Eglises d'Asie

LE HUITIÈME VOYAGE D’UNE DÉLÉGATION DU SAINT-SIÈGE AU VIETNAM

Publié le 18/03/2010




A la différence de ce qui s’était passé lors des précédents voyages de la délégation du Saint-Siège au Vietnam, grâce aux nouveaux moyens de communication, en particulier à Internet, le déroulement et les résultats de l’actuel voyage du 23 au 28 février 1998, ainsi que les réactions qu’il a suscitées dans le monde, ont été rapidement et substantiellement connus de la diaspora vietnamienne. Cet exposé désire simplement se faire l’écho de ce huitième voyage et proposer quelques remarques supplémentaires.

Le déroulement de la visite

Cette huitième visite d’une délégation romaine au Vietnam était dirigée par Mgr Celestino Migliore, sous-secrétaire à la secrétairerie d’Etat. Comme d’habitude, elle comprenait aussi Mgr Barnabé Nguyên Van Phuong, chef de service à la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples. A l’exception des deux premiers voyages conduits par le cardinal Roger Etchegaray de “Justice et paix”, toutes les autres visites avaient été placées sous la responsabilité de Mgr Claudio Maria Celli, à l’époque, sous-secrétaire à la secrétairerie d’Etat.

Mgr Migliore a rempli les fonctions d’observateur permanent du Saint-Siège auprès du Conseil européen à Strasbourg avant d’être nommé à son poste actuel au mois de décembre 1995 en remplacement de Mgr Celli, promu archevêque et secrétaire général de la Commission pontificale pour la conservation du patrimoine artistique et religieux de l’Eglise. Lors du 7ème voyage, du 14 au 18 octobre 1996, Mgr Migliore et Mgr Phuong avaient accompagné Mgr Celli venu faire ses adieux au gouvernement vietnamien et présenter son successeur, destiné à le remplacer dans les négociations avec le gouvernement vietnamien.

A vrai dire, le gouvernement avait fait savoir, dès le mois d’octobre de l’an dernier, qu’il était prêt à accueillir la délégation du Saint-Siège pour des entretiens avec elle. Mais la date proposée par l’Etat vietnamien présentait des inconvénients pour le Saint-Siège, étant en particulier par trop proche. A ce moment-là, le cardinal Jozef Tomko, de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, était occupé par un voyage en Afrique et ne pouvait discuter avec la secrétairerie d’Etat de la préparation de ces prochaines négociations. Le voyage fut donc repoussé à une date ultérieure, le Vietnam laissant au Saint-Siège le soin de choisir une date à l’intérieur d’une période qu’il lui ferait connaître comme propice.

C’est le dimanche 22 février 1998, au début de l’après midi, que la délégation à quitté Rome. Etaient venus l’accompagner à l’aéroport de Fiumicino, Mgr Trân Van Hoai, Mgr Trân Van Kha et le P. Trân Doan Kêt.

La délégation est arrivée à Hanoi 24 heures plus tard le lundi 23. L’attendaient à l’aéroport Nôi Bài, l’évêque auxiliaire de Hanoi, Mgr Lê Dac Trong, l’évêque de Thanh Hoà, Mgr Nguyên Son Lâm, secrétaire de la Conférence épiscopale, M. Nguyên Van Ngoc, directeur adjoint du bureau des affaires religieuses auprès du gouvernement, M. Dung du ministère des Affaires étrangères.

Contrairement à ce qui s’était passé dans les précédents voyages, le gouvernement a laissé la délégation, dès l’après-midi du 23, s’entretenir avec le comité permanent de la Conférence épiscopale, conformément à ce qui avait été demandé auparavant par le Saint-Siège lors de la préparation du programme des entretiens. Lors du 7ème voyage, cela n’avait pas été possible et les délégués du Saint Siège avaient, immédiatement après leur arrivée, entamé les négociations avec le bureau des Affaires religieuses.

La délégation a donc rencontré les membres du comité permanent, à savoir le cardinal Pham Dinh Tung, président, Mgr Huynh Van Nghi, vice-président, Mgr Nguyên Son Lâm, secrétaire général, Mgr Nguyên Nhu Thê, président de la commission pour les prêtres, religieux et séminaristes, Mgr Lê Phong Thuân, président de la commission liturgique, Mgr Lê Dac Trong, adjoint au secrétaire général pour le Nord-Vietnam, Mgr Trân Thanh Chung, adjoint au secrétaire général pour le Centre-Vietnam, Mgr Pham Minh Mân, adjoint au secrétaire général pour le Sud-Vietnam. Mgr Nguyên Van Sang, évêque de Thai Binh et président de la Commission des laïcs, s’était fait excuser, pour cause de “fatigue et d’occupation à l’intérieur de son diocèseMgr Nguyên Van Hoà, évêque de Nha Trang, vice-président de la Conférence, participait à la préparation du Synode à Rome. Au cours de cette rencontre, il a été question de la situation de l’Eglise du Vietnam et des sujets d’échange avec le gouvernement vietnamien.

Le mardi, 24 février 1998, la délégation du Saint-Siège a participé à une séance de travail avec le bureau des Affaires religieuses du gouvernement, dans la salle de réunion de la maison des hôtes du gouvernement, endroit où elle a été logée durant son séjour à Hanoi. Du côté du gouvernement, ont pris part aux discussions, M. Lê Quang Vinh, directeur des affaires religieuses, M. Nguyên Van Ngoc, adjoint, M. Nguyên Thê Doanh du Comité d’action populaire (Agit-prop) et M. Nguyên Van Nam des Affaires étrangères, chargé des affaires de l’Europe du nord-ouest, un temps, membre de l’ambassade du Vietnam à Rome, ainsi qu’une traductrice. Du côté du Saint-Siège, les deux membres de la délégation étaient seuls présents.

M. Lê Quang Vinh, nouveau directeur des Affaires religieuses, sexagénaire, a été professeur dans l’enseignement secondaire, a combattu du côté des communistes à l’époque du président Nguyên Van Thiêu, fut emprisonné un temps dans les “cages à tigre” du bagne de Poulo Condor. Il a tenu lieu de responsable des Affaires religieuses depuis le début du mois de juillet 1997, en remplacement de M. Vu Quang, parti à la retraite. Il a été nommé directeur des Affaires religieuses par le Conseil des ministres au début d’octobre 1997.

Les discussions ont tourné autour de la nomination des évêques et plus largement, de la liberté religieuse de l’Eglise catholique du Vietnam. Comme les fois précédentes, l’Etat vietnamien s’est plaint que les programmes en langue vietnamienne de radio Vatican se livraient à la critique du gouvernement vietnamien. Cette fois-ci, il a prié le Saint-Siège de mettre un terme aux programmes en langue vietnamienne de Radio Vatican et de Radio Veritas-Asie à Manille. La délégation a répondu qu’une telle exigence était par trop exagérée et a fait valoir que la liberté d’expression était un des droits de l’homme.

La délégation du Saint-Siège a, de plus, informé l’autre partie qu’elle soutenait totalement les diverses demandes contenues dans la lettre de la Conférence épiscopale envoyée au premier ministre le 10 octobre 1997 après la réunion plénière à Hanoi, en particulier l’augmentation du nombre de séminaristes et l’ouverture de noviciats et de scolasticats pour les religieux. L’autre partie s’est engagée à donner une réponse aux évêques vietnamiens.

La discussion s’est déroulée dans un climat détendu et positif. A la fin de la réunion, M. Lê Quang Vinh a déclaré J’ai été très heureux et satisfait de travailler avec la délégation du Saint-Siège”. Il a aussi affirmé que dans l’avenir les choses iraient encore mieux. La délégation a été satisfaite du climat des entretiens, bien meilleur que celui des précédentes rencontres, alors que Le directeur des Affaires religieuses était encore M. Vu Quang, un personnage au discours dogmatique et à l’attitude anti-religieuse, à tel point que Mgr Celli avait dû réagir avec vigueur, ce qui avait contribué à empoisonner l’atmosphère.

Le mercredi, 25 février 1998, la délégation rencontrait à nouveau le bureau permanent de la Conférence épiscopale, à qui elle faisait un compte-rendu de ces entretiens avec le Bureau des Affaires religieuses.

Le 26 février 1998, la délégation prenait l’avion en direction de Long Xuyên. Elle était accompagnée jusqu’à Hô Chi Minh-Ville par Mgr Nghi, Mgr Thuân, et Mgr Nhon ainsi que par le P. Nhac, secrétaire adjoint de la Conférence.

Arrivé à l’aéroport de Tân Son Nhât, la délégation fut amenée dans la salle de réception pour les hôtes de marque. C’est là que le représentant des Affaires religieuses, le P. Huynh Công Minh, le P. Huynh Huu Dang de l’archevêché et le P. Hô Van Xuân, directeur du Centre catholique, vinrent la rencontrer, l’Etat n’ayant pas permis aux envoyés du Saint-Siège de faire une visite à l’archidiocèse de Hô Chi Minh-Ville. A l’aéroport une voiture envoyée par les autorités de la province de Long Xuyên attendait la délégation pour la conduire dans cette province. Arrivée sur les lieux à 4 heures de l’après-midi, elle a rencontré les autorités civiles, puis les autorités religieuses. Ce fut ensuite la messe à l’évêché où elle s’est entretenue avec Mgr Ngu et Mgr Bui Tuân. Enfin, dans la soirée, elle participa à un dîner offert par les autorités locales. La délégation a passé la nuit à l’hôtel.

Le vendredi, 27 février, à la cathédrale de Long Xuyên, à 8h 15 du matin, une messe concélébrée solennelle a eu lieu avec Mgr Bui Tuân et une centaine de prêtres. Après le déjeuner, la délégation s’est embarquée pour Hanoi.

Pendant la visite de la délégation à Lông Xuyên, les responsables gouvernementaux avaient discuté des nominations proposées par le Saint-Siège. Dans la matinée du 28 février, à 8 heures du matin, la délégation est allée au ministère des Affaires étrangères où elle a rencontré le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Nguyên Duy Niên. Ensuite, elle s’est entretenue à nouveau avec le bureau des Affaires religieuses, qui lui a fait connaître les résultats des discussions internes : ont été acceptées la nomination de Mgr Pham Minh Mân à l’archidiocèse de Hô Chi Minh-Ville, celle de Mgr Nguyên Nhu Thê à l’archevêché de Huê et celle du cardinal Pham Dinh Tung comme administrateur apostolique du diocèse de Lang Son. Ont été refusées les propositions d’un évêque coadjuteur à Da Nang et d’un évêque coadjuteur à Bui Chu. Le gouvernement répondra prochainement aux propositions d’un coadjuteur pour Hanoi et d’un évêque principal pour Phu Cuong. L’Etat vietnamien laisse au Saint-Siège le soin de rendre publiques ces nominations quand il voudra. Le Saint-Siège informe les autorités que cette publication aura lieu le 9 mars 1998, car du 1er au 7 mars 1998, le Saint Père et autres personnalités responsables sont en récollection. Avant de publier la nouvelle, la délégation doit rendre compte de l’accord aux supérieurs.

Le samedi, 28 février, la délégation s’est rendu à l’aéroport. L’avion s’est envolé à 13 heures 30. Il s’est posé à Rome le 1er mars à 6 heures du matin.

Les résultats et leur publication

La nouvelle de l’acceptation par l’Etat de la nomination de Mgr Pham Minh Mân comme archevêque de Hô Chi Minh-Ville a été rapidement connue, dès l’atterrissage de l’avion de la délégation à Rome. Le lendemain, la nouvelle était diffusée par l’Agence “Eglises d’Asie“, organe des Missions Etrangères de Paris et reprise aussitôt par les autres agences. Les grandes agences internationales l’annonçaient également. Leurs représentants à Rome ont prié la salle de presse du Saint-Siège de la certifier. C’est pourquoi le 4 mars, le porte-parole du Saint-Siège, M. Navarro Valls, fit savoir qu’il faudrait attendre encore quelques jours pour que soient fournis des détails sur le voyage au Vietnam. Il se contenta de dire : “La délégation conduite par Mgr Migliore, sous-secrétaire à la secrétairerie d’Etat, est revenue à Rome après sa visite au Vietnam de la semaine dernière. Durant ce voyage, elle a rencontré la hiérarchie du pays ainsi que les autorités civiles. Dans quelques jours, nous donnerons des nouvelles plus détaillées”.

Dans la matinée du 9 mars 1998, la salle de presse du Saint-Siège annonçait officiellement que le Saint Père avait nommé Mgr Jean Baptiste Pham Minh Mân archevêque du diocèse de Hô Chi Minh-Ville et Mgr Stephano Nguyên Nhu Thê, archevêque de Huê. De plus le Saint Père nommait également le cardinal Paul Pham Dinh Tung administrateur apostolique de Lang Son et Cao Bang ; cependant, l’évêque actuel, Mgr Pham Van Du garde son titre d’évêque “sede plena“.

Avant cette publication, par courtoisie, la secrétairerie d’Etat en avait informé l’ambassade du Vietnam à Rome. De même, le Saint-Siège avait envoyé un télégramme officiel en informant le cardinal Tung, président de la Conférence épiscopale, à Mgr Huynh Van Nghi administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville, à Mgr Nguyên Nhu Thê, du diocèse de Huê, et naturellement à Mgr J.B. Pham Minh Mân. De son côté, le cardinal Jozef Tomko, préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, envoyait aussi deux télégrammes de félicitations aux deux archevêques nouvellement nommés.

Le nouvel archevêque, Mgr Pham Minh Mân, âgé de 64 ans, est né à Hoa Thanh, Ca mau, dans le diocèse de Can Tho. Il commença ses études secondaires au petit séminaire de Cu Lao Giêng et les acheva à Phnom Penh ; puis revint au grand séminaire de Saint Joseph, où il étudia la philosophie et la théologie avant d’être ordonné prêtre le 25 mai 1965.

De retour à Can Tho, il fut pendant trois ans professeur au petit séminaire de Cai Rang jusqu’en 1968. Il fut alors envoyé poursuivre ses études aux Etats-Unis, de 1968 à 1971. Il obtint une maîtrise (MA) en sciences de l’éducation, délivrée par l’université Loyola à Los Angeles. Au Vietnam, il continua son enseignement au petit séminaire. En 1989, il fut officiellement nommé le premier directeur du grand séminaire interdiocésain de Can Tho, nouvellement ouvert pour la formation des prêtres de trois diocèses, Can Tho, Vinh Long et Long Xuyên.

Le 22 mars 1993, il était nommé évêque coadjuteur avec droit de succession de My Tho. Cette nomination était officiellement publiée le 15 mai 1993. Sa consécration épiscopale avait lieu le 11 août de la même année.

Au cours du voyage du mois d’octobre 1996, la délégation du Saint-Siège avait fait savoir au gouvernement vietnamien que le Saint-Père avait l’intention de nommer Mgr Pham Min Mân archevêque du diocèse de Hô Chi Minh-Ville. Cependant, trois mois plus tard, l’Etat vietnamien répondait qu’il n’acceptait pas cette nomination. C’est pendant le voyage suivant de la délégation que le gouvernement vietnamien a donné son approbation.

Mgr Stephano Nguyên Nhu Thê, quant à lui, est né au Quang Tri, dans l’archidiocèse de Huê, le 1er décembre 1935. Il a été ordonné prêtre le 6 janvier 1962. Il fut choisi pour être coadjuteur de l’archidiocèse de Huê et consacré évêque le 7 septembre 1975. Le 23 novembre 1983, le Saint-Siège avait accepté sa démission.

11 ans plus tard, le 22 avril 1994, il était nommé administrateur apostolique de Huë par le Saint-Père. Il est aussi actuellement membre du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.

Mgr Vincent Pham Van Du, évêque du diocèse de Lang Son et Cao Bang, est âgé de 76 ans et ne peut plus se déplacer que sur une voiture d’infirme. C’est la raison pour laquelle, le Saint-Siège a nommé le cardinal Pham Dinh Tung administrateur apostolique de ce diocèse pour l’aider à l’administrer. C’est un tout petit diocèse, avec 3 400 fidèles, un prêtre et une religieuse, selon les statistiques de l’annuaire pontifical de 97. La nomination du cardinal comme administrateur apostolique a aussi pour motif d’éviter que le diocèse de ce diocèse qui s’étend sur 6 provinces ne soit effacée de la carte par les autorités.

L’interview de Mgr Migliore

Le 9 mars 1998, Mgr Migliore a accordé à Trân Phuc Nhac, du programme vietnamien de Radio Vatican, une interview, diffusée vers le Vietnam le 10 mars 1998.

Monseigneur, qu’a fait la délégation du Saint-Siège durant sa visite au Vietnam?

Cette visite s’est déroulée du lundi 23, au samedi 28 février derniers. En premier lieu, nous avons eu une longue rencontre à Hanoi avec les évêques du Comité permanent de la Conférence épiscopale: après avoir transmis aux évêques les salutations et les paroles de communion du Saint-Père, nous avons entendu de leurs bouches le témoignage des forces vivantes comme des difficultés de l’Eglise au Vietnam. Ensuite, avec eux, nous nous sommes mis d’accord sur les sujets et les questions dont il faudrait parler lors de nos entretiens avec la délégation du gouvernement vietnamien.

Ensuite, le lendemain, nous nous sommes assis autour d’une table pour discuter avec M. Lê Quang Vinh, directeur du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement, entouré de ses collaborateurs, des points prévus dans le programme, en particulier de nominations pour un certain nombre d’évêchés ayant besoin d’un nouvel évêque.

Les 26 et 27 février, nous avons eu la joie de visiter le diocèse de Long Xuyên et, avec l’évêque, de nombreux prêtres et fidèles, nous avons partagé des moments de communion et de foi profonde dans la célébration eucharistique. Une telle visite avait pour but d’exprimer la solidarité du Saint-Père avec la population d’une région, récemment victime de calamité naturelle.

Monseigneur, pendant longtemps, le gouvernement vietnamien a refusé la nomination par le Saint-Siège, d’un évêque pour l’archidiocèse de Hô Chi Minh-Ville. Il accepte aujourd’hui cette nomination. Comment expliquez-vous ce changement d’attitude des autorités vietnamiennes?

En premier lieu, nous devons nous réjouir, car finalement, une solution a été trouvée. Le fait qu’un diocèse reste sans évêque pendant longtemps est dommageable pour tout le monde. Au contraire, un diocèse en communion et en activité autour d’un pasteur reflète les conséquences de cette communion et de cette charité dans son environnement social.

Quels sont les autres aspects positifs, ou encore les conséquences positives de la récente visite de la délégation du Saint-Siège au Vietnam?

Sur cette question, nous avons obtenu l’assentiment complet des autorités vietnamiennes pour la nomination de Mgr Stephano Nguyên Nhu Thê, administrateur apostolique de Huê, au titre d’archevêque de Huê. Aujourd’hui, on vient d’annoncer que le diocèse de Lang Son – Cao Bang avait été confié à l’administration apostolique du cardinal Paul Pham Dinh Tung, archevêque de Hanoi. Par ailleurs, le gouvernement vietnamien a accueilli favorablement d’autres propositions du Saint-Siège concernant la nomination d’évêques pour d’autres diocèses et a promis de répondre prochainement.

Comme nous l’avons remarqué, cette visite a apporté une grande joie à la communauté catholique au Vietnam, une communauté dont le pape se sent particulièrement proche et à laquelle il accorde toute son attention. Elle a apporté soutien et encouragement aux évêques. Elle a prouvé au gouvernement vietnamien la volonté de dialogue et de collaboration du Saint-Siège. A vrai dire, je peux dire que le dialogue avec les autorités a progressé d’un nouveau pas.

Selon vous, quelles sont les questions à régler avant l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Vietnam?

Pour établir des relations diplomatiques, il n’est pas besoin de régler des questions préalables. L’établissement de relations diplomatiques n’est pas un objectif mais un préalable. Avec les relations diplomatiques, on pose un signe fort exprimant la volonté de prendre en charge les relations mutuelles d’une manière constructive et d’éliminer totalement les difficultés. Avec les relations diplomatiques et grâce aux échanges entre leurs représentants, les deux parties auront des moyens privilégiés de communiquer entre eux rapidement et correctement. Cela est important pour entretenir de bonnes relations.

Au cours de la visite de la délégation du Saint-Siège, vous êtes-vous aperçus des difficultés rencontrées par l’Eglise du Vietnam?

Les difficultés sont celles que les évêques ont exposées dans la lettre envoyée au premier ministre après la réunion annuelle du mois d’octobre. En les exposant, les évêques ont voulu dire au gouvernement: la communauté catholique, en matière de chiffres, ne représente que 10 % de la population du Vietnam. Elle n’a pas de grands moyens, mais elle possède des valeurs importantes et des ressources pour servir la société dans le domaine du progrès spirituel et humain, de l’éducation et de la bienfaisance; elle ne souhaite rien d’autre que de développer sa collaboration en gardant une entière liberté dans le domaine de l’organisation.

Le ton de cette interview est apparu très diplomatique. Les questions ont été effleurées et pas une seule phrase n’a été prononcée qui aurait pu irriter l’Etat vietnamien, bien que la position et les souhaits du Saint-Siège aient été énoncés sans ambiguïté.

Un certain nombre de réactions

1 – Le quotidien “La Croix” du 4 mars 1998 a consacré une demi-page sous le titre “Fin de la crise entre Hanoi et le Vatican”. “Mettant fin à un contentieux de plus de vingt ans, la nomination de Mgr J.B. Pham Minh Mân, ouvre une ère nouvelle dans les relations entre le Saint-Siège et les autorités communistesL’auteur, Frédéric Mounier, ajoute ceci : “Curieusement, sa nomination, déjà proposée, il y a un an par Rome, avait alors été refusée par Hanoi. Il faut probablement voir dans cette acceptation finale, la conjugaison de plusieurs facteurs. D’une part la multiplication des troubles d’origine religieuse dans le sud du pays, encore récemment à Hô Chi Minh-Ville, a rendu d’autant plus criante la vacance de ce siège. D’autre part, la crise économique asiatique accroît la fragilité de l’Etat communiste, qui tablait jusqu’à présent sur un essor de l’économie privée, mais contrôlée par l’Etat, pour améliorer le niveau de vie de la population. Les autorités fragilisées sont donc en quête d’une nouvelle reconnaissance au sein de la communauté internationale. D’où ce premier pas vers le Vatican

2 – L’agence de presse “Eglises d’Asie” des Missions Etrangères de Paris, dans une dépêche datée du 2 mars 1998, fait remarquer que “cette nomination met un terme à une très long conflit, commencé en 1975, au moment du changement de régime, avec la nomination par Rome de Mgr Nguyên Van Thuân au poste d’archevêque coadjuteur de Saigon, nomination refusée par les autorités de l’époque qui avaient non seulement renvoyé l’archevêque nommé hors de la ville mais lui avaient infligé treize ans de prison, rééducation et résidence surveillée. Le conflit a repris, lorsqu’en août 1993, la nouvelle d’une aggravation de la maladie de Mgr Nguyên Van Binh, força le Saint-Siège à nommer un administrateur apostolique pour le diocèse de Hô Chi Minh-Ville, Mgr Huynh Van Nghi, évêque de Phan Thiêt. Celui-ci n’a jamais été accepté par le gouvernement vietnamien qui, dès le début, a dénoncé dans sa nomination une manoeuvre du Vatican pour imposer Mgr Nguyên Van Thuân à Hô Chi Minh-Ville. Le refus du gouvernement s’est exprimé avec beaucoup de violence et quelquefois d’injustice pour les personnes. En novembre 1994, Mgr Nguyên Van Thuân fut nommé à la Commission “Justice et paix”, à Rome, ce qui laissait le champ libre à la négociation. Plusieurs candidats du Saint-Siège ont été refusés au cours de ces dernières années. (…).

Selon des sources vietnamiennes, les responsables des affaires religieuses ont promis d’étudier deux autres propositions, l’une pour le poste de coadjuteur du diocèse de Hanoi, l’autre au poste d’évêque de Phu Cuong. Ils ont, par contre, refusé deux candidats proposés par le Saint-Siège : l’un devait être évêque coadjuteur du diocèse de Bui Chu, l’autre, coadjuteur du diocèse de Da Nang. C’est la deuxième fois que ces propositions se heurtent au refus du gouvernement. Ce sont les nominations d’évêques qui constituent toujours les questions les plus délicates, les autorités civiles vietnamiennes se réservant le droit d’opposer leurs veto à certaines propositions de Rome. Plusieurs diocèses sont encore sans titulaire, comme Hung Hoa, Phu Cuong”.

3 – L’agence UCAN, dans une dépêche publiée en Thaïlande, le 3 mars 1998 et suivie par l’Agence catholique des Etats-Unis, a repris avec des compléments les nouvelles ci-dessus. Elle ajoutait, qu’en l’absence d’un nouvel évêque, le P. Joseph Nguyên Thai Ha, 54 ans, continuait a être administrateur du diocèse de Hung Hoa en remplacement du P. Dinh Tiên Cung, 75 ans. Le P. Michel Lê Van Khâm, 59 ans, continuerait d’administrer le diocèse de Phu Cuong.

De plus, avant que la délégation du Saint-Siège ne vienne négocier avec celle du gouvernement vietnamien le 24 février à Hanoi, la Conférence épiscopale du Vietnam a envoyé au bureau des Affaires religieuses le nom des trois prêtres choisis pour participer au Synode des évêques d’Asie, en qualité de spécialistes: le P. Joseph Nguyên Ngoc Oanh, 73 ans, du diocèse de Hanoi, le P. Paul Bui Van Doc, de Dalat, le P. Nguyên Van Ty, ancien supérieur provincial des salésiens du Vietnam.

4 – L’Agence Fides, dans une dépêche du 9 mars 1998, a aussi exposé sa satisfaction au sujet de la nomination de Mgr Mân au poste d’archevêque de Hô Chi Minh-Ville et de celle de Mgr Thê au poste d’archevêque de Huê. Lors de son voyage au Vietnam, la délégation du Saint-Siège a transmis à ce dernier un présent spécial du Pape, un calice, qu’il utilisera à l’occasion du deux-centième anniversaire de Notre Dame de La Vang, “comme un signe exprimant la communion de l’Eglise catholique au Vietnam avec l’Eglise catholique universelle

L’Agence Fides a aussi rapporté que la délégation du Saint-Siège a aussi demandé à aller visiter Lang Son, ce qui a été refusé par l’Etat vietnamien. Par ailleurs, les autorités civiles ont aussi refusé la requête de la Conférence épiscopale d’ouvrir une grand séminaire à Thai Binh, à cause du manque de personnel enseignant. Cependant, il a permis au Séminaire Saint Joseph, à Hô Chi Minh-Ville de créer un séminaire de philosophie supplémentaire dans le diocèse de Xuân Lôc. Depuis longtemps déjà, la Conférence épiscopale avait demandé à l’Etat vietnamien de créer un nouveau séminaire à Xuân Lôc, étant donné le très grand nombre de séminaristes dans ce diocèse riche de plus de 800 000 fidèles (chaque année le diocèse enregistre plus de 300 candidatures, alors qu’il ne peut recruter que dix nouveaux séminaristes à chaque fois).

L’Agence Fides a interviewvé Mgr Nguyên Minh Mân:

Monseigneur, qu’avez-vous ressenti à la publication de la nouvelle de votre nomination?

J’ai été très ému d’être ainsi nommé par le Saint Père à une nouvelle fonction. En même temps, je me suis grandement inquiété à cause de ces grandes et lourdes responsabilités qui m’ont été confiées. A l’annonce de cette nouvelle, je n’ai su que prier et méditer.

Voilà cinq ans que Saigon n’a pas d’évêque. Comment orienterez-vous votre action?

Je veux proposer des orientations pastorales conformes au Concile Vatican II et à la lettre commune de la Conférence épiscopale de 1980, lettre écrite après la chute de Saigon et l’unification du Vietnam. Le prochain synode des évêques d’Asie constituera aussi un événement de grande importance. Il est nécessaire de suivre la tradition de l’Eglise universelle.

Quel est le besoin le plus important du diocèse?

Je voudrais beaucoup rassembler un synode diocésain comme beaucoup de diocèses dans le monde l’ont fait. Au Vietnam, il n’y a pas eu de synode diocésain depuis 1934 (il s’est appelé le synode d’Indochine). J’ai besoin de temps pour étudier la réalité des diverses paroisses. Je veux consacrer du temps à un large recueil des opinions : pour savoir clairement ce qu’il faut conserver et ce qu’il faut renouveler. Nous espérons qu’aucun obstacle ne nous empêchera de réaliser cela

Une dépêche de Fides parue le 20 mars 1998 a aussi souligné la joie des fidèles catholiques de Saigon à l’annonce de la nomination d’un nouvel archevêque. Un paroissien de la banlieue a dit : “Nous sommes très fatigués d’avoir attendu tant d’annéesBeaucoup des vertus du nouvel archevêque étaient déjà connues de beaucoup de fidèles, car celui-ci a, dans le passé, plusieurs fois, célébré des messes et prêché des récollections dans le diocèse. Une amante de la croix l’a défini comme un éducateur véritable, un homme exemplaire capable de panser les diverses blessures morales.

Selon l’agence Fides, depuis trois ans que Mgr Nguyên Van Binh est mort, et près de dix ans après le début de sa maladie, le diocèse de Hô Chi Minh-Ville avait besoin d’être unifié et soutenu. C’est le diocèse le plus vivant du Vietnam avec ses fidèles, prêtres et laïcs engagés dans leur destin quotidien, avec ses écoles privées, ses dispensaires, ses jardins d’enfants fonctionnant avec l’autorisation des autorités régionales. Saigon est aussi le lieu où le Comité d’union du catholicisme, une organisation proche de l’Etat, comporte le plus grand nombre de membres (une centaine). IL faut donc unifier la communauté.

Les prêtres de Saigon sont tous satisfaits de la réussite du Saint-Siège en cette nomination. Un curé a déclaré: “Le nouvel archevêque est un homme du sud. C’est aussi un homme fidèle à la doctrine orthodoxe de l’Eglise et au pape. De plus, ayant travaillé dans les séminaires, il connaît beaucoup de monde dans le clergé du diocèse”.

L’Agence Fides a aussi ajouté que la réussite de Mgr Mân a été diplomatiquement banalisée à cause du retrait de Mgr Nghi, ancien administrateur apostolique de Saigon. Celui-ci a ainsi commenté la nomination: “Je savais depuis longtemps que cela devait arriver. Je suis très content. C’est une vraie récompense que d’accepter la volonté du Seigneur, y compris dans un tel domaine

5 – Dans une conversation téléphonique avec l’agence de nouvelles allemande DPA, le 11 mars 1998, Mgr Mân a mis en garde l’opinion, lui demandant de ne pas s’attendre à des changements dans les jours à venir. Cependant, il s’efforcera de demander au gouvernement de montrer plus de souplesse en ce qui concerne l’enseignement du catéchisme aux fidèles : “J’espère que tout changera, mais nous avons besoin pour cela d’attendre avec patience”.

En guise de conclusion

1 – Bien que certains médias internationaux aient salué la nomination de Mgr Mân et de Mgr Thê comme un “grand progrès” dans les relations entre l’Etat vietnamien et le Saint-Siège, en fin de compte, il ne s’agit là que d’une mesure “de délestage” de l’Etat, désormais conscient que le fait de continuer à empêcher l’archidiocèse de Saigon d’avoir un pasteur officiel ne pouvait qu’être dommageable, non seulement à l’Eglise, mais aussi au bon renom de l’Etat. Que Saigon, la capitale économique du Vietnam reste sans évêque était comme une épine plantée dans le flanc du gouvernement, permettant à l’opinion internationale de continuer à le critiquer pour ses violation de la liberté religieuse. Les gouvernements américain, français, italien continuent de le mettre en cause en ce domaine.

Par ailleurs, l’Etat n’espérait plus que le Saint-Siège puisse céder une fois de plus sur cette question. Dans une lettre, intitulée “Aide-Mémoire”, datée du 17 juin 1997, envoyée à l’Etat vietnamien, la secrétairerie d’Etat a fait savoir au gouvernement du Saint-Siège que la gouvernement ne céderait plus rien à l’Etat dans l’affaire du diocèse de Hô Chi Minh-Ville, ayant déjà fait des concession pour Mgr Nguyên Van Thuân et pour Mgr Huynh Van Nghi. Ce qui revenait à dire que si l’Etat n’acceptait pas la proposition de nomination de Mgr Pham Minh Mân, à l’archevêché de Hô Chi Minh-Ville, le Saint-Siège continuerait de maintenir Mgr Huynh Van Nghi dans son titre d’administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville (…)

2 – On peut aussi faire remarquer que l’envoi d’une lettre au gouvernement vietnamien par le Saint-Siège, lettre exposant les positions, les questions et les propositions de règlement a été une chose positive. Etant donné les méthodes de travail collective du parti et de l’Etat, les responsables ont eu le temps d’étudier, de discuter entre eux avant l’arrivée de la délégation du Saint-Siège et abréger ainsi le temps d’études des organes de l’Etat. Les fois précédentes, le bureau des Affaires religieuses s’était contenté d’enregistrer les propositions de la délégation. Il avait fallu attendre la décision des organes supérieurs, surtout de la Commission d’action populaire.

3 – Il faut aussi souligner le fait suivant : aussi importante que soit la nomination du nouvel archevêque, il existe encore beaucoup d’entraves à la vie de l’Eglise catholique, dues au gouvernement vietnamien. Les rapports des organes internationaux ne cessent de noter que la liberté au Vietnam en général et dans l’Eglise catholique en particulier est encore très limitée. Ainsi dans une émission de Radio Vatican en langue allemande, le P. Von Deheide, de retour d’une visite au Vietnam, a raconté qu’il a vu les églises pleines à l’heure de la messe particulièrement le dimanche. Les étrangers ont l’impression qu’il existe une véritable liberté de religion. En réalité, il ne s’agit là que d’apparences. Dans la réalité, le recrutement des séminaristes est très limité. A la fin de leurs études, ils ont besoin d’une permission des autorités pour recevoir l’ordination sacerdotale. Certains sont diacres depuis 19 ans sans pouvoir être ordonnés prêtres.

Le prêtre allemand a aussi rencontré des prêtres vietnamiens venus de l’étranger dans leur pays à l’occasion d’enterrement ou d’anniversaires du décès de leurs proches. On leur avait refusé l’autorisation de célébrer la messe à cette occasion. Certains ont pu cependant le faire en payant cent dollars aux autorités locales.