour qu’ils leurs fassent des comptes rendus officiels.

2 – Quant au deux-centième anniversaire des “événements” de La Vang, l’Etat considère qu’il s’agit là d’activités religieuses locales puisque ce lieu fait partie du diocèse de Huê. Ainsi, l’archevêque, administrateur apostolique de l’archidiocèse de Huê, devra avertir les autorités de la province de Thua Thiên du programme concret, pour obtenir de l’aide.

3 – Pour ce qui concerne le futur envoi d’évêques au synode des évêques d’Asie qui aura lieu au mois d’avril prochain, il me semble qu’il s’agit là d’une véritable exigence. L’Etat le reconnaîtra et créera pour vous des conditions favorables. cependant pour garantir que tout se passe bien, je propose que vous choisissiez des personnes capables de donner satisfaction aussi bien au point de vue ecclésial que social, de façon à ce que les formalités de sortie du pays ne rencontrent pas d’obstacles.

4 – Les livres et publications : il existe aujourd’hui beaucoup de documents, de livres, de publications qui sont diffusés, conservés ou encore mis en vente, illégalement. Beaucoup de documents venus de l’étranger sont introduits dans le pays sans permission. Nous vous demandons d’informer vos subordonnés que les établissements religieux n’ont pas le droit de conserver, de diffuser, ou de mettre en vente ces produits culturels illégaux.

5 – Maisons et terrains appartenant aux établissements religieux : Selon la loi sur les terrains de 1992, la propriété des terrains est publique. Le gouvernement est en train de mettre en place le recensement des terres pour pouvoir en transmettre le droit d’utilisation. Pendant que l’Etat accomplit cette tâche, il convient de ne pas réveiller des querelles liées au passé dans les endroits où on utilise ces terrains normalement et légalement. Il ne faut pas remettre en question la propriété des terrains et établissements qui ont été confisqués, achetés sur réquisition, ou collectivisés par l’Etat selon les dispositions de la loi.

6 – La question des associations : Dans un certain nombre de paroisses, de nombreux groupes de personnes se réclamant de telle ou de telle association, avec comité directeur et responsables, mènent des activités, même en dehors de l’église et du presbytère, créant des difficultés à l’administration et à la gestion des autorités locales, et provoquent des situations faciles à exploiter. Il est nécessaire de mettre un terme aux activités de ces associations illégales. Pour fonctionner, elles doivent suivre la loi des associations.

7 – Au sujet des souscriptions: N’importe quelle quête dans la population, organisée par m’importe quelle organisation, doit avoir été autorisée.

Nous demandons à l’Eglise qu’elle agisse en fonction de la loi et se soucie de la santé de la population.

Messeigneurs, face aux problèmes concrets que vous avez exposés au cours de cette réunion, il m’a semblé de mon devoir d’exposer exactement les conceptions et les positions “orthodoxes” de l’Etat. Avec sérieux et par respect pour la Conférence épiscopale, l’organe représentatif suprême de l’Eglise catholique, j’ai présenté les conceptions “orthodoxes” de l’Etat au sujet de chaque question. Je pense qu’il n’y a rien de plus positif que la franchise. Je livre donc ces conceptions à votre méditation. A vous, monsieur le cardinal, messeigneurs les évêques et les administrateurs, je vous souhaite une très bonne santé et, pour votre réunion, les meilleurs résultats possibles.

Hanoi, le 8 octobre 1997

(1)Voir traduction complète de cette interview de M. Vo Van Kiêt dans EDA 173, document annexe.

(2)Ces directives destinées à régir les activités religieuses ont été publiées le 21 mars 1991 et traduites dans EDA 111, document annexe.

(EDA, janvier 1998)

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G. Arotçarena