Eglises d'Asie

Fukuoka : le tribunal de grande instance allège la peine infligée à un catholique accusé d’avoir illégalement prêté assistance à des travailleurs péruviens

Publié le 18/03/2010




Infirmant le verdict d’un tribunal de première instance qui condamnait un catholique accusé d’avoir prêté assistance illégalement à des travailleurs immigrés péruviens, le tribunal de grande instance de Fukuoka, le 25 mars 1998, a réduit sa sentence à une légère amende de 300 000 yens. Yukinobu Aoyagi, bénéficiaire de cet arrêt, est un professeur en sciences sociales d’un collège catholique, membre de la commission « Justice et paix » qui avait oeuvré pour aider des ouvriers péruviens en difficulté (11). Tout en confirmant que Yukinobu Aoyagi a bien enfreint la loi japonaise sur l’immigration, le tribunal de grande instance a reconnu les carences du bureau de l’immigration, le caractère humanitaire et les motivations religieuses qui animaient l’action de Yukinobu Aoyagi.

Au cours de la conférence de presse qui a suivi, Yukinobu Aoyagi a remercié ses juges et a déclaré: « La justice est froide dans sa démarche mais ce jugement montre qu’il reste encore un peu d’humanité dans notre sociétéLe secrétaire général de la Commission épiscopale « Justice et paix », le P. Kenzo Kimura, a dit lui aussi sa satisfaction, qualifiant ce jugement de « meilleur possibletout en réitérant l’objectif premier de sa commission: la lutte pour les droits de l’homme. Mgr Jun Ikenaga, archevêque d’Osaka et président de la Commision épiscopale de la coopération internationale, de son côté, a déclaré : « Des lois qui bafouent les droits de l’homme perdent leur nature et leur fonction de lois. Je fais grand cas de cette décision de justice. Elle fait preuve d’une solide connaissance, démunie de tout préjugé, des faits et circonstances entourant le cas Aoyagi

Plusieurs prêtres, engagés dans l’action sociale et témoins de la défense, ont exposé devant le tribunal l’évolution de la pensée de l’Eglise depuis Vatican II, notamment « la priorité pour les pauvres et les rejetés de la société » et la façon dont l’Eglise catholique japonaise s’organise pour aider les travailleurs migrants. Il est à noter que, dans son jugement, le juge reconnaît que l’enseignement de l’Eglise invite à un « engagement concret auprès des pauvres et délaissés de la société et que monsieur Aoyagi a donc agi comme chrétien, conformément à sa conscience et en conformité avec les enseignements de son Eglise« .

Deux semaines après l’annulation de ce premier jugement, (durée légale du pourvoi en appel devant la Haute cour de justice au Japon), le ministère public annonçait qu’il renonçait à faire appel de ce jugement. Le procès de Yukinobu Aoyagi se termine donc après cinq longues années de lutte. Les militants des groupes d’aide aux travailleurs migrants, malgré l’amende maintenue pour non observation des lois sur l’émigration, se réjouissent de cette conclusion et y voient un encouragement pour la poursuite de leur action.

Ce procès a été une occasion pour beaucoup de prendre conscience du problème des travailleurs étrangers admis légalement par le Japon quand il manquait de main d’oeuvre puis, avec la crise économique, devenus indésirables. Beaucoup d’entre eux sont devenus des « sans papiersIl faut aussi souligner la place importante tenue dans ce procès par les débats sur l’Evangile, l’Eglise catholique, son essence, son esprit, son enseignement et la reconnaissance finale, dans le jugement, de son rôle privilégié dans le service des pauvres et des exclus de la société.

L’avenir de Yukinobu Aoyagi n’est pas pour autant définitivement assuré. Soeur Hinako Imaiizumi, (Congrégation canadienne des soeurs de Notre-Dame), la directrice du collège où il enseignait, le Meijigakuen, l’avait suspendu temporairement de ses fonctions quand il avait été déclaré coupable par le tribunal de premier instance, en avril 1996, sous motif que « le procès de monsieur Yukinobu Aoyagi avait une mauvaises influence sur les étudiants, occasionnait une perte de confiance de la part des parents et portait préjudice au renom de l’établissementDeux semaines après la fin de son procès devant le tribunal de grande instance, Yukinobu Aoyagi se voyait signifier par la directrice de l’école, Soeur Hinako Maiizumis, son licenciement définitif, malgré les recommandations de la Conférence épiscopale qui avait demandé « une solution rapide dans la justice et la charité comme il se doit entre chrétiens » (12).