Eglises d'Asie

CHANGER LA POLITIQUE RELIGIEUSE

Publié le 18/03/2010




Renan disait des chrétiens qu’ils attendaient la fin des temps et le retour du Christ et que c’est l’Eglise qui est venue. Peut-on, toutes proportions gardées, établir un parallèle avec ce qui se passe aujourd’hui dans les derniers pays communistes, ceux qui ont survécu aux grands bouleversements des années 90. Ils attendaient le communisme, et, avec lui, ce que l’on appelait, après Marx, le dépérissement du phénomène religieux. Le communisme s’est éloigné toujours davantage, pour disparaître dans un futur brumeux. La période transitoire du dépérissement du religieux, elle, se prolonge d’autant et tend à devenir une situation normale et durable. Les religions, de ce fait, ont acquis un nouveau statut à l’intérieur de ces régimes. C’est autour de ce nouveau statut que s’exerce la réflexion de notre auteur.]

En premier lieu, il est nécessaire de préciser un principe fondamental du matérialisme dialectique : “C’est l’homme qui a créé la religion et non l’inverseCe principe qui tire son origine du matérialisme de la Grèce antique fut ensuite développé à la Renaissance, puis à l’époque des lumières en Europe, spécialement par le philosophe matérialiste classique, Feuerbach, qui a écrit la célèbre proposition : “La conscience de Dieu n’est autre chose que la conscience de l’homme par lui-même, la connaissance de Dieu n’est autre que la connaissance de l’homme par lui-même

En accord avec ce point de vue de Feuerbach, Karl Marx l’a encore renforcé : “L’homme n’est pas un être abstrait caché quelque part dans le monde. L’homme, c’est le monde humain, c’est l’Etat, c’est la société. Cet Etat, cette société ont engendré la religion”. Fr. Engels a écrit d’une façon analogue : ” Toutes les religions ne sont que le reflet illusoire – à l’intérieur du cerveau humain – des forces extérieures qui régissent leur vie quotidienne ; un reflet dans lequel les forces mondaines ont pris une forme supra-mondaine

Le 21ème siècle ne sera pas un siècle religieux

Après Karl Marx et Fr. Engels, depuis plus d’un siècle, de nombreux spécialistes de la religion, depuis E. Durkheim, Max Weber, jusqu’aux auteurs de la période des 20 ou 30 dernières années, bien que d’opinions différentes, n’ont pas renié le principe correct du fondateur du socialisme scientifique. Plus encore, grâce aux nouveaux acquis de leurs recherches, ces auteurs ont contribué à libérer le concept de religion de son enfermement à l’intérieur d’un point de vue étriqué, qui considère la religion diffusée en Europe, à savoir le christianisme, comme la mesure de tout le reste. Celui-ci regarde Dieu comme l’absolu et l’homme comme un élément dépendant de lui, créé par Lui. Par suite, les fidèles ont pour mission essentielle de glorifier le nom de Dieu et d’agrandir son domaine, parfois grâce au sang et aux larmes des membres du troupeau, ou encore à celui des adeptes des religions dites perverses. Les guerres qui ont eu lieu en Europe au Moyen-Age, celles qui ont assuré l’expansion du colonialisme hors de l’Europe, surtout en Amérique, toutes, menées sous l’étendard du christianisme, sont des manifestations indéniables de cette conception.

Grâce à une connaissance toujours plus approfondie des civilisations et des religions autres que celles d’Europe, les scientifiques tiennent la religion pour la récapitulation et la prise en compte par l’homme de ce qui n’appartient pas à ce monde charnel, à l’univers visible. Un temps, on a pu penser qu’avec le développement de la science, on découvrirait peu à peu les réponses aux mystères du monde visible et invisible. Mais, en réalité, bien que la science se soit développée et continue de se développer impétueusement, bien qu’elle ait déchiré le voile qui recouvrait beaucoup de secrets naturels qu’autrefois, on attribuait au monde invisible, c’est la science-elle-même qui reconnaît aujourd’hui qu’il y a beaucoup de choses incompréhensibles. L’horizon des connaissances encore à découvrir s’élargit sans cesse et crée chez l’homme une sensation d’impuissance. Aussi bien Marx, Engels et Lénine, les classiques du socialisme scientifique, que Einstein, le grand savant, ou encore Nehru, cet homme de grande culture, ont fait ce type de remarques. Et cela, sans parler des nombreux événements heureux ou malheureux, difficiles à expliquer, qui surgissent sans raison dans l’existence d’un individu ou d’une communauté, et que l’on attribue généralement au “destin”.

Ainsi les sources de la conscience religieuse sont encore là et, sans doute, pour longtemps. Il existe également des sources sociales. Tant que l’homme ne sera pas parvenu à un accomplissement intégral, qu’il n’aura pas atteint la maîtrise de lui-même, qu’il n’aura pas réussi à se libérer du règne et de la pression des forces sociales, il restera encore un terrain où pourra s’épanouir la religion. Cependant, il faut noter que les diverses religions apparaissent à des époques, dans des civilisations, des nations et des peuples déterminés. Plus encore, une même religion change d’apparence et de contenu en fonction des époques et des lieux. Dans le même temps, grâce à leur spécificité, beaucoup de formes religieuses primitives ont subsisté jusqu’à nous ; beaucoup de religions ont dépassé les limites du territoire où elles sont apparues et se sont répandues en de nombreux territoires du monde ; d’autres sont restées limitées à l’endroit de leur apparition.

Actuellement, en Occident, beaucoup de spécialistes de la religion tiennent pour important le principe de Marx selon lequel, la religion est en même temps un reflet du monde réel et une réaction contre lui. La religion a un caractère social.

Ainsi l’on peut considérer la religion comme une catégorie appartenant à la vie spirituelle de l’homme. Elle reflète d’une manière fantasmagorique et transcendantale ce que l’homme ressent dans la société et la nature où il vit, suivant le mode de réflexion de la civilisation à laquelle il est soumis. La religion est une production de l’homme et de la société qui, ensuite, exerce son emprise sur la vie de l’homme et de la société.

Il est aujourd’hui difficile de trouver une mesure spirituelle qui permettrait de fixer un ordre hiérarchique des religions, selon leur organisation plus ou moins perfectionnée, ou selon la solidarité plus ou moins serrée de leurs fidèles (entre catholicisme et bouddhisme, par exemple). Il est difficile aussi de tracer la frontière entre religions et croyances. La croyance est à la base de la foi qui fait apparaître le contenu de la religion et anime les cérémonies religieuses. Comment séparer ces trois éléments constituant les fondement de la religion ? Est-il vrai que, seules la religion et la magie peuvent être différenciées ?

Dans le monde, il existe des religions qui s’affirment monothéistes, qui s’inscrivent en faux contre les divinités des autres religions, n’adorant qu’un Seigneur, celui de la communauté : le Créateur. D’autres s’affirment polythéistes, assimilant facilement les divinités des autres religions dans leur propre panthéon.

Ces remarques concernant la nature de la religion nous montrent que celle-ci constitue un besoin de toute une partie de la population. D’une manière générale, la morale religieuse est une orientation vers le bien même si, dans de nombreuses circonstances, cette orientation est limitée par la croyance en un monde de l’au-delà. La religion incite l’homme à des activités ayant pour objectif sa propre perfection, la charité ou encore l’altruisme. Cependant, toute religion contenant en elle plus ou moins de superstitions, il est difficile pour elles de ne pas avoir d’aspects négatifs. Karl Marx, Engels, Lénine, Hô Chi Minh, eux-mêmes, ont reconnu le caractère positif de la religion, à savoir l’incitation à une conduite morale. Mais ils ont directement critiqué les aspects négatifs de la religion, surtout lorsque celle-ci est utilisée comme instrument par les forces représentant les intérêts des classes exploitantes pour enchaîner l’esprit des populations exploitées.

Au fur et à mesure que l’histoire s’est développée, le rôle de la religion à l’intérieur de la société s’est peu à peu restreint. Il fut un temps où son influence s’étendait à presque tous les aspects de la société et l’existence humaine. Après la révolution des droits civiques bourgeois, en Europe, la religion ne fut plus considérée comme le synonyme de société, d’Etat, mais devint un simple élément à l’intérieur de la société. Cette transformation de la religion s’est développée pendant plusieurs décennies, d’une façon passablement complexe. Cependant, on peut affirmer que, d’une façon générale, elle est le résultat de trois tendances essentielles : la sécularisation, le pluralisme et le particularisme national.

La plus évidente d’entre elles est la tendance à la sécularisation, aussi bien du point de vue des institutions que du point de vue de la vie. Le domaine religieux n’est plus tenu pour inviolable, puisque il peut être analysé, critiqué par les profanes en tant qu’objet d’étude de n’importe quelle science. Son caractère sacré est en déclin. La foi des fidèles est tantôt en hausse, tantôt en baisse. Un des phénomènes les plus remarquables c’est le syncrètisme religieux. Il arrive même que l’on veuille revêtir la religion d’une apparence scientifique. La tendance à la sécularisation se manifeste encore dans la participation d’organismes religieux, de groupes ou même de fidèles isolés à des activités sociales, éducatives, morales, médicales… ou même encore politiques. Le caractère ambigu de la religion est indéniable; son aspect positif ou négatif dépend de ceux qui détiennent la direction. Certaines composantes des religions participent aux activités de progrès de l’humanité, en faveur de la justice sociale, et même de la libération nationale et du socialisme. Au contraire, d’autres composantes soutiennent les forces politiques conservatrices, réactionnaires, ou défendent des formes sociales injustes.

La tendance au pluralisme se manifeste par la disparition graduelle de l’unité religieuse, chaque croyant se faisant une idée personnelle de son Dieu. Chaque religion se divise et se transforme en sectes. Ici et là sont apparues certaines organisations religieuses créées par certaines personnes ayant reçu l’investissement de quelque prophète. Elles s’appuient sur des formes religieuses existantes mais modernisées. Les hommes d’aujourd’hui ressentent toujours des besoins religieux, mais semblent ne plus pouvoir, pendant longtemps, accorder leur foi à une religion déterminée avec une doctrine et des rites précis. Ils voudraient concilier leur foi religieuse avec des activités d’une autre religion, ou même encore passer à une autre religion.

A côté de ces deux tendances, existe une orientation vers le particularisme national. Il s’agit là d’une tendance à revenir vers les religions traditionnelles et à contribuer à la protection de la culture d’un peuple, d’une ethnie, et d’éviter ainsi d’être englouti dans la mer des religions importées de l’étranger, pleine de nouveautés et de tentations. Le phénomène qui consiste à transformer les religions traditionnelles en fonction de la modernité est à classer dans le cadre de cette tendance à protéger la caractéristique nationale et à lutter contre les éléments pervers ou non adaptés des cultures étrangères.

Grâce au développement de ces trois tendances, au moment-même où, telle une tempête, s’accomplit la révolution scientifique et industrielle, il est possible que la religion subsiste au 21ème siècle, mais elle ne retrouvera pas l’âge d’or d’autrefois. Ce siècle ne sera pas celui de la religion, comme certains l’ont prédit. Le 21ème siècle devra être le siècle de l’intelligence et de la culture, de la lutte pour la paix, l’égalité, le progrès, la justice sociale, objectifs auxquels toutes les nations et tous les peuples devront contribuer.

La religion au Vietnam

Au Vietnam, il existe de nombreuses formes religieuses. La majorité des habitants adhère à au moins une religion. Les activités religieuses y sont multiformes. Il

arrive qu’un Vietnamien participe à des activités de religions différentes. Celles-ci sont tolérantes : elles acceptent facilement des divinités étrangères dans leur propre panthéon ou encore permettent à leurs fidèles de participer à des activités ou de partager la foi d’autres religions. Ainsi la population vietnamienne peut être considérée comme polythéiste. Alors que les Japonais, en moyenne, participent à 1,82 activités religieuses, ce chiffre est de 2 à 2,9 en fonction des régions, pour les Vietnamiens. Le besoin religieux est largement répandu. Même ceux qui se déclarent athées participent un tant soit peu à certaines cérémonies religieuses déterminées. A l’exception des adeptes du christianisme, la majorité des Vietnamiens considèrent la religion comme un bien personnel qui leur est nécessaire. Dans leur esprit, “Lorsque l’on est malade, il faut se prosterner en direction des quatre points cardinauxou “l’abstinence rend la santéLe degré de développement de la société étant encore peu élevé, leur croyance religieuse concerne essentiellement les rites. Les cérémonies religieuses entraînent des dépenses de temps et d’argent. La croyance religieuse au Vietnam a un caractère “petit paysan”, elle comporte beaucoup d’ignorance et de naïveté.

Une caractéristique religieuse du Vietnam dont il faut tenir compte, c’est la vénération des ancêtres. Tous vénèrent leurs ancêtres, ceux qui ont acquis le mérite de les avoir enfantés. Tous les villages rendent un culte à leur génie tutélaire, aux héros de la patrie, aux patrons des diverses professions, aux grands noms de la culture. Le pays tout entier célèbre le roi Hung, fondateur de la nation. La vénération des ancêtres au Vietnam donne leur cohésion à toutes les communautés, depuis la famille, en passant par le village, la commune, jusqu’à l’ensemble du pays. C’est le fil conducteur qui, depuis le passé, traverse le présent et oriente vers l’avenir. Il fait naître chez l’homme ce sentiment qu’illustre le dicton : “En buvant de l’eau on se souvient de sa source

Les résultats des enquêtes montrent que le culte des ancêtres dans les secteurs de la population qui n’adhèrent pas au christianisme atteint une proportion très élevée :

Nombre de familles pratiquant le culte des ancêtres

Le culte des ancêtres a été assez puissant pour se faire admettre à l’intérieur des autres religions comme un élément indispensable. La vénération des ancêtres et des morts exaltée par le confucianisme imprègne profondément le bouddhisme vietnamien ; le caodaïsme aussi bien que la religion Hoa Hao ont aussi emprunté cette composante fondamentale de la religion vietnamienne. Le catholicisme a commencé par la refuser, mais ensuite, il a, lui aussi, été obligé de l’accepter. En 1992, à Hanoi, il n’y avait plus que 14,7 % de catholiques qui n’avaient pas d’autel des ancêtres à la maison, à Hô Chi Minh-Ville, 6,3 %, à Huê 6,5 %. Naturellement, leurs rites de vénération sont accomplis selon des formes et dans un esprit différents des non-catholiques.

Aujourd’hui, subsiste encore et se développe une autre forme de vénération : elle a pour objet ceux qui se sont acquis des mérites dans la lutte anticolonialiste, dans les deux guerres de résistance contre les Français et les Américains.

Cependant, ce culte national des morts laisse subsister à côté de lui d’autres religions.

Le bouddhisme est homogène au nord, multiforme au sud où se sont développées plusieurs formes : le petit véhicule, le monachisme mendiant et le bouddhisme traditionnel, sans parler du petit véhicule khmer. Le pluralisme des formes se manifeste dans l’architecture extérieure, l’ordonnance intérieure des pagodes, dans la doctrine, etc. Les composantes du bouddhisme ont joué un rôle non négligeable dans la formation des religions nouvelles comme le caodaïsme ou la religion Hoa Hao. Le bouddhisme est originaire de l’étranger mais arbore une couleur nationale et a adopté beaucoup d’éléments nationaux. Il est, par suite, considéré par la population comme une religion autochtone. A cause de son organisation peu stricte, le bouddhisme est difficile à définir, mais son influence est très large, elle s’étend à toutes les familles, y compris celles qui n’ont jamais entendu parler de cette religion. Il faut noter cependant que les visites des pagodes, et autres déplacements effectués par certaines personnes, ne sont pas forcément accomplis pour des raisons religieuses.

Le christianisme comporte deux branches : la catholicisme et le protestantisme. Ses adeptes sont au nombre d’environ 6 millions. Le catholicisme est entré au Vietnam il y a entre trois et quatre cents ans, s’est fortement développé au temps des Français. Le protestantisme est entré au Vietnam plus tard au début de ce siècle, et il s’est développé surtout durant l’époque où les Américains ont envahi le Vietnam. A cause des conditions historiques de son apparition au Vietnam, de son caractère inflexible, de son refus des éléments religieux locaux, le christianisme souffre du complexe d’être considéré comme un produit apporté par les envahisseurs. En réalité, la hiérarchie comme la masse des fidèles s’est divisée en fonction des mouvements politiques auxquels ils adhéraient : les patriotes et les pro-français, ou encore les pro-américains. Il faudra du temps pour que le christianisme se débarrasse de ce complexe.

Alors que la foi des fidèles catholiques continue de gagner un pourcentage important de la population, la tendance de retour aux sources nationales continue de progresser. Elle s’est manifestée lors de la libération du pays (en 1954 au nord et en 1975 au sud). La majorité des dignitaires de cette religion, l’absolue majorité des fidèles appartenant à la classe des travailleurs, sont également patriotes. C’est une orientation qu’il faut consolider et développer selon l’esprit du slogan : “Vivre l’Evangile au sein du peuple” ou encore “Quand on embellit la vie, on illumine la religion

Récemment, s’est produit un phénomène assez exceptionnel. Le protestantisme s’est rapidement développé, plus particulièrement au sein de nos compatriotes des minorités ethniques. Leur niveau de vie est marqué par de nombreux manques et difficultés; leur niveau intellectuel est faible et, de plus, ils succombent sous le poids d’un lourd appareil coutumier. Dans ces régions, le rôle des cadres du Parti et des associations, du gouvernement et des anciens du village, des responsables de l’éducation et de l’action populaire (agitprop) a considérablement diminué. Pendant ce temps, les missionnaires protestants se sont rendus indispensables. Ils ont mis en oeuvre un certain nombre d’activités montrant leur souci de l’élévation du niveau de vie des pauvres, ou de l’amélioration des diverses coutumes. En conséquence, ils ont attiré à la religion de nombreux membres des minorités ethniques. Il est à souligner que le développement du protestantisme est allé de pair avec l’élimination de la culture régionale et la division entre divers éléments de la population. Derrière tout cela, il y avait les manigances politiques d’un certain nombre de forces. C’est une question à laquelle il faut être particulièrement attentif. Elle devra être étudiée et réglée avec respect mais résolument, en conformité avec la loi de l’Etat.

En dehors des religions citées ci-dessus, il faut aussi attirer l’attention sur un certain nombre de phénomènes religieux de caractère commercial, la diffusion de la superstition même chez les intellectuels et les membres du Parti. La pratique des horoscopes, la divination, des cultes divers, de nouveaux phénomènes religieux à caractère anti-culturel ont fait leur apparition ces dernières années. (…). Parmi ces nouveaux phénomènes, il faut citer l’apparition de bols avec bâtonnets d’encens allumés dans les bureaux de l’administration publique.

La politique religieuse

Au cours des récentes décennies, le Parti et l’Etat ont toujours fait preuve de respect pour la liberté de religion. Ils ont adopté une juste attitude à l’égard des éléments positifs des diverses religions. Ils ont, par ailleurs, résolument combattu toutes les tentatives des forces utilisant les organismes religieux dans un but anti-national. Spécialement depuis la révolution de 1945, le président Hô Chi Minh n’a pas cessé d’éduquer, d’unir et d’attirer les dignitaires et les fidèles de toutes les religions vers la résistance et la lutte pour la patrie. La pensée de Hô Chi Minh sur la religion et la croyance a été approfondie et exposée dans de nombreux documents concernant la religion, en particulier dans la résolution n° 24 du Bureau politique et le récent décret n° 69 du gouvernement.

Cependant, tant que les forces hostiles n’auront pas abandonné leurs tentatives d’utiliser les éléments de la religion comme des instruments au service de la déstabilisation politique et du sabotage de l’édification du socialisme et de la défense de la patrie, tant que les esprits seront insuffisamment imprégnés du marxisme-léninisme et de la pensée de Hô Chi Minh, alors il sera difficile d’éviter le “gauchisme infantile” ou le droitisme dans l’application de la politique religieuse du parti et de l’Etat. Il y aura dans cette politique des points à compléter et à corriger. En réalité, beaucoup de cadres et de membres du Parti ne considèrent la religion que d’un point de vue politique simpliste et contribuent inconsciemment à éloigner les un des autres les adeptes des différentes religions et ceux qui n’en pratiquent aucune. Un certain nombre de personnes n’ayant pas compris le rôle de la religion dans la vie sociale, culturelle et morale, veulent restreindre les besoins légitimes des croyants, violent la politique de liberté de croyance du Parti et de l’Etat. Ils créent ainsi des fissures par lesquelles s’infiltrent les mauvais éléments du clergé qui entraînent avec eux la masse des fidèles. En même temps, un certain nombre de fidèles prêtent l’oreille aux slogans de l’ennemi, prétendant que “la religion ne peut aller de pair avec les communistes” et assimilent le communisme et l’athéisme de principe. Ce qui entraîne un complexe de rejet à l’égard de la Révolution et du communisme.

Après le 6ème Congrès, la Résolution n° 24 du Parti a marqué une nouvelle étape dans la compréhension de la question religieuse par le Parti et l’Etat. A côté de résultats encourageants, de nouveaux problèmes sont apparus lors des mesures et des comportements adoptés pour appliquer cette résolution. Par exemple, on s’est aperçu que l’affrontement avec ceux qui utilisent la religion pour tenter de déstabiliser politiquement la société ou la lutte avec la religion sur le plan idéologique étaient menés avec très peu de fermeté. A l’égard de la commercialisation du sacré, des phénomènes anti-culturels dans les activités religieuses, de la réactualisation de formes religieuses dépassées, les mesures officielles ont témoigné de trop de souplesse sinon de relâchement. Le comportement adopté à l’égard de phénomènes religieux nouvellement apparus a manqué de rigueur, surtout en ce qui concerne l’exaltation des dirigeants ou des personnalités méritantes actuelles. Le manque de coordination entre les services responsables de la question religieuse a conduit à des solutions quelquefois incohérentes, quelquefois contradictoires. Il manque d’une vue générale et d’une gestion unifiée. La distinction des divers points de vue politique, social, culturel, moral sur la question religieuse, ainsi que la méconnaissance du caractère sacré et affectif de la question religieuse chez les croyants a conduit à un comportement trop rigide ou au contraire trop relâché dans les questions concrètes. Les cadres qui se consacrent au domaine religieux et leur état-major sont à la fois trop faibles, trop peu nombreux et trop peu spécialisés. Les divers services et les divers échelons n’ont pas encore conscience de toute leur responsabilité et sont encore peu sensibles à l’urgence du travail dans le domaine religieux. Les études scientifiques en matière religieuse viennent de commencer et sont encore largement insuffisantes.

A partir de l’analyse et de l’estimation de la situation religieuses, présentées ci-dessus, voici un certain nombre d’opinions concernant la continuation, l’amélioration de la politique religieuse du Parti et de l’Etat, destinées à la période à venir.

1 – Le phénomène de retour à une mentalité religieuse et le développement actuel de la religion et des croyances peuvent être considérés, en général, comme normaux, à l’exception de l’implantation du protestantisme chez les H’mong dans les montagnes Truong Son ou sur les hauts plateaux, à l’exception aussi d’un certain nombre de réactions perverses venant de dirigeants d’associations religieuses à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. C’est bien pourquoi, il est nécessaire d’affirmer à nouveau le bien fondé de la politique de liberté de croyances religieuses, à savoir, ” la liberté de suivre ou de ne pas suivre une religionliberté traduite dans la résolution 24 du Bureau politique et dans la constitution de la République socialiste du Vietnam de 1992. Plus que jamais, la politique religieuse, qui est une partie de la politique sociale, doit viser à créer l’union entre les croyants et les non-croyants, à s’exercer d’une manière égalitaire pour les différentes religions, pour ceux qui adhèrent ou non à une religion. Elle doit fortifier la grande union du peuple tout entier, favoriser la richesse de tous et conduire à la force du pays et à l’égalité de la société. Satisfaire aux exigences légitimes des dignitaires, et les distinguer de ceux qui exploitent la religion pour leurs intérêts, souillant ainsi son caractère sacré pour un motif politique et économique.

2 – Il est nécessaire de s’en tenir au point de vue historique et dialectique du marxisme-léninisme, au point de vue de la pensée de Hô Chi Minh, et d’étudier son attitude vis-à-vis de la religion. Tout cela se traduira par le respect de la croyance et de la non-croyance, de la foi et de la pureté de l’action religieuse, par le respect des activités religieuses accomplies dans le cadre de la constitution, de la loi d’un pays jouissant de la souveraineté nationale. Chaque fidèle et chaque ecclésiastique sont avant tout les citoyens de l’Etat.

3- Il est aussi nécessaire de remarquer que la religion comporte un caractère communautaire, un caractère social. Ce n’est pas en raison de leur niveau culturel et de la complexité de leur organisation qu’il faut comparer les diverses religions. Il ne faut pas non plus distinguer la religion et les croyances, mais il est important de faire la distinction entre religion et magie. Dans notre pays, le activités religieuses constituent encore un fardeau lourd à supporter en raison des cérémonies extérieures, des dépenses de temps et d’argent qu’elles entraînent et des superstitions et des coutumes rétrogrades qu’elles comportent. C’est pourquoi, il est nécessaire d’établir une réglementation complète des activités religieuses dans le respect des éléments culturels, la critique de la commercialisation du culte, de la superstition, des coutumes rétrogrades, de l’architecture hybride, des cérémonies extérieures dispendieuses. Ne doivent pas être autorisés le recours à une discipline ascétique trop sévère, l’abstinences et le jeûnes rétrogrades et en contradiction avec les droits de l’homme, pas plus que les réglementations contraires aux exigences du temps, comme par exemple le refus du programme de planification des naissances et l’exaltation des familles nombreuses, etc. Les activités commerciales des établissements religieux, la fondation d’associations, les relations avec les pays étrangers, ainsi que la collecte de fonds à but caritatif, l’utilisation des papiers votifs doivent recevoir une autorisation concrète afin que soient évités les abus d’un certain nombre de gens qui sous le couvert de la religion exploiteraient la population et accompliraient des actions illégales.

4 – Il est nécessaire de manifester du respect pour la composante religieuse nationale. La vénération des ancêtres a profondément marqué les âmes et l’affectivité de nombreuses personnes dans la population : elle a attiré vers elle les autres religions qui l’ont adopté afin de se faire une place au Vietnam. Il faut promouvoir l’attitude qui consiste à “adorer Dieu et aimer sa patrie“, l’esprit d’humanité, de générosité, de compassion, de sacrifice, de pardon, de charité des religions qui orientent les âmes vers leur pays, vers leurs congénères et vers l’édification de la paix. Mais, en même temps, il faut éliminer progressivement les éléments qui provoquent des conflits religieux, conflits qui ne sont apparus dans notre pays que depuis qu’il subit l’influence occidentale. Il est nécessaire d’encourager la collaboration des religions avec les associations populaires qui se consacrent aux activités de bienfaisance, comme l’élimination de la faim, le soulagement de la pauvreté, le soin des personnes âgées et solitaires, des orphelins, des victimes des grands fléaux, etc. Il faut, en même temps, blâmer les activités de ceux qui, sous le couvert de l’habit religieux, violent la loi, détruisent l’union, attentent à la morale ou à la culture, nuisent à la vie et à la santé des hommes. La réalité nous montre, qu’une fois que les besoins religieux sont satisfaits, ce sont les fidèles eux-mêmes, et non pas d’autres, qui prennent en charge la défense de leur religion, qui la gardent propre à l’écart des souillures que pourraient y apporter les desseins politiques, économiques, anti-culturels de certains. Si l’on veut adopter une attitude et un comportement corrects en face de la complexité et du caractère multiforme des nouveaux phénomènes religieux, il est nécessaire d’entreprendre des études. Les formes religieuses anti-culturelles, immorales, doivent être interdites par la loi. Pour celles qui sont conformes à la morale, la société doit délibérer soigneusement avant de porter un jugement. Dans cette catégorie, on peut ranger la vénération du président Hô et des héros des guerres anti-française et anti-américaine. Il faut absolument empêcher qu’ils soient introduits dans le panthéon d’une quelconque religion, mais ils peuvent être vénérés selon les goûts de la population. Il s’agit là du prolongement de la tradition consistant à glorifier les personnes qui se sont acquises des mérites à l’égard du pays. Quant aux doctrines falsifiées, utilisant l’arriération de la population pour mettre en oeuvre des projets pervers, on doit, pour leur faire obstacle, associer à la persuasion des mesures légales.

5 – Une chose aujourd’hui a une grande importance et revêt une signification décisive : c’est la nécessaire existence d’un organe unifié de l’Etat pour la gestion de tous les aspects du travail religieux, depuis le centre jusqu’aux régions. Cet organe a pour mission de prendre en charge intégralement la question religieuse, en relation et dans la coordination avec les autres branches et services concernés. Il sera chargé des enquêtes, des études, de la mise en place de fondements scientifiques assurés pour déterminer une politique globale répondant aux besoins légitimes de la population en matière de religion et de croyance. En même temps, il déciderait d’un programme d’activités à appliquer d’une manière cohérente en fonction des époques. Il est nécessaire de développer les forces du Parti à l’intérieur de la religion. Le Parti et le mouvement des jeunesses communistes doivent accueillir comme membres les croyants possédant les critères nécessaires pour cela, sans leur demander d’abandonner leur religion, en les invitant même à la piété, puisque, selon Lénine, la croyance est l’affaire privée des membres du Parti et que l’on ne doit pas utiliser les organisations du Parti pour propager la religion. On devra encourager la création et la publication d’une réglementation religieuse en fonction des principes du marxisme-léninisme et de la pensée de Hô Chi Minh. Selon celle-ci, l’Etat est un Etat laïque, les croyants des diverses religions et les non-croyants sont égaux devant la loi en tant que citoyens.

6 – Enfin, il est nécessaire d’apporter une aide à l’Eglise pour la formation de dignitaires cultivés, informés en théologie et formés spirituellement. Car ce sont eux qui sont directement chargés de la religion. Que la religion soit prospère ou en déclin, pure ou souillée, cela dépend d’eux. On doit aller vers une détermination des critères à partir desquels les membres du clergé seront autorisés à se faire enregistrer et à être reconnus par l’Etat. Il faut ouvrir la route aux chrétiens pour qu’ils s’accordent avec leur peuple et reviennent vers leurs origines. Par ailleurs, il est aussi urgent de former des cadres de gestion, des cadres d’études, des cadres qui seront chargés d’un enseignement sur la question religieuse. Ils devront posséder un niveau moral et culturel suffisant, être suffisamment informés de la doctrine et de la pratique religieuses, être capables de mener des actions auprès de la population. Ils devront se spécialiser. Les cadres qui se consacrent au travail religieux au niveau national, au niveau de la province ou au niveau du district doivent posséder un niveau universitaire ou supérieur. On doit ouvrir des classes de recyclage au niveau national et dans les régions. On devra ouvrir des classes de maîtrise consacrées à la religion et former des chercheurs diplômés du doctorat. Il existe aussi un

institut des études religieuses.

Ce n’est qu’ainsi que notre Etat pourra avoir un effectif de cadres ayant la capacité de diriger, de dialoguer, de débattre, d’aider les ecclésiastiques dont la plupart ont un niveau culturel élevé. Ils pourront alors faire en sorte que la religion dans notre pays devienne une composante de la culture nationale, ainsi que de la culture moderne.