Eglises d'Asie – Inde
Mangalore : les dirigeants chrétiens ne s’inquiètent que modérément de la victoire du BJP dans leur Etat du Karnataka
Publié le 18/03/2010
Cette victoire d’un parti, souvent décrit comme l’expression politique de la nébuleuse intégriste hindoue habituellement liée au RSS (Rashtriya Swayamsevak Sanghorganisation para-militaire d’extrême-droite, anti-musulmane et anti-chrétienne, ne semble pas avoir perturbé outre-mesure les dirigeants chrétiens de la région. Selon Vivek Vincent Pais, dirigeant catholique laïc de la ville de Mangalore, “cette victoire du BJP dans l’Etat est le résultat d’une perte de confiance généralisée de la population dans le système existant, et de la curiosité pour une expérience qui semble nouvelle
Par ailleurs, beaucoup de dirigeants de l’Eglise locale estiment que le BJP n’a pas l’intention de mettre en oeuvre son programme de transformation de l’Inde en théocratie, et qu’il maintiendra la laïcité du gouvernement fédéral si, comme il est probable, il arrive à former un gouvernement. Selon le P. Thomas Parakattil, prêtre catholique du diocèse de Mangalore, les réalités politiques, sociales et économiques de l’Inde obligeront le BJP à oublier son hindouisme intégriste originel : “Le meilleur moyen de rendre le BJP plus laïque est de lui permettre de gouverner le paysIl ajoute que “la plateforme hindouiste du BJP était un moyen d’arriver au pouvoir et non une fin en soiEn ce qui le concerne, le P. Parakattil ne voit “aucune menace pour le christianisme dans l’arrivée du BJP au pouvoirIl estime même que “c’est une possibilité donnée aux chrétiens de s’unir davantage et de se renforcer
Le P. Samuel Sequeira, rédacteur en chef de l’hebdomadaire diocésain de Mangalore “Raknose montre, lui, plus circonspect. Tout en admettant que c’est “la promesse d’un gouvernement stable” qui a permis au BJP de remporter la victoire, il note que “le BJP s’est prudemment abstenu jusqu’à présent de dire quelle sera sa politique vis–à–vis des minorités religieuses
Dans les places fortes chrétiennes de Mangalore et d’Ugupi, traditionnellement acquises au Congrès, le BJP a enlevé les trois sièges, provoquant la défaite de deux catholiques appartenant au parti du Congrès : Oscar Fernandes, qui avait gagné toutes les élections depuis 1980, a perdu sa circonscription d’Udupi par une marge de 56 000 voix et Margaret Alva, ancienne ministre du gouvernement fédéral, a perdu la sienne par plus de 87 000 voix. Dans la circonscription de Mangalore, où le vote des chrétiens est crucial, “la bataille a été rudeselon Blasius D’Souza, ancien dirigeant du parti du Congrès, mais le BJP a tout de même gagné par 7 090 voix. Selon James Victor D’Mello, catholique laïc, les voix chrétiennes qui ne sont pas allées au BJP se sont dispersées sur plusieurs partis plutôt que de se concentrer sur le parti du Congrès.
Pour Eunice Britto, ancien maire catholique de Bangalore, la victoire du BJP doit être attribuée à l’incapacité du parti du Congrès à donner une image de stabilité au niveau national. Mais, pour Ramesh Shatty, partisan du BJP, son parti a gagné “parce que nous avons fait campagne à la base de maison en maison, alors que les autres l’ont pris de haut
Les 340 000 catholiques du diocèse de Mangalore sont concentrés dans les villes de Mangalore et d’Udupi et dans quelques autres lieux.
Dans les autres Etats du sud de l’Inde, où les chrétiens sont très nombreux, les situations sont très contrastées. Dans l’Etat du Kerala, où un quart de la population est chrétien, le BJP n’a gagné aucun siège : sur 20 circonscriptions, 11 sont allées au parti du Congrès et 9 au Front uni. Dans l’Etat du Tamil Nadu, où les chrétiens sont quatre à cinq pour cent de la population, c’est-à-dire plus du double du pourcentage national, trente sièges sur trente-neuf sont allés aux alliés du BJP, les 9 autres allant au Front uni. C’est le seul grand Etat de l’Inde, avec l’Uttar Pradesh, où le parti du Congrès n’a obtenu aucun siège.
Au Tamil Nadu, les grands vainqueurs des élections sont Mme Jayalalitha Jayaram et son parti le “All–India Anna Dravida Munnetra Kazhagam“, qui a obtenu 18 sièges, douze autres allant à de petits partis sous son influence. Avant les élections, Mme Jayaram avait passé un accord avec le BJP. Depuis quelques jours, cet accord a été dénoncé par le BJP, les exigences de Mme Jayaram étant jugées excessives. Ceci rend d’autant plus difficile la formation d’un gouvernement BJP à New Delhi. Certains hommes politiques commencent déjà à dire que, même si le BJP arrive à former un gouvernement, de nouvelles élections devront être organisées d’ici un an ou deux.