Eglises d'Asie

La revue “Công Giao và Dân Tôc” évoque la nomination en 1975 de Mgr Nguyên Van Thuân au poste d’archevêque coadjuteur de Saigon

Publié le 18/03/2010




Le supplément mensuel de “Catholicisme et Nation” du mois de décembre 1998 a publié un récit relatif à l’un des événements les plus importants de l”histoire de l’Eglise du Vietnam après le changement de régime du mois d’avril 1975, événement encore dans toutes les mémoires des catholiques vietnamiens. Il s’agit du refus des autorités gouvernementales d’accepter la nomination par le Saint-Siège de Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân au poste d’archevêque coadjuteur de Saigon.

Le récit concerne plus précisément une réunion qui a eu lieu le 27 juin 1975 à l’ancien “Palais de l’indépendance”. Les autorités y avaient convoqué Mgr François-Xavier Nguyen Van Thuân, récemment nommé au poste d’archevêque coadjuteur de Saïgon par le Saint-Siège, pour lui signifier le veto absolu opposé par le gouvernement à sa prise de fonction. Le prélat était venu à cette convocation accompagné de son secrétaire. Avaient aussi été invités à cette réunion trois personnes appartenant à un groupe de catholiques, qui depuis l’annonce de la nomination s’étaient opposés de diverses façons à la venue du nouvel archevêque à Saïgon: le P. Thanh Lang, prêtre originaire de Thanh Hoa, connu pour ses travaux sur la littérature vietnamienne, le P. Nguyên Huy Lich, alors supérieur des dominicains de la province de Lyon et M. Ly Chan Trung, professeur de philosophie dans diverses universités. Le P. Trân Du, ancien rédacteur du journal “Hoa Binh” aussi convoqué à cette réunion représentait une tendance tout à fait opposée. Le pouvoir révolutionnaire était représenté par trois cadres supérieurs appartenant au Comité d’administration provisoire de Saigon et au Front patriotique.

Selon la présentation qu’en fait le P. Truong Ba Cân, rédacteur en chef de la revue “Catholicisme et nationle compte rendu de cette réunion, qui se prolongea de 15 heures à 19 heures, fut rédigé immédiatement après les faits par l’un des participants de cet entretien, le P. Thanh Lang. Il se présente sous la forme d’un dialogue où sont rapportés dans leur intégralité les paroles de chacun. Chacun des participants s’y exprime. Les dirigeants révolutionnaires affirment leur opposition dans la langue idéologique de l’époque. Ils voient dans la nomination de Mgr Nguyên Van Thuân une stratégie des impérialistes. Le groupe des catholiques patriotes y justifient leur position favorable au régime et reprochent à l’archevêque coadjuteur une attitude contraire. Le P. Du, au contraire, prend la défense de celui-ci avec une certaine virulence. Le plus loquace est sans doute le P. Thanh Lang. Le plus discret est Mgr Nguyên Van Thuân qui se contente de répondre qu’il ne fait qu’obéir au Saint-Siège.

Il est difficile de porter un jugement sur l’authenticité et le degré de véracité du document publié par l’organe du Comité d’union à Saigon. Les historiens se prononceront sans doute plus tard à ce sujet. Cependant il est nécessaire de faire remarquer que l’auteur du récit n’a pas gardé longtemps la position radicale adoptée à cette époque. Le P. Truong Ba Cân dans sa présentation du document dresse une biographie sommaire du P. Thang Lang jusqu’au 27 juin, date de la réunion du palais de l’indépendance. Malheureusement, en s’arrêtant à cette date, la présentation ne rend pas compte de l’évolution ultérieure du prêtre. Dès l’année suivante, le prêtre à commencé à juger sévèrement l’attitude qu’il avait prise lors de cette réunion. C’est du moins ce qu’il laissait entendre à l’un de ses visiteurs français, venu le voir pour un tout autre motif. Plus tard, au moment de l’affaire des canonisations des martyrs du Vietnam, alors que l’Etat vietnamien menait campagne contre celles-ci, le P. Thang Lang avait publiquement pris parti et s’était exprimé sans ambiguïté dans une très belle déclaration prononcée devant le Comité des sciences sociales du Vietnam, le 11 mars 1988. Sans renier son passé patriote, il avait avec fermeté refusé de réexaminer le cas d’un seul des 117 martyrs destinés à être canonisés: Nous forcer à réexaminer la sainteté des 117 bienheureux, avait-il affirmé, c’est nous forcer à abandonner notre religion(19). Il avait aussi critiqué ouvertement la discrimination dont les catholiques étaient l’objet au Vietnam. Au moment de sa mort, la même année, dans son testament qui fut alors rendu public, le P. Thanh Lang était revenu sur cet épisode de sa vie et avait demandé pardon à Mgr Nguyên Van Thuân. Il avait, par ailleurs, chargé un prêtre du diocèse de Nhatrang d’exprimer ces mêmes sentiments à celui qui était encore archevêque coadjuteur de Hô Chi Minh-Ville.

A la suite de ces événements, Mgr Nguyên Van Thuân fut arrêté et interné pendant 13 ans jusqu’en décembre 1988. Le refus des autorités d’accepter sa nomination à Saigon s’est prolongé jusqu’en novembre 1994, date à laquelle l’archevêque a été nommé vice-président du Conseil pontifical “Justice et paix”.