Eglises d'Asie

Rapport général sur la situation compliquée, survenue dans la commune de Binh Minh,district de Thông Nhât,province de Dông Nai.(du 06.11 au 09.11.97)

Publié le 18/03/2010




Ministère de l’intérieurRépublique socialiste du Vietnam

Sûreté de la province de Dông NaiIndépendance, liberté, bonheur

Bien Hoa, 9 Novembre 1997

Voilà de nombreux mois que dans la paroisse de Tra Cô, commune de Binh Minh, district de Thông Nhât, se prolonge un litige tout à fait brûlant concernant des terrains. La paroisse a incité les fidèles à ne point accepter la décision du Comité populaire provincial de confisquer des terres afin d’y construire un centre communal, des bâtiments d’intérêt général, des écoles pour la population de la commune. Tous les jours, sans discontinuer, 15 à 20 vieilles dames de 50 à 70 ans, viennent s’asseoir par terre pour garder ce terrain. A un moment donné, elles ont provoqué du désordre public au siège du Comité populaire communal; plus encore, munies de bâtons, elles se sont avancées sur la route pour faire obstacle à la circulation. Au début du mois de novembre (illisible), la situation s’est encore compliquée davantage, lorsque le P. Toan avec environ 50 paroissiens est revenu d’un voyage dans le nord à Quang Ninh (1).

Le 6 novembre 1997

Durant la messe matinale, le P. Thuân, curé de la paroisse (2), a informé les fidèles que, le lendemain 7 novembre, à 7h, le conseil paroissial était convoqué par le Comité populaire du district de Thông Nhât à une “séance de travail” (3) pour s’accorder avec lui sur une somme destinée à indemniser les terrains dont la réquisition est prévue par le plan pour y bâtir le centre administratif communal de Binh Minh. A l’annonce de cette nouvelle, une partie de la population, principalement les vieilles dames, a affirmé publiquement qu’elle suivrait le conseil paroissial jusqu’au district.

Le 7 novembre 1997

Le groupe de paroissiens rassemblé sur la parcelle de terre contestée est plus nombreux que les jours précédents. Ce sont principalement des dames âgées, une trentaine environ. Il y a des personnes dévêtues, qui rient et parlent (4). Plus particulièrement, elles brandissent des slogans écrits en lettres rouges sur des bandes d’étoffe larges de 90 centimètres et longues de 2 mètres : Nous dénonçons les concussionnaires, les voleurs des terres de l’église paroissiale de Trà Nous demandons aux autorités du district de Thông Nhât et de la commune de Binh Minh de rendre son terrain à l’église de la paroisse de Trà “, Dix mille ans au président Chi Minh

Le Comité populaire provincial donne l’ordre de faire en sorte que soient récupérées les banderoles, mais les gens ne veulent pas les donner.

Le directoire de la Sûreté provinciale et les services compétents donnent l’ordre au Comité provincial du Parti et au Comité populaire provincial de préparer le schéma d’une séance de travail (5) avec l’évêché de Xuân Lôc. Le camarade secrétaire du Comité provincial du Parti et le président du Comité populaire provincial décident que cette séance aura lieu à 8 heures du matin, le 8 novembre, dans les locaux du Comité populaire. Y seront présents le camarade vice-président du Comité populaire provincial, le camarade responsable du bureau des Affaires religieuses, le camarade président du Comité du Front patriotique du Vietnam pour la province de Dông Nai, le responsable de l’Action populaire (agitprop). L’évêque Nhât a envoyé un message au Comité populaire provincial annonçant qu’il y viendra directement, accompagné des prêtres Trinh et Su.

Par ailleurs, le directoire de la Sûreté provinciale a demandé au bureau de police PA 38 et à la Sûreté du district de Thông Nhât de suivre de près la situation et de la maîtriser. On devra établir des dossiers sur les principaux instigateurs, les meneurs, les participants actifs de cette manifestation d’opposition. On doit interdire de filmer et de photographier sur les lieux des incidents afin d’empêcher les mauvais éléments d’utiliser films et photos pour la propagande et de propager des nouvelles qui nous seraient nuisibles.

Le bureau PA 38 et la Sûreté du district de Thông Nhât, informent en permanence la Sûreté provinciale sur la situation. Celle-ci informe aussi en permanence le ministère, le Comité provincial du Parti, le Comité populaire provincial sur la situation.

Dans la matinée du 7 novembre, le Comité populaire du district de Thông Nhât a une réunion de travail avec le Conseil paroissial de Tra Cô, commune de Binh Minh, au sujet de la réquisition du terrain et de la somme à verser en guise de dédommagement. Mais cette séance n’aboutit à aucun résultat, car le conseil paroissial et un certain nombre de notables s’appuient sur le prétexte que c’est aux fidèles de décider et que le conseil paroissial ne peut en prendre la responsabilité.

Dans l’après midi de ce même jour, le bureau permanent du Comité provincial du Parti se livre à une estimation de la situation qu’il communique au camarade secrétaire-adjoint du Comité permanent, au vice-président du Comité populaire provincial, au responsable du bureau des Affaires religieuses, au responsable de l’Action populaire. Le président du Comité provincial du Front patriotique du Vietnam a une réunion de travail avec le Comité populaire du district de Thông Nhât au soir du 7 novembre 1997, en vue de préparer la rencontre avec l’évêque de Xuân Lôc prévue pour la matinée du 8 novembre 1997.

Dans l’après midi du 7 novembre, la pluie a commencé à tomber. Du coup, les manifestants se sont dispersés eux-mêmes, les banderoles ont été rangées.

Du côté de la Sûreté provinciale

Le directoire a demandé au bureau PA 38 de s’associer avec la Sûreté du district et les forces habilitées à opérer en ces lieux, de récupérer par persuasion les banderoles mises en lieu sûr par les fidèles. Aucun résultat n’a été obtenu.

Sur les instructions du Comité provincial du Parti, le camarade responsable adjoint du bureau PA 38 assurera, avec le camarade Thiên du bureau du Comité populaire provincial, la fonction de secrétaire lors de la séance de travail avec l’évêché.

Il a été prévu que le bureau PA 28 organisera l’enregistrement secret de la séance de travail avec l’évêché. Il a été ordonné à l’intendance de préparer des voitures, des médicaments et des médecins pour le cas où la situation s’aggraverait brusquement et porterait atteinte à la santé des participants de la séance de travail avec l’évêché.

Le 8 novembre 1997

A huit heures du matin, le Comité populaire provincial organise la séance de travail avec l’évêché de Xuân Lôc. Les participants sont le vice-président du Comité populaire provincial, le responsable du bureau des affaires religieuses, le responsable du Comité d’Action populaire, le président du Comité provincial du Front patriotique, l’évêque Nhât, accompagné des prêtres Trinh et Su.

Tel est le déroulement prévu de la séance. D’abord, aura lieu la lecture de la décision du Comité populaire provincial réquisitionnant 13 000 mètre carrés de terrain dans la commune de Binh Minh, de la décision libérant une somme d’argent destinée au dédommagement, de la décision de ratifier le projet d’édification d’un centre culturel, politique et social de la commune de Binh Minh, de la décision de confier au pouvoir du président du Comité populaire du district le soin d’échelonner les tranches de travaux. En même temps, le Comité populaire provincial mettra en valeur et appréciera positivement la contribution apportée par l’évêché pour expliquer les choses et convaincre les fidèles, comme il l’a fait précédemment à Tan Thai (6). Sur cette base, il lui sera demandé de continuer à soutenir les autorités. Il lui sera conseillé d’expliquer aux fidèles que l’ordre doit être rétabli, qu’il existe des moments et des lieux pour lutter contre la concussion, que la décision des autorités était juste et légale, qu’ils ne devaient pas organiser de manifestations dans des tenues qui offensent l’esthétique et la morale religieuse, qu’ils ne devaient pas brandir de banderoles troublant l’ordre public.

A 10 heures 40, environ 400 personnes se sont rassemblées dans la commune de Binh Minh, district de Thông Nhât, faisant obstacle à la circulation. Des banderoles continuent d’être brandies sur les lieux du rassemblement.

Pendant ce temps, on signale que 68 familles de la commune de Sông Mây, district de Thông Nhât, se préparent à se rassembler pour venir dans la commune de Binh Minh et s’associer aux fidèles de Trà Cô pour protester au sujet du terrain.

Les forces de la Sûreté du district et de la commune récupèrent des banderoles et des pancartes, et dispersent des manifestants faisant obstacle à la circulation sur la nationale n° 1. Un certain nombre d’extrémistes armés de bâtons attaquent les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions. Une vieille dame, qui s’appelle “Nu”, se frappe elle même à la tête en guise de provocation. Mademoiselle Chân, cadre féminin du district, est blessée à la main, alors qu’elle est en train d’essayer de convaincre la population. Quelques extrémistes envahissent et détériorent le siège du Comité communal : ils jettent des pierres contre nos forces, blessant un camarade de la Sûreté du district.

A 10 heures 45, un certain nombre de femmes se couchent de tout leur long sur la route nationale n° 1, d’autres y traînent de grosses pierres pour faire obstacle à la circulation.

A 13 heures 30, la permanence du Comité provincial du Parti et celle du Comité populaire provincial se réunissent avec la Sûreté, les autorités militaires provinciales, les présidents et les responsables de la Sûreté de tous les districts voisins. On conclut que la tentative actuelle de l’ennemi est une provocation destinée à provoquer un incendie à partir d’un point brûlant. La solution qu’il faut continuer à appliquer est la suivante :

Continuer de suivre de près la situation, diriger étroitement les forces afin qu’elles assurent la sécurité de la circulation, organiser les cadres de telle sorte qu’ils éduquent avec persévérance la population et leur expliquent les choses sans se laisser piéger par la provocation de l’ennemi. Il faut en même temps organiser l’éducation du peuple dans les régions voisines, appliquer des mesures faisant obstacle à la propagation des troubles. Il faut encore établir des dossiers sur les éléments extrémistes pour procéder par suite à leur jugement. Il a été indiqué au commandement militaire, au directoire de la Sûreté provinciale, de suivre de près l’évolution de la situation, d’informer à temps sur ce sujet le Commandement supérieur de la 7ème région militaire, l’état-major général et le ministère de l’Intérieur, de façon à ce que les autorités supérieures puissent donner des ordres (…)

A 14 heures, le représentant de l’évêché de Xuân Lôc, en compagnie du représentant de la province se sont rendu sur les lieux pour essayer de convaincre les manifestants de se disperser, mais la situation reste complexe. Des extrémistes brisent les vitres de la voiture du bureau du Comité populaire provincial.

Des milliers de personnes continuent de se masser devant le siège de la commune de Binh Minh. Sur une portion de la route nationale n° 1, un kilomètre avant le siège de la commune, des tas de pierres ont été élevés. Un certain nombre de personnes ont dressé des tentes à même la route, ralentissant la circulation.

Les extrémistes détériorent une nouvelle voiture de tourisme (on ne sait à qui elle est). Ils attaquent la maison du camarade Hoa, président de la commune, et détériorent le mobilier. Plus encore, ils incendient la maison du camarade Dam, ex-secrétaire de la section du parti de la commune de Hô Nai 4, aujourd’hui commune de Binh Minh. Le camarade Dam est aujourd’hui adjoint pour les Affaires religieuses du district. Secrètement, nous sommes allés secourir les membres des familles de ces deux camarades.

Maintenant, les extrémistes cernent le siège de la commune où se trouvent 20 camarades de la Sûreté et des cadres locaux. Les manifestant menacent d’incendier les locaux de la commune ainsi que la maison du camarade Hoa, président de la commune. Le directoire de la Sûreté provinciale a donné l’ordre aux camarades cités plus haut d’évacuer le siège communal, afin de préserver les forces. A 21 heures 30, ils sont à l’extérieur en sécurité.

Du côté de la Sûreté provinciale

Le directoire de la Sûreté provinciale organise des missions de reconnaissance, continue de maîtriser la situation, met en place à la Sûreté du district un renfort de 30 policiers motorisés et de 25 policiers chargés de la répression pénale, prêts à faire face et à renforcer la police routière pour le maintien d’une circulation ordonnée dans les deux portions de route où elle est paralysée. Sans discontinuer, les hauts-parleurs font entendre l’appel aux fidèles de l’évêque Nhât.

La Sûreté provinciale de Dông Nai envoie un communiqué aux services de Sûreté de Hô Chi Minh-Ville, et à celles de Binh Duong, Binh Thuân, Ba Ria-Vung Tau pour qu’ils établissent un programme de soutien.

Par ailleurs, la Sûreté provinciale, en urgence, met sur pied un programme concret pour faire face à la pire des situations, dans le cas où il y aurait utilisation d’armes à feu, assassinats de cadres, pour garantir un règlement expéditif. Le programme sera donné à approuver lors de la réunion que le comité provincial du Parti va tenir avec la direction générale du 1er corps d’armée, la 7ème région militaire, les autorités provinciales de la Sûreté et de l’armée, à 8 heures, le 9 novembre 1997, dans les locaux du Comité populaire.

A 6 heures du matin, le 9 novembre, la portion de la route nationale à la hauteur de Binh Minh n’est pas encore dégagée. En deux endroits, les tas de pierres faisant obstacle à la circulation n’ont pas encore été enlevés et les tentes dressées au milieu de la route sont toujours là.

Il est ordonné à la Sûreté de s’associer aux autres services pour faire en sorte d’empêcher la population de Sông May de venir jusqu’à Binh Minh .

La police routière utilise des voitures à hauts-parleurs et dispose ses forces de façon à assurer la circulation et faire disparaître les obstacles à la circulation.

Il est proposé au Comité populaire provincial d’informer de la situation actuelle l’évêque Nhât pour que celui-ci prenne la responsabilité de contacter la paroisse de Trà Cô et contribue au rétablissement de l’ordre.

Il est demandé au bureau PA 38 de continuer à “travailler” avec le P. Thuân (6) sur le thème de sa responsabilité.

Il faut engager les forces de la Sûreté et du district ainsi que les divers services dans une campagne d’éducation et de persuasion sur place qui permettra le rétablissement progressif de la situation.

Le directeur de la Sûreté de la province de Dông Nai

(Cachet et signature illisibles)

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EGLISES D’ASIE – n° 262 – 1er AVRIL 1998DOCUMENT ANNEXE n° 2

DE DIVERS HORIZONS

LES PAYS DU SUD-EST ASIATIQUE FRAPPES PAR LA CRISE RENVOIENT

LES TRAVAILLEURS ETRANGERS

Sai Kham Leun se souvient bien du jour où il est arrivé à la frontière de la Thaïlande et de la Birmanie, à Pieng Luang en 1991. Des agents recruteurs l’attendaient de l’autre côté de la frontière pour lui proposer des emplois partout en Thaïlande. Il pouvait choisir, et se décida pour un emploi dans le bâtiment, à Chiang Mai où, pendant sept ans, il gagna suffisamment d’argent pour entretenir sa famille qui vit dans l’Etat Shan, au nord de la Birmanie. Aujourd’hui, le seul choix qui lui reste est de retourner en Birmanie. Sai Kham Leun et des centaines de milliers d’autres travailleurs étrangers ne sont plus les bienvenus dans un pays qui subit sa plus grave crise économique depuis plusieurs décennies. Des milliers de Thaïlandais ont déja perdu leur emploi. Le chômage était évalué, fin 1997, à 1,7 million de personnes et devrait atteindre 2 millions en 1998. Les représentants du gouvernement n’éprouvent pas de scrupules pour dire aux étrangers qu’ils doivent faire les frais de cette situation et laisser leurs emplois à la population locale. Depuis octobre dernier, 6 000 Birmans ont été expulsés de la province de Tak, au sud de Chiang Mai, et renvoyés en Birmanie.

Les travailleurs émigrés sont traités de la même façon dans les différents pays de la région. Pendant les années de forte croissance économique, la Malaisie et la Corée du Sud ont attiré un grand nombre de travailleurs étrangers. Maintenant que la tendance est inversée, ces pays menacent d’expulser ces travailleurs pour donner leurs emplois à la population locale. Ce ne sera pas si facile parce qu’il n’est pas sûr que la population locale veuille des emplois laissés par les étrangers. Par ailleurs, le retour de milliers de travailleurs dans des pays qui ne peuvent pas leur fournir d’emploi pourrait causer des troubles sociaux et provoquer des tensions entre pays voisins.

Les spécialistes de politique étrangère à Kuala Lumpur craignent, si la Malaisie expulse des centaines de milliers de travailleurs indonésiens, que les difficultés économiques de l’Indonésie ne s’aggravent et conduisent à une détérioration des relations entre les deux pays. Ils pensent que les mouvements de travailleurs pourraient devenir une source de problèmes et que les bonnes relations du passé ne pourraient rien y faire. Un grand nombre de travailleurs, revenant au pays grossir le nombre des chômeurs, est la dernière chose dont l’Indonésie a besoin aujourd’hui. Le ministère de l’Emploi a déclaré, fin 1997, qu’il y avait 4,4 millions de chômeurs en Indonésie et que les chiffres pourraient aller jusqu’à 6 millions cette année. Le syndicat des travailleurs indonésiens prévoit que le chômage atteindra le chiffre de 9 millions à la fin de l’année. Ce syndicat, reconnu par le gouvernement, a pourtant critiqué celui-ci au sujet du traitement des travailleurs indonésiens à l’étranger qui, jusqu’à présent, n’ont aucun statut officiel. En Malaisie, les milieux officiels craignent qu’un certain nombre de travailleurs étrangers entrent dans la clandestinité pour éviter d’être expulsés, en attendant une reprise économique. La police craint un accroissement de la criminalité si c’est le cas.

Meseran Bingalimen est l’un des 1,4 million d’Indonésiens travaillant en Malaisie. Il est arrivé par bateau, il y a quatre ans, de Java; il est maçon et pense que son employeur a encore du travail pour lui pendant au moins six mois. Après cela, il ne sait pas ce qui se passera. Il gagne plus d’argent en Malaisie que dans son pays où parfois il n’avait pas de travail. Ces deux travailleurs, le Birman et l’Indonésien, ont commencé comme travailleurs clandestins à une époque où la Malaisie et la Thaïlande manquaient sérieusement de main d’oeuvre et toléraient ce genre de cas. Par la suite, ils obtinrent des permis de travail. Quand Sai Kham Leun arriva à Chiang Mai en 1991, le pays avait besoin d’1,2 millions de travailleurs non qualifiés dans les secteurs de la pêche, de la construction, de l’agriculture et de l’industrie. En 1996, le gouvernement régularisa la situation de plus de 320 000 clandestins originaires du Laos, de la Birmanie et du Cambodge, c’est-à dire à peu près la moitié de la population clandestine.

A l’heure actuelle, la Thaïlande a au moins 1 million de travailleurs clandestins, dont les deux tiers viennent de Birmanie. Parmi ceux ci, une grande majorité est d’origine shan: leur langue ayant une parenté avec le thaï leur permet de s’adapter plus facilement que les autres Birmans et d’être choisis plus volontiers par les employeurs. Mais, dans une situation de l’emploi difficile, les clandestins sont les premiers renvoyés. C’est ce qui se passe déjà. Les autorités thaïlandaises ont donné l’ordre aux employeurs de remplacer les clandestins par des Thaïlandais sans emploi. Dans la province de Tak, les industriels ont été mis en garde contre le fait d’employer des clandestins birmans et les propriétaires ne doivent pas leur louer de logements. A ceux qui ont un permis de travail on dit également de rentrer chez eux. Sai Kham Leun, dont le permis expire en septembre, dit: Nous allons devoir rentrer et retrouver ce à quoi nous avions échappé“. C’est-à-dire la guérilla et le travail forcé effectué pour l’armée birmane. Les troupes du gouvernement birman combattent des insurgés ethniques dans l’état shan et les habitants sont souvent contraints à construire des routes, des casernes pour l’armée, et à acheminer des approvisionnements. Il y a tant de travail à faire pour l’arméeajoute -t-il, que nous ne pouvons pas cultiver les champs comme il le faudrait et que nous ne pouvons pas produire assez pour survivre“. Mais les emplois mal rémunérés qui vont être libérés par ces travailleurs non qualifiés n’attireront pas un grand nombre de Thaïlandais ayant perdu leur emploi, l’alternative pour eux étant de chercher des emplois mieux payés au Moyen-Orient. Le ministère du Travail espère que, cette année, 210 000 travailleurs thaïlandais s’expatrieront.

Ceci signifiera une compétition accrue sur le marché international du travail. Le président des Philippines, Fidel Ramos, a incité les nombreux travailleurs philippins qui travaillent dans la région, à chercher du travail dans d’autres pays si la crise économique asiatique conduit à de

nombreuses suppressions d’emploi. Le gouvernement philippin s’attend à de nombreuses pertes d’emploi parmi les 300 000 Philippins de Malaisie et les 140 000 de Hongkong. En Corée, parmi les 25 000 travailleurs philippins, 3 000 ont déja perdu leur emploi ; il leur a été demandé de rentrer chez eux. Heureusement, beaucoup de Philippins occupent des emplois qualifiés en Asie du Sud-Est et ils ne sont pas en première ligne. Les travailleurs non qualifiés et les employées de maison seront les premiers à perdre leurs emplois.

Le renvoi des travailleurs étrangers est-il une solution ?

Les travailleurs locaux sont-ils prêts à prendre les emplois laissés vacants par les travailleurs étrangers renvoyés? Et s’ils ne le sont pas, que vont faire les employeurs ? Le 9 janvier 1998, la Malaisie a annoncé qu’elle ne renouvellerait pas les permis de travail de 700 000 travailleurs étrangers du bâtiment, à moins que les employeurs puissent prouver que leur présence est nécessaire à l’achèvement des projets. Dans le secteur des services, 150 000 autres travailleurs étrangers n’auront pas non plus leurs permis renouvelés. La plupart des permis d’un an arrivent à expiration à la mi-août. Le rapatriement de leurs détenteurs soulagerait le pays de 850 000 des deux millions de travailleurs étrangers qui y travaillent, et dont 800 000 sont clandestins. Seuls les travailleurs des plantations et des industries orientées sur l’exportation seraient épargnés. Les travailleurs du bâtiment au chômage, jouissant de permis de travail en cours de validité, seraient autorisés à passer vers les industries de transformation qui ont besoin de 40 000 travailleurs de plus, et vers les plantations qui en demandent 60 000 pour profiter des prix en hausse de l’huile de palme et du poivre.

Le gouvernement s’inquiète à l’idée que les compagnies pourraient mettre les travailleurs malaisiens au chômage, et garder les étrangers prêts à travailler pour de bas salaires. Mais en évitant un problème potentiel, il se pourrait bien qu’il en exacerbe un autre qui est le manque de main d’oeuvre chronique dans quelques secteurs de l’économie. Déjà, face à une récession économique abrupte, quelques compagnies craignent d’être forcées de fermer si elles n’ont plus de travailleurs étrangers. Les restaurants, les supermarchés, les salons de coiffure, les compagnies d’entretien, les établissements nocturnes et les cabarets seront spécialement frappés : S’ils ne bénéficient plus de l’appoint des travailleurs étrangers, beaucoup de nos membres devront fermer leurs restaurantsdit R. Ramalingam Pillai, président de l’association des restaurateurs malaisiens indiens. Les membres de cette association emploient 46 000 travailleurs étrangers. Des compagnies du bâtiment craignent que leurs projets ne soient arrêtés. La présence des travailleurs étrangers est vitaledit un ingénieur, responsable des ressources humaines pour l’un des grands bâtisseurs de Kuala Lumpur. Sa compagnie emploie 2 000 travailleurs étrangers dans des projets qui ne seront pas terminés avant une année : S’ils ne sont plus , le travail va s’arrêter; on ne peut pas trouver des gens du pays pour les remplacerIl est clair que les Malaisiens ne se précipitent pas encore sur les emplois libérés : c’est en premier lieu leur aversion du travail manuel qui a créé le besoin d’une force de travail étrangère. Ceci pourrait changer si la crise devient plus dure et force les Malaisiens à se tourner vers des emplois qu’ils dédaignaient jusqu’ici. Il est possible que la Thaïlande se hâte d’organiser des rapatriements pour mieux s’en repentir ensuite. Les autorités s’en prennent aux travailleurs en situation illégale et ont déjà déporté 6 000 Birmans. Reste à voir si leurs emplois seront vraiment pris par des Thaïlandais. En décembre, Somchai Rattanachai, chef de l’agence d’emploi du gouvernement dans la province septentrionale de Chiang Rai, a déclaré que la plupart des travailleurs thaïlandais refusent d’accepter les emplois à bas salaire occupés jusqu’ici par des travailleurs étrangers sans formationL’association des pêcheurs de Thaïlande a aussi déclaré que l’expulsion des travailleurs étrangers pourrait coûter cher à l’industrie de la pêche parce qu’il est difficile de trouver des Thaïlandais qui acceptent de travailler sur les bateaux. L’association estime que l’industrie emploie 200 000 travailleurs en situation irrégulière. Dans la seule province méridionale de Ranong, 70% des 143 000 pêcheurs de la région viennent de Birmanie, si l’on en croit le département de la Pêche.

En Corée du Sud, l’exode croissant de travailleurs étrangers frappés par la crise financière a même forcé le gouvernement à annuler les préparations d’une opération de répression contre le travail clandestin. Environ 370 000 travailleurs sont employés dans des travaux qualifiés de sales, dangereux et difficiles, que les gens du pays méprisent, surtout dans les secteurs du bâtiment, les usines et les restaurants. Les plus nombreux sont les Chinois d’origine coréenne (entre 80 000 et 100 000), et les Philippins (25 000). Au moment où le nombre des faillites augmente, des travailleurs étrangers ne reçoivent plus leurs salaires, et la plupart n’ont aucun moyen de les réclamer parce qu’ils sont en situation irrégulière. Un nombre croissant d’entre eux quittent donc la Corée du Sud : plus de 1 300 ont quitté le pays au cours du seul mois de janvier, c’est-à-dire plus de 120 par jour, selon les fonctionnaires du ministère de la Justice. A cause de cet exode, un plan de déportation des travailleurs étrangers clandestins a été abandonné, car les autorités craignent un manque de main d’oeuvre pour les travaux sales, dangereux et difficiles.

(EDA, FEER, avril 1998)

C O R R E C T I O N

Beaucoup de lecteurs se plaignent, à juste titre de ne pas pouvoir entrer dans notre “home pagepour pouvoir y lire le sommaire de chaque numéro.

En fait, il faut supprimer le www. dans l’adresse qui est indiquée dans chacun de nos numéros en dernière page. Elle doit donc être lue de la manière suivante :

http://ourworld.compuserve.com/homepages/eglasie/

Avec toutes nos excuses.

G. Arotçarena