Eglises d'Asie

Le nouveau directeur des Affaires religieuses expose aux évêques le rôle que doit jouer le catholicisme au sein de la nation

Publié le 18/03/2010




Il aura fallu attendre deux mois pour que les travaux de la réunion d’octobre de la Conférence épiscopale soient mieux connus du public. Après la publication du rapport officiel du secrétaire général de la Conférence (5) et de la lettre envoyée au premier ministre par les évêques (6), certains bulletins à tirage limité avaient mentionné l’intervention du bureau des Affaires religieuses pendant la réunion (7). Le texte entier de l’exposé du directeur du Bureau aux évêques est aujourd’hui connu et diffusé, bien que non officiellement (8). Il constitue en fait une excellente et claire mise au point sur les conceptions religieuses “orthodoxes” du gouvernement et sur la politique actuellement suivie par lui à l’égard des catholiques, politique exposée par le nouveau haut responsable des affaires religieuses avec une franchise presque brutale, mais aussi avec une certaine courtoisie pour les membres de la hiérarchie catholique.

Au centre même de l’exposé du responsable des affaires religieuses, est le rôle que le catholicisme doit jouer aux yeux des autorités à l’intérieur de la société vietnamienne. Il doit se considérer comme essentiellement au service de ce que l’actuel responsable des affaires religieuses appelle, à la suite de Hô Chi Minh, la grande union du peuple, “Dai doàn kêt“, un autre nom de la paix sociale, ou encore de l’ordre établi. La différence constituée par la catholicisme au sein de la société vietnamienne est bien moins importante que sa capacité de se mettre au service du bien commun. C’est bien pourquoi, s’adressant à la hiérarchie catholique réunie à Hanoi, le haut fonctionnaire présente le groupe de prêtres et de laïcs qui adhèrent au Comité d’union du catholicisme comme le modèle même du catholicisme. C’est une organisation sociale, dit l’exposé,dans laquelle même les prêtres et les religieux rendent réelle la grande union nationale et, de façon concrète, mobilisent les catholiques vietnamiens de telle sorte qu’ils s’attachent à la nation et collaborent avec elleCette organisation, dit encore l’exposé, est au service de la normalisationde la société.

L’insistance mise à défendre le Comité d’union et surtout la nécessaire présence en son sein des évêques et des prêtres, laisse à penser que les responsables politiques y voient l’exemple même d’une Eglise chère à leur coeur, une Eglise faite de brebis mobilisées par leurs pasteurs pour l’édification et la défense de la patrieLe texte ne dit-il pas en effet que les laïcs ne sont que des brebis à l’intérieur du troupeauL’auteur de l’exposé sait bien que de nombreux évêques ne sont pas d’accord avec le rôle qu’il voudrait voir jouer aux membres du Comité d’Union. Il s’appuie sur l’exemple de l’archevêque de Saigon, décédé et non remplacé, Mgr Nguyên Van Binh. Il oublie, comme semble-t-il le lui ont fait remarquer les évêques, que c’est l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville, lui-même, qui, le 11 novembre 1993, lors d’une réunion du Comité d’union, avait, par la voix de son vicaire général, le P. Huynh Công Minh, demandé aux prêtres de se retirer de ce comité.

A plusieurs reprises dans l’exposé, réapparaît cette conception d’une Eglise instrument politique au service de la stabilité politique du pays. Ainsi, à propos de la célébration du deuxième millénaire de la rédemption, il est conseillé aux catholiques vietnamiens de célébrer cet événement en posant des actes concrets utiles à la société et au pays. Pareillement à propos de la nomination des évêques, le responsable gouvernemental n’hésite pas à définir très précisément le rôle d’un évêque au Vietnam: Un candidat à l’épiscopat au Vietnam doit être un homme en bonne relation avec la population et avec les autorités, sensibilisé au développement de la société et engagé concrètement en ce domaine. Il ne devra pas réduire ses activités au domaine religieux mais aussi s’engager dans le domaine social Plus loin, au sujet des représentants de l’épiscopat vietnamien qui iront au synode des évêques d’Asie, il est conseillé à la Conférence épiscopale de choisir des personnes capables de donner satisfaction aussi bien au point de vue religieux que social, en d’autres termes, de tenir compte, dans le choix des candidats, de leur profil politique.

Ce rôle mobilisateur reconnu à la communauté catholique, surtout à sa hiérarchie, n’empêche pas le porte-parole du gouvernement vietnamien de tracer pour elle des limites parfaitement définies. L’Etat vietnamien, semble-t-il, répugne à voir l’Eglise catholique se comporter en entité nationale. Aussi bien pour la célébration du deuxième centenaire des apparitions de Notre-Dame de La Vang, pudiquement appelés des “événements“, que pour la célébration de l’Année sainte, le directeur des affaires religieuses refuse aux catholiques de donner à ces anniversaires une dimension nationale. Cela est clair pour ce qui concerne le deuxième centenaire des apparitions de Notre-Dame de La Vang. Il s’agit d’activités religieuses localesdéclare l’exposé. Quant aux cérémonies marquant le deuxième millénaire, c’est au niveau des communes et des districts qu’elles doivent être organisées et contrôlées.

Sur les points importants, la position gouvernementale n’a guère changé. L’exposé rappelle les conditions mises à la succession de Mgr Binh à Hô Chi Minh-Ville. Il formule des mises en garde aussi bien contre la création d’associations catholiques que contre la publication et la diffusion de livres et brochures non autorisés ou encore contre d’éventuelles réclamations concernant les propriétés d’Eglise confisquées par l’Etat. Si l’exposé rappelle la position, selon lui, privilégiée du catholicisme en regard des autres religions, c’est pour rappeler aussitôt les contrôles auxquels l’Eglise doit se soumettre.