Eglises d'Asie

Les engagements électoraux du BJP inquiètent davantage les musulmans que les chrétiens

Publié le 18/03/2010




Il est probable que le parti hindouiste nationaliste, le BJP (Parti du peuple indien) l’emportera sur le Parti du Congrès aux prochaines élections qui auront lieu en février et mars. Cependant le nombre de sièges qu’il obtiendra ne sera pas encore suffisant pour lui permettre de constituer une majorité au parlement. C’est la raison pour laquelle le BJP avait, ces temps derniers, essayé de gommer une partie de son agressivité à l’encontre de l’islam et des autres religions. Les observateurs politiques pensaient même qu’avant les élections, les porte-parole de ce parti éviteraient d’évoquer les questions susceptibles de provoquer la division. Or, le programme électoral du parti, publié le 3 février 1997, n’a pas hésité à aborder la plus brûlante d’entre elles, à savoir l’affaire de la destruction, en 1992, de la mosquée d’Ayodhya, prétendument édifiée sur l’emplacement d’un ancien temple hindou; elle avait été suivie de heurts qui avaient opposé hindous et musulmans sur tout le pays, entraînant deux mille morts (8). Pour consolider sa clientèle dans les milieux fondamentalistes, le BJP vient de s’engager à construire un temple hindou sur les ruines de la mosquée d’Ayodhya. Trois jours après la parution du programme électoral, le 6 février, le dirigeant de l’aile droite du parti, Lal Krishna Advani, au cours d’un discours prononcé à Ayodhya, a renouvelé cet engagement: “Si nous parvenons au pouvoir, nous construirons ici un temple au Seigneur Ramaa-t-il promis.

Deux éminentes personnalités musulmanes, Mohammad Mouazzam Ahmed et Ahmed Bukhari, ont aussitôt relevé ce défi et dénoncé les promesses électorales inscrites au programme du BJP. Mohammad Mouazzam Ahmed, adjoint au desservant d’une mosquée de New Delhi a ainsi commenté les promesses électorale du BJP : Le programme de ce parti montre son réel visage. Il n’y a pas de changement fondamental dans ses idées. Sa prétendue modération n’est qu’un stratagème à usage électoralIl a relevé encore un certain nombre de propositions du programme, elles aussi, dirigées contre l’islam et les autres religions. Plus particulièrement, il s’est élevé contre l’engagement pris par le BJP de promouvoir un code civil unique pour tous les citoyens de l’Inde, à la place des diverses législations actuelles qui régissent mariages, divorces, héritages pour chacune des communautés religieuses de l’Inde. La critique du religieux musulman a porté également sur une proposition du programme demandant la fin des privilèges constitutionnels accordés au Kashmir, seul Etat indien à majorité musulmane.

Dans sa déclaration, Ahmed Bukhari, responsable d’une autre mosquée de New Delhi, a attribué à l’inertie et à l’impéritie du Parti du Congrès la rapide progression du BJP. Celui-ci continue de se développer à la faveur de l’indécision politique des musulmans et grâce à une campagne animée par la haine. Le BJP n’avait que deux sièges de députés en 1984. En 1996, il était déjà devenu le plus grand parti indien avec 545 députés au parlement.

D’un point de vue général, l’opinion catholique concernant l’éventualité d’un gouvernement formé par le BJP est beaucoup plus modérée et, quelquefois même relativement favorable, même si, ici et là, on continue de craindre pour les droits des minorités et les activités caritatives des catholiques. L’archevêque de Hyderabad, Mgr Saminemi Arulappa a rassuré ses fidèles en leur disant qu’ils n’avaient rien à craindre d’un tel gouvernement. Il a ajouté qu’il existe des gens préoccupés du bien commun dans tous les partis. L’évêque nommé de Meerut dans le Uttar Pradesh, Mgr Oswald Lewis, est d’avis qu’il faut donner ses chances à ce parti : Je pense, a-t-il dit, qu’il ne menace pas les minorités…”

En certains Etats, les hautes instances du parti ont fait de remarquables efforts pour rassurer les chrétiens. Dans le Uttar Pradesh, le candidat officiel au poste de premier ministre, Atal Behari Vajpayee, a fait campagne à l’intérieur du Collège chrétien de Lucknow où il a affirmé que le futur gouvernement garantirait la sécurité des minorités et l’égalité des religions. Cependant les détracteurs du BJP affirment qu’il ne s’agit là que d’un masque libéral à usage électoral. Par ailleurs, dans certains Etats, le BJP a admis des chrétiens sur la liste de ses candidats, comme dans le Kerala, où ils sont quatre. Certains chrétiens sont mêmes devenus militants de ce parti, dans le but précis de protéger les droits des minorités chrétiennes. Ce fut le cas du couple catholique Richard et Iris D’Souza, anciens militants du BJP à Mangalore dans le Sud, aujourd’hui démissionnaires : Nous n’étions pas sûrs que la sécurité des chrétiens soit assurée sous un régime prohindou. Mais nous sommes entrés au BJP pour y défendre les droits des minorités“.