Dans le continent asiatique (habité par 85% des non-chrétiens de la planète), les Eglises locales continuent d’affirmer : “Notre défi est de proclamer la Bonne Nouvelle” (FABC V: 1,7). Pour ces communautés de foi asiatiques, l’évangélisation implique concrètement qu’elles deviennent des Eglises “en dialogue continu, humble et aimant avec les traditions vivantes, les cultures et les religions d’Asie” (FABC 1:12).
Parmi les nombreuses inititatives missionnaires qui ont été lancées en Asie au cours des dernières décennies, l’émergence de plusieurs sociétés missionnaires de vie apostolique est particulièrement remarquable. Alors que la plupart des sociétés internationales masculines et féminines sont implantées en Asie, la croissance de communautés missionnaires nées en Asie augure plutôt bien de l’avenir de l’évangélisation et de la croissance des Eglises locales d’Asie. Ces sociétés mettent en pratique les mots de Jean-Paul II dans Redemptoris Missio” (66) : “La vocation spéciale des missionnaires à vie conserve sa validité : elle reste le modèle de l’engagement missionnaire de l’Eglise, qui a toujours besoin d’un don radical et total de soi, d’entreprises nouvelles et audacieuses
A l’heure actuelle, il y a six sociétés de cette nature en Asie : deux sont originaires des Philippines; deux proviennent d’initiatives indiennes; la Corée et la Thaïlande possèdent un institut chacune. Les six sociétés sont de droit diocésain. Cinq appartiennent à l’Eglise catholique romaine et une à l’Eglise catholique syro-malabar. Il est à noter que les six sociétés ont été fondées au lendemain de Vatican II, c’est-à-dire après 1965.
En tant que sociétés missionnaires de vie apostolique, elles mettent un accent particulier sur la mission. Leur contribution est : Ad Gentes, vers ceux qui n’ont pas encore entendu la Bonne Nouvelle de salut libératrice, de Jésus-Christ, Ad Exteros en direction de ceux qui n’appartiennent pas à leur nation ou leur groupe culturel et linguistique, et Ad Vitam, pour un engagement à vie dans cette forme particulière de témoignage missionnaire.
Dans ce court texte, j’ai l’intention de présenter brièvement l’histoire, le charisme, les membres, le travail et les statistiques de chacune de ces sociétés. Comme on a pu le lire, il en ressort une appréciation claire de ce que le Saint-Esprit “principal acteur de la mission” (RM 21,30) accomplit et révèle dans les Eglises locales d’Asie.
La Société missionnaire des Philippines
A l’occasion du quatrième centenaire de l’évangélisation des îles philippines (1565-1965), la hiérarchie catholique déclara que “afin d’exprimer notre gratitude concrète à Dieu pour le don de la Foi, nous organiserons un Société des missions étrangères des PhilippinesLe nom officiel de la société est : Société missionnaire des Philippines. C’est une société philippine cléricale missionnaire de vie apostolique. La Société définit son charisme comme suit : “Dans l’amour et la gratitude au Père, nous faisons nôtre un esprit missionnaire joyeux provenant d’une union profonde avec le Christ par Marie, et dans la soumission au pouvoir de l’Esprit, nous voulons nous dépenser dans le partage de son Evangile à tousDepuis ses débuts, la Société a recherché un statut pontifical. Mais Rome a demandé à la Société de commencer au niveau local. Elle s’est donc dotée d’une personnalité juridique dépendant de l’archevêque de Manille. Ses statuts actuels ont été approuvés le 29 janvier 1989.
La Société est ouverte aux Philippins de naissance. La Société accueille aussi comme associés des prêtres diocésains philippins désireux de servir comme missionnaires à l’étranger. La Société missionnaire des Philippines considère son apostolat missionnaire dans les territoires dits “de mission”, de jure et de facto, comme sa première vocation et son privilège. L’Asie a toujours été la priorité première dans les choix des apostolats missionnaires. A l’heure actuelle, les membres de la Société missionnaire des Philippines travaillent à Hongkong, à Taiwan, au Japon, en Thaïlande, en Corée, en Papouasie-Nouvelle Guinée, en Nouvelle Zélande et dans les îles Salomon.
Selon les statistiques de 1997, la Société missionnaire des Philippines compte 51 membres permanents et cinq membres associés. Le P. Ruben C. Melago en est le Père modérateur.
La Société missionnaire de St Thomas l’apôtre
La Société missionnaire de St Thomas l’apôtre, en Inde, est une société missionnaire indigène de l’Eglise syro-malabar. En 1960, Mar Sebastian Vayalil demanda l’autorisation du Saint-Siège pour fonder une société missionnaire. Rome demanda à Mgr Vayalil, en 1963, de soumettre un essai de constitution pour la nouvelle société. Ceci fut fait en 1964. La société naissante commença comme une Association pieuse du clergé diocésain en 1965. Par la suite, des étapes furent franchies et la Société missionnaire de St Thomas fut fondée à Deepti Nagar, Melampara, Bharananganam, le 22 février 1968. Les membres fondateurs en étaient 18 prêtres diocésains qui firent leur promesse solennelle d’appartenance à la Société missionnaire de St Thomas, le 16 juillet 1968.
L’ambition de la Société est “la mission ad gentes” dans les régions moins chrétiennes de l’Inde et au-delà, “en restant fidèles à l’héritage et à l’identité de l’Eglise syro-malabarLa Société missionnaire de St Thomas est aujourd’hui engagée dans trois territoires de mission : Ujjain, Mandya et Sangli. En 1995, la Société a accepté de travailler à Leh-Ladakh, et y a envoyé trois prêtres pour travailler dans ce qui est connu comme “le toit du monde”. Quelques membres de la Société sont aussi engagés dans divers diocèses indiens, en Tanzanie, en Allemagne et en Amérique.
La croissance de la Société missionnaire de St Thomas au cours de ses 29 années d’existence (1968-1997) a été phénoménale. Aujourd’hui, en 1997, elle compte 217 membres prêtres, 35 étudiants en théologie, 37 étudiants en philosophie, et un total de 106 étudiants à d’autres niveaux de formation. En 1993, au moment du jubilé d’argent de la Société missionnaire, les évêques syro-malabars publièrent une lettre pastorale pour reconnaître à nouveau la Société et encourager les fidèles à soutenir ses activités missionnaires. Le présent directeur général est le P. Sebastian Vadakel.
La Société des Missions étrangères catholiques de Corée
A la fin de l’année 1974, un comité de préparation fut formé pour explorer la possibilité de créer une société missionnaire. Par décision de la Conférence épiscopale coréenne, la Société des Missions étrangères de Corée fut fondée le 26 février 1975. Une maison de formation fut ouverte en 1976, et le premier prêtre de la société fut ordonné en 1981. La même année, le premier missionnaire fut envoyé en Papouasie-Nouvelle Guinée.
La Société missionaire de Corée cherche à proclamer l’Evangile et à imiter Jésus, modèle de tous les missionnaires. “Nous nous conformons à l’esprit évangélique des 103 martyrs coréens qui ont rendu témoignage à Jésus jusque dans leur mortIls ont aussi choisi de “faire l’option préférentielle pour les pauvres et d’être en solidarité avec leurs souffrances matérielles et spirituelles
Il y a aujourd’hui, en 1997, 72 membres dans la Société. Dix-sept sont prêtres, six sont diacres. Il y a 15 séminaristes agrégés temporaires, vingt grands séminaristes, et quatorze dans l’année de formation spirituelle. Les membres de la Société travaillent en Corée, dans les diocèses de Séoul et de Suwon, et aussi à Hongkong, à Taiwan, en Papouasie-Nouvelle Guinée, aux Philippines et en Italie.
La Société des missions étrangères de Corée envisage aujourd’hui de fonder des missions en Chine, au Cambodge, en Mongolie, ainsi que dans les républiques d’Asie centrale. Elle envisage aussi de mettre en oeuvre des entreprises de coopération avec d’autres instituts missionnaires. Enfin, elle espère pouvoir créer un Institut asiatique de recherche missionnaire. L’actuel supérieur en est le P. Bonaventure Jung.
La Société missionaire des hérauts de la Bonne Nouvelle
En 1971, le P. Jose Kaimlett, prêtre du diocèse de Vijayawada, dans l’Etat indien de l’Andhra Pradesh, eut l’idée de former une société missionnaire au service de l’Eglise universelle. Cependant, comme l’admet le P. Jose lui-même, “dans le plan de Dieu, les temps n’étaient pas accomplis
En décembre 1976, le nouveau diocèse d’Eluru fut créé par division du territoire appartenant précédemment au diocèse de Vijayawada. Le P. Kaimlett fut l’administrateur provisoire du nouveau diocèse jusqu’à la nomination de Mgr John Mulagada. Le P. Kaimlett fut alors envoyé à Rome pour des études de droit canon, après quoi il revint dans le diocèse d’Eluru. Son rêve d’un institut missionnaire n’était pas oublié. En 1984, avec trois prêtres et deux frères du diocèse, il fonda la Société des hérauts de la Bonne Nouvelle.
L’approbation épiscopale de la fondation fut officialisée le 14 octobre 1984. Au début de 1985, les premiers membres firent leurs voeux perpétuels. Le 5 mai 1991, Mgr John Mulagada, après avoir obtenu le Nihil Obstat de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, institua la Société missionnaire des hérauts de la Bonne Nouvelle, de droit diocésain.
L’accent principal de la Société est mis sur la formation et l’envoi de “missionaires, saints, zélés et travailleursNotre Dame, reine des apôtres, et St Jospeh sont ses patrons. Aujourd’hui, la Société compte 62 prêtres travaillant en Inde, en Afrique du Sud, en Papouasie-Nouvelle Guinée et aux Etats-Unis. Il y a un total de 429 scolastiques à différents niveaux de formation. Au cours de ses treize années d’existence, la Société a ouvert quatre petits séminaires et deux grands séminaires. Le P. Kaimlett a aussi fondé une branche féminine, les Soeurs de la Bonne Nouvelle, qui comptent aujourd’hui 66 religieuses. Le P. Jose Kaimlett est le supérieur général.
La Société missionnaire de Thaïlande
En mars 1987, le supérieur des Missions Etrangères de Paris, en Thaïlande, adressa une lettre à la Conférence épiscopale, suggérant la formation d’un groupe missionnaire de prêtres thaïlandais. Ils travailleraient parmi les populations aborigènes du nord du pays. L’idée fut favorablement reçue par les évêques. Des contacts furent pris avec des séminaristes diocésains, des congrégations religieuses et des laïcs. La responsabilité du projet fut confiée à l’évêque de Nakorn Sawan, Mgr Banchong Aribang. En 1989, deux séminaristes se portèrent volontaires pour devenir membres de la Société. En juin 1990 et en janvier 1991, les deux premiers prêtres furent ordonnés pour la Société missionnaire de Thaïlande. C’est l’événement qui est considéré comme le commencement de fait de la Société missionnaire de Thaïlande.
Cette Société de prêtres séculiers, avec des associés religieux et laïcs, exprime l’ambition de “faire du travail apostolique parmi ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ en Thaïlande et en dehors de ThaïlandeA l’heure actuelle, ils sont présents dans le nord de la Thaïlande et au Cambodge. En tant que société de vie apostolique, la Société missionnaire de Thaïlande est sous la responsabilité de la Conférence épiscopale de Thaïlande. Les évêques nomment le supérieur de la Société. Les membres à part entière sont des prêtres séculiers diocésains qui entrent dans la Société avec l’approbation de leurs évêques respectifs. Ils conservent une relation spéciale avec leurs diocèses d’origine où ils sont incardinés. Les religieux et les laïcs sont acceptés comme associés pour des périodes de trois ans. A l’heure actuelle, on considère l’établissement d’une branche autonome pour les laïcs.
Aujourd’hui, la Société missionnaire de Thaïlande compte trois prêtres, six religieuses et quatre laïcs. Mgr Banchong Aribang en est le responsable au nom de la Conférence épiscopale, qui a approuvé une constitution provisoire. Le P. Jean Dantonel, des Missions Etrangères de Paris, est le premier supérieur. Un prêtre thaïlandais est son assistant.
La Société missionnaire Lorenzo Ruiz
En 1949, au cours des troubles civils en Chine, le séminaire régional St Joseph, qui était sous administration jésuite, fut transféré à Manille. Au cours des années suivantes, 60 prêtres chinois furent ordonnés aux Philippines. Ils fondèrent 14 paroisses et 18 écoles sino-philippines. Afin de faciliter la continuité de cet apostolat, de recruter et de former un clergé plus jeune, le cardinal Jaime Sin, de Manille, créa l’Institut missionnaire Lorenzo Ruiz, un séminaire sino-philippin, en 1987. Le pape Jean-Paul II a aussi demandé au cardinal Sin d’aider à préparer des missionnaires pour la Chine. Au cours du séjour du pape aux Philippines, en janvier 1995, il visita ce séminaire, demandant au cardinal de “maintenir et préserver ce séminaire à tout prix
C’est dans ce contexte que la Société missionnaire Lorenzo Ruiz a été formée. Elle a obtenu un décret d’approbation de la part du cardinal Sin, le 14 janvier 1997. C’est une société cléricale de vie apostolique, de droit diocésain, dépendant du siège ecclésiastique de Manille. La Société s’inspire de St Lorenzo, premier saint des Philippines, qui était d’origine sino-philippine. Il fut martyrisé au Japon, au 17ème siècle, alors qu’il suivait des frères dominicains espagnols en qualité de catéchiste laïc.
La Société missionnaire Lorenzo Ruiz est “intrinsèquement et éminemment missionnaire dans son esprit et sa finalitéSes membres sont dévoués à l’Eglise de Chine, à l’apostolat des Sino-philippins et aux autres communautés chinoises d’outremer. A l’heure actuelle, il y a sept prêtres ordonnés, 15 séminaristes en théologie, et 19 en philosophie. Quelques-uns des membres ont étudié la langue et la culture dans le nord de la Chine. L’archevêque de Manille gouverne la Société par l’intermédiaire d’un délégué. Un chapitre général sera convoqué quand le nombre des membres atteindra le chiffre de dix prêtres membres engagés à vie.
Conclusion
L’histoire de l’évangélisation est riche en Asie et comporte beaucoup d’aspects. Sans aucun doute, davantage pourrait être écrit sur ces sociétés missionaires nées en Asie. Dans cet esprit, je voudrais attirer l’attention du lecteur sur un colloque qui s’est tenu en Thaïlande en avril 1997, sous l’égide de la FABC (Fédération des conférences épiscopales d’Asie). Des représentants de toutes les sociétés missionnaires d’Asie y participaient, en même temps que plusieurs représentants d’autres sociétés missionnaires qui travaillent en Asie (…)
A l’aube du troisième millénaire, il me paraît approprié de rappeler l’accent mis par Jean-Paul II de manière persistante sur “l’Asie, vers laquelle la mission ad gentes de l’Eglise devrait se diriger de manière prioritaire” (RM 37; cf RM 55, 91). La naissance, la croissance et le service des sociétés missionnaires nées en Asie est une bénédiction particulière pour tout le peuple de Dieu en Asie. Sous la direction de “l”Esprit d’amitié” (GS 3), l’Asie émergera comme le continent d’espérance missionnaire du troisième millénaire.