Eglises d'Asie

Synode : les évêques vietnamiens ont été les témoins de la foi de leur Eglise et les avocats du dialogue avec les traditions religieuses de leur pays

Publié le 18/03/2010




Deux visées différentes mais complémentaires ont, semble-t-il, guidé les représentants de l’Eglise du Vietnam dans leurs interventions au synode. Certains se sont efforcé d’apporter à leurs confrères réunis à Rome un reflet de la foi vécue par les diverses composantes du peuple de Dieu dans leur pays, aussi bien au cours de l’histoire que dans le passé immédiat. Les autres ont voulu témoigner de l’engagement actuel ou à venir de leur Eglise dans le dialogue avec les grandes traditions religieuses de leur pays, ce qui avait déjà été le thème principal de la réponse commune aux “lineamenta” et de l’exposé de Mgr Nguyên Van Hoa, le 21 avril dernier (12).

Cet enracinement dans la tradition religieuse nationale a formé le noyau de l’intervention de l’archevêque de Huê, Mgr Nguyên Nhu Thê, le 24 avril dernier. Il a montré comment, sur ce sujet, l’attitude des catholiques du Vietnam a varié. L’évolution du comportement de l’Eglise à l’égard du culte des ancêtres en témoigne. Regardé autrefois comme une forme de croyance, il est aujourd’hui considéré comme une caractéristique morale et sociale de la vie familiale. Il est urgent pour l’Eglise, a-t-il dit, d’introduire les coutumes et les traditions liées à la vénération des ancêtres dans sa propre liturgie. Dans une intervention très parallèle, le secrétaire de la Conférence épiscopale, Mgr Barthélémy Nguyên Son Lâm, évêque de Thanh Hoa, a fait remarquer que l’interdiction qui a touché le culte des ancêtres pendant trois siècles a rendu les chrétiens étrangers aux véritables fondements de la société vietnamienne et que ce n’était que très récemment qu’ils avaient retrouvé leurs racines.

Le cardinal Pham Dinh Tung, archevêque de Hanoi, qui, lui aussi, a pris pour thème le contexte asiatique de l’évangélisation, a voulu adopter un point de vue plus pastoral que théologique ou scientifique. Dans un exposé qui a traité successivement des croyances religieuses des peuples d’Asie, de la foi chrétienne dans le cadre de l’Asie et de l’annonce de l’Evangile pour ceux qu’il a appelé nos frères et nos soeurs d’Asiele cardinal a voulu souligner la profondeur humaine et religieuse de ces croyances religieuses, non seulement celles qui forment la foi des grandes religions mais aussi celles qui animent la piété populaire. Il n’y a pas d’évangélisation, a-t-il souligné, sans dialogue avec elles.

D’autres exposés ont surtout voulu être des témoignages de la foi vécue par l’Eglise du Vietnam. Ce fut tout particulièrement le cas de l’intervention de Mgr Nguyên Van Sang, évêque de Thai Binh, qui a tracé un portrait enthousiaste du peuple chrétien au Nord Vietnam. Il a rapporté, à ce sujet, les témoignages élogieux des premiers missionnaires sur la ferveur des premières communautés chrétiennes au 17ème siècle. Par ailleurs, le tableau de l’Eglise actuelle tracé par lui, bien que comportant quelques ombres, est largement positif aussi bien dans le domaine cultuel que moral et social.

C’est un témoignage plus particulier qui a été donné par Mgr Nguyên Van Nhon, évêque de Dalat, puisqu’il a choisi de parler de la foi chrétienne telle qu’elle est vécue au sein des minorités ethniques particulièrement nombreuses dans son diocèse. Il a parlé de la simplicité et du naturel avec lequel les chrétiens issus de l’animisme menaient leur vie chrétienne et de la profondeur de leur confiance en Dieu. Il a aussi cité les sacrifices de toutes sortes consentis par eux pour vivre leur foi. Selon l’évêque de Dalat, les prêtres et chrétiens vietnamiens travaillant auprès d’eux ont reçu beaucoup plus qu’ils ne leur ont donné.

Le témoignage très concret que proposa à l’Assemblée spéciale des évêques d’Asie, l’évêque de Long Xuyên, Mgr Bui Tuân, concernait la période la plus récente de l’histoire de l’Eglise du Vietnam. D’emblée, il a fait état des étonnants résultats enregistrés par son diocèse au cours des 25 dernières années, dans les conditions très difficiles faites au catholicisme par la Révolution socialiste. Il s’est livré ensuite à une méditation sur les causes d’un tel développement de l’évangélisation et a essayé de faire comprendre les attitudes profondes de l’Eglise qui avaient permis une telle avancée du royaume.

Certaines interventions ont aussi porté sur la justice et les droits de l’homme. Mgr Emmanuel Lê Phong Thuân, évêque de Can Tho, a plaidé pour que l’Eglise, dans ses activités d’évangélisation, favorise la dignité et la promotion de la personne humaine. Ce fut aussi le cas de l’exposé de Mgr Nguyên Van Thuân, aujourd’hui vice président du Conseil pontifical “Justice et Paix”, et invité spécial du pape au Synode. Il reste lié au Vietnam. Il l’a lui-même suggéré en se présentant au début de son intervention, comme “évêque autrefois en prison“. Il a exprimé les raisons profondes de la lutte de l’Eglise pour les droits de l’homme en affirmant que partout où l’homme souffre l’exploitation, l’oppression, l’injustice, c’était le Christ qui continuait d’être crucifié. C’est pourquoi, l’engagement de l’Eglise dans ce combat, qui est solidarité avec les victimes en même temps que dénonciation des violations, a besoin avant tout de persévérance.