Eglises d'Asie

Les contestataires de Thai Binh allaient dans le sens de la Révolution

Publié le 18/03/2010




On le sait aujourd’hui par la presse officielle : le mouvement de contestation du pouvoir à Thai Binh a été beaucoup plus vaste que l’on avait pu le penser à l’époque. Plus de 128 communes ont été touchées par les troubles de l’année dernière (15). Mais ce qui frappe aujourd’hui, c’est moins l’ampleur géographique des émeutes que la signification que les autorités ont décidé d’attribuer à ces événements, après avoir, sans doute dans le secret, donné sa juste part à la répression. “Lorsque le peuple, bon par nature, est insatisfait, qu’il conteste violemment les cadres du gouvernement et les membres du Parti, il n’y a qu’une conclusion à tirer : de nombreux cadres et membres du Parti, à tous les échelons, se sont rendus coupables de nombreux méfaits !” (16).

C’est ce point de vue systématiquement favorable au peuple qui a été énoncé au début d’une rencontre avec les cadres de la province de Thai Binh, le 26 février 1998, par le nouveau chef de l’Etat, Trân Duc Luong, venu devant eux pour tirer les leçons des troubles. La légitimation du mouvement de contestation a été sans réserve, ni précautions verbales, de telle sorte que les paysans de Thai Binh sont non seulement lavés de toute culpabilité réactionnaire, mais, bien plus, sont devenus des éléments de la Révolution en marche et des continuateurs de la glorieuse tradition de résistance de leur province. Un récent éditorial de l’organe du Comité de solidarité à Hô Chi Minh-Ville, “Catholicisme et Nation” – on ne sait trop s’il ironise ou s’inscrit dans la perspective citée plus haut – surenchérit sur le président et proclame ce caractère hautement révolutionnaire des événements de Thai Binh : Thai Binh, dit-il, s’est opposé à la concussion, à l’absence de démocratie, répandues chez les cadres, en dénonçant les ponctions financières illégales prélevées par eux, au nom de sa conscience révolutionnaire et d’une tradition cultivée par de nombreuses générations“. Merci Thai Binh !” conclut l’éditorialiste (17) qui précise cependant qu’il n’a pas l’intention d’inciter les autres provinces à imiter un tel héroïsme révolutionnaire.

Le discours du chef de l’Etat, prononcé devant les cadres de la province, n’a pas été tendre pour eux alors qu’il s’est employé à justifier les revendications paysannes. Une enquête dont fait état Trân Duc Luong a montré que, dans 62 des 152 communes prises en compte par cette étude, chefs de communes, secrétaires, cadres régionaux et administratifs à des niveaux différents s’étaient livrés à des pratiques répréhensibles, réclamant à la population des contributions bien plus élevées que celles qui étaient fixées par le pouvoir central, et utilisant à leur profit une partie des sommes exigées de la population pour le financement de divers travaux publics. Selon le chef de l’Etat, cette attitude des cadres est responsable en partie de la pauvreté de la population de Thai Binh. Il a aussi reproché aux cadres administrant les campagnes de Thai Binh, leur absence de dialogue démocratique avec la population et leur indifférence aux diverses injustices, comme par exemple la situation déplorable dans laquelle se trouvent les anciens militaires, ou membres du parti, qui ont fourni une partie des protestataires lors des manifestations de Thai Binh.

Les leçons tirées par Tran Duc Luong des récents événements de Thai Binh concernent, en premier lieu, le Parti et le monde paysan. Le chef de l’Etat constate la faiblesse de l’implantation des communistes au sein de la population. Dans son exposé aux cadres, il énonce une série de mesures destinées à y remédier. Les émeutes de Thai Binh ont surtout mis en relief l’insatisfaction du monde paysan, 80 % de la population vietnamienne, qui a très peu profité des retombées de la récente avancée économique. Il est proposé d’associer les campagnes à l’actuelle évolution économique urbaine, mais les réformes évoquées sont d’ordre très général.

Les deux séries de mesures exposées en dernier lieu, le renforcement de l’appareil de contrôle et la formation plus poussée des cadres administratifs, apparaissent surtout comme un renforcement supplémentaire du pouvoir central.