Synode d’Asie : un intellectuel musulman malaisien critique vigoureusement l’approche du dialogue interreligieux dans l’Instrumentum laboris

S’exprimant devant les cinquante-cinq délégués du mouvement catholique, Aref Nayed a ajouté : “Il y a deux formes d’action : l’une, de communication, qui implique partage et dialogue, l’autre, stratégique, qui signifie que l’on veut imposer ses idées aux autres. Une tentative de parler avec les musulmans pour apprendre leurs symboles, leurs activités et leur terminologie religieuse pour ensuite les utiliser pour les convertir est une agression contre tous les musulmansSelon lui, l’Instrumentum laboris est fondamentalement faussé par une attitude stratégique et conservatrice, en même temps que par son arrogante prétention selon laquelle l’Eglise est la seule source de vie abondante et authentique. Selon lui, l’Eglise du concile Vatican II était ouverte et prête à un dialogue de vie authentique, alors que la vision de l’Eglise que l’on trouve dans le document de travail du synode est fermée et conservatrice.

Les fautes majeures du document, dit-il, sont concentrées dans sa christologie qui ramène tout, de l’éducation à l’engagement social et charitable, à une stratégie d’évangélisation: “En tant que musulman, ma réaction viscérale est la suivante : Allah est Dieu et il n’a pas de fils. Jésus n’a fait que travailler pour Dieu, vous ne pouvez donc pas utiliser cela comme le point de départ d’un dialogue. L’Eglise de Vatican II n’aurait jamais commencé par làDire aux musulmans que Jésus est le fils unique de Dieu et la source d’une vie abondante et pleine de sens, c’est dire aux musulmans que leur foi et leur vie n’ont pas de sens, qu’ils sont insensés et que leurs prières sont inutiles. Aref Nayed pose donc la question : “Connaissez–vous quelqu’un qui aimerait commencer un dialogue en sachant qu’il est insensé et que sa vie n’a pas de signification ?”

Aref Nayed propose ensuite une discussion sur l’Esprit Saint ou même sur Dieu le Père, comme une alternative pour commencer à dialoguer, mais pas Jésus comme fils de Dieu. Selon lui, la mère Teresa avait une meilleure approche du dialogue quand elle disait voir la face du Christ dans les visages de ceux qui souffraient, et il ajoute que l’action sociale et charitable est un bon point de départ du dialogue, “si on ne l’utilise pas comme une action stratégique

En conclusion, Aref Nayed a exprimé son inquiétude concernant “le piège diabolique” qui pourrait fermer la voie au dialogue. Il a estimé en effet que les conservateurs de l’Eglise catholique pourraient passer une alliance objective avec les conservateurs musulmans : “Nous ne voulons pas nous fermer, nous voulons rester ouvertsa-t-il ajouté. Il a enfin lancé un appel aux participants du forum pour qu’ils demandent à l’Eglise de ne pas chercher les conversions, sous peine de voir les musulmans refuser toute communication avec les catholiques.