Eglises d'Asie

Manipur : des conflits inter-ethniques ne reçoivent pas d’explications satisfaisantes

Publié le 18/03/2010




Au début du mois de mars 1998, de sévères conflits ont opposé des minorités ethniques de l’Etat du Manipur au nord-est de l’Inde. Le 2 mars à l’aube, des militants de l’Armée révolutionnaire Zomi, appartenant à l’ethnie “paite”, se sont introduits dans un village kuki, ont incendié l’église et tué neuf de ses habitants. Cinq d’entre eux étaient allés chercher refuge dans l’église. La même nuit, en guise de représailles, les Kukis ont lancé une expédition contre un village d’ethnie “paite”. A l’issue de cette attaque, dans le village agressé, on déplorait 14 morts, l’incendie d’une église et la destruction de plus de 93 maisons.

Les villages affectés par ces attaques étant tous les deux situés dans des régions montagneuses et isolées, sans moyens de communication, les nouvelles de ces affrontements ne sont parvenues à la capitale de l’Etat que le jour suivant. Les renseignements recueillis ensuite par un certain nombre de personnalités venues enquêter sur place apparaissent passablement disparates sinon contradictoires. Selon un représentant de l’armée révolutionnaire Zomi, interrogé sur les lieux, l’église du village kuki aurait été attaquée parce qu’elle était utilisée comme dépôt d’armes. Au contraire, selon un rédacteur du quotidien, La presse libre de Imphall’église ne faisait pas partie des objectifs prévus par les assaillants.

Plus généralement, on s’interroge sur les raisons profondes de ces flambées de violence et d’agressivité inter-ethniques. Un prêtre du diocèse de Imphal a déclaré par exemple que les heurts et affrontements qui se produisent sporadiquement dans le Manipur devaient être attribués à la volonté d’indépendance. Selon lui, plus de vingt groupes dissidents opèrent dans la région et se sont acquis le soutien de la population, d’autant plus qu’ils mènent, en même temps, la lutte contre l’alcoolisme, la drogue et divers autres fléaux sociaux. Mais d’autres instances religieuses ont un avis différent sur la question. Une assemblée de théologiens, réunis pour débattre de ce sujet à Guwahati en 1996, avait conclu que c’était la méfiance, les disparités économiques, le chômage et le manque de formation religieuse profonde qui étaient à l’origine de cette violence. De son côté, le révérend Dino L. Toutbagn, directeur d’un organisme évangélique dont le siège est à Delhi, diagnostique une crise d’identité. Il a déclaré : Les gens placent leur identité ethnique avant même leur foi et leur religion. La foi chrétienne ne s’est pas encore installée au coeur même de leur identité“. Au cours des cinq dernières années, dans l’Etat de Manipur, dont 34 % de la population sont de religion chrétienne, les affrontements entre ethnies ont fait 2 000 morts dont un prêtre salésien. Depuis 1992, l’Etat est le théâtre d’affrontements entre les Nagas et les Kukis. Ce n’est que l’an dernier qu’a débuté le conflit entre les Kukis et les Paites. Cette même année, les dirigeants des deux ethnies avaient participé à une réunion pour la paix et la réconciliation dans l’Etat voisin de l’Assam (7).