Eglises d'Asie

Le secrétaire général du Parti veut restreindre l’ampleur des cérémonies du deuxième centenaire des apparitions de Notre-Dame de La Vang

Publié le 18/03/2010




En matière de politique religieuse, les actuels dirigeants du Vietnam soufflent le chaud et le froid, sans que l’on puisse discerner clairement l’orientation générale suivie par les diverses mesures prises par eux. Après le tournant que représentait l’accord conclu avec le Saint-Siège sur la nomination de l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville à la fin du mois de février dernier, c’est au plus haut niveau que cette politique vient d’effectuer un virage spectaculaire en sens inverse. Le nouveau secrétaire général du Parti communiste, l’ancien commissaire politique à l’armée, Lê Kha Phiêu, au cours d’une conférence de presse télévisée, à l’usage des informateurs intérieurs comme étrangers, a, en effet, annoncé son intention de limiter le plus possible la participation des catholiques vietnamiens aux cérémonies du deuxième centenaire des apparitions de Notre-Dame de La Vang, qui doivent avoir lieu du 13 au 15 août prochain et auxquelles une grande partie des quelque 5 millions de catholiques vietnamiens comptaient assister. Certains observateurs ont noté aussi que c’est la date du 5 mai, jour du 180ème anniversaire de la naissance de Karl Marx, “grand idéologue et révolutionnaire héroïque”, qui a été choisie pour annoncer cette mesure.

Pour justifier les restrictions annoncées, le secrétaire général du Parti a fait état des problèmes matériels, logistiques et économiques soulevés par cet événement. Notre pays connaît toujours des difficultés économiques et on ne devrait pas mobiliser des gens et surpeupler un endroit, c’est trop chera-t-il fait valoir. Il a aussi fait remarquer que Mobiliser des milliers de gens dans un si petit endroit, assurer l’hébergement et le transport, ce n’est pas simpleMais, a-t-il ajouté, le festival de La Vang (aura) tout de même lieu. Ceci est le signe du respect du gouvernement vietnamien pour les religions, il n’y a pas d’interdiction“. Il a ensuite défendu la politique religieuse du Parti dans un langage convenu. Il a en particulier affirmé: Dire que le Vietnam ne respecte pas les libertés religieuses du catholicisme et du bouddhisme est complètement faux. (…) Toutes les religions sont égales et libres de mettre leurs croyances en pratique à condition de se soumettre à la loi comme dans n’importe quel pays“. C’est la première fois, semble-t-il, que Lê Kha Phiêu se prononçait sur un tel sujet. Il n’est toutefois pas descendu dans le détail et n’a pas révélé les mesures précises qui seraient adoptées pour restreindre l’affluence aux cérémonies du centenaire.

L’intervention du premier personnage politique du Vietnam dans l’affaire du centenaire de Notre-Dame de La Vang n’est en réalité qu’un rebondissement du différend qui a séparé sur ce sujet le gouvernement et l’Eglise dès l’annonce par les évêques du centenaire de Notre-Dame de La Vang et du caractère national qui serait donné à cette célébration. Les problèmes logistiques posés par le nombre des fidèles qui viendront à La Vang inquiètent moins le gouvernement, que l’affirmation par l’Eglise de sa dimension nationale.

C’est dans la lettre commune publiée à l’issue de leur réunion annuelle d’octobre 1997 que les évêques avaient annoncé officiellement à toute l’Eglise du Vietnam le programme des fêtes du deuxième centenaire de l’apparition de Notre-Dame de La Vang, programme réparti sur 19 mois et dont le sommet devait être le rassemblement national du 13, 14 et 15 août autour de la Vierge (7). Dès le début, le nouveau directeur des Affaires religieuses, Lê Quang Vinh, avait contesté le caractère national de ces fêtes et avait précisé qu’il ne pouvait s’agir que d’activités purement locales (8). Au mois de décembre on apprenait l’existence d’un document émanant du service central du tourisme invitant les diverses agences du Vietnam à ne faire aucune allusion aux fêtes du deuxième centenaire de Notre-Dame de La Vang et à ne proposer à personne cette destination. Cependant malgré cela, une lettre du 8 décembre 1997, signée du Cardinal Pham Dinh Tung et de l’archevêque de Huê, Mgr Nguyên Nhu Thê soulignait sans ambiguïté que ce deuxième centenaire était la fête commune de toute l’Eglise du Vietnam (9). Malgré le conflit avec l’Etat, les cérémonies du centenaire ont était inaugurées solennellement le 1er janvier avec l’approbation des autorités locales, mais dans le cadre du diocèse.

L’origine de ce pèlerinage remonte en 1798, époque où une persécution déclenchée par le roi Canh Tinh avait poussé les chrétiens à se rassembler pour prier en cachette dans un vallon, seule surface défrichée dans l’immense forêt qui s’étendait alors à l’ouest de Quang Tri. Réunis autour d’une statue de la Vierge posée sur la branche d’un imposant banian, les chrétiens avaient demandé et obtenu consolation et forces de celle qu’ils appelaient “La Mère”. A la fin du 19ème siècle, une église a été construite sur les lieux, remplacée par une plus grande en 1923. Le dernier édifice, une grande basilique, ainsi que les autres bâtiments du Centre marial ont été détruits lors de la bataille de Quang Tri en 1972. C’est en 1901, sur la décision de Mgr Caspar, évêque de Huê, que fut établie la coutume de rassembler un congrès marial à La Vang tous les trois ans. Ce congrès eut lieu régulièrement sans interruption jusqu’en 1978, année où il ne put avoir lieu à cause de la situation. Mais en 1981, Mgr Nguyên Kim Diên, archevêque de Huê (10), convoqua à La Vang les fidèles du diocèse qui se rendirent nombreux auprès de la Vierge, accompagnés de chrétiens venant de toutes les régions du Vietnam. Le 15 août 1996, pour le 24ème Congrès marial, près de 65 000 fidèles accompagnés de 170 prêtres et de plusieurs évêques s’étaient rassemblés à La Vang (11).