Eglises d'Asie

Le nouveau président est encouragé à poursuivre la politique de libération déjà timidement entamée

Publié le 18/03/2010




Une très forte pression, en provenance de l’étranger comme de l’intérieur du pays, s’exerce aujourd’hui sur le nouveau président indonésien, Jusuf Habibie, en faveur d’une amnistie générale des prisonniers politiques détenus dans les établissements pénitenciers du pays. Déjà, mardi, 26 mai 1998, deux importantes personnalités de l’opposition indonésienne ont été libérées de la prison de Cipinang où ils étaient incarcérés. Le nouveau président les a amnistiés et a annulé les accusations pesant contre eux.

L’un des deux prisonniers libérés, Muchtar Pakpahan, est un chrétien, fondateur d’un syndicat indépendant (le syndicat pour la prospérité des travailleurs). Il purgeait, depuis 1995, une peine de quatre ans de prison pour avoir été l’instigateur présumé d’une révolte d’ouvriers dans le nord de Sumatra (2). L’autre, Sri Bintang Pamungkas, ancien député musulman et président d’un parti non reconnu, l’Union démocratique indonésienne, avait été condamné à 34 mois de prison en mai 1996 pour avoir insulté le président Suharto, aujourd’hui démissionnaire, au cours d’une conférence prononcée en Allemagne (3).

Commentant ces deux premières libérations, le ministre de la Justice, M. Muladi, a déclaré que le nouveau président avait décidé cette amnistie dans l’intérêt national, particulièrement à un moment de réforme le gouvernement essaie d’améliorer son image de marque internationale dans le domaine des droits de l’homme“. Cependant, le ministre a voulu marquer très nettement les limites de la générosité gouvernementale. Seront exclus par avance d’une éventuelle amnistie, les membres du parti communiste indonésien, les personnes impliquées dans le coup d’Etat de 1965, les personnes ayant violé la constitution, les criminels dangereux. Il a aussi cité le cas du dirigeant indépendantiste timorais emprisonné, Xanana Gusmao, pour qui beaucoup d’organisations et de personnalités diverses sont déjà intervenues, parmi lesquelles des sénateurs américains, le gouvernement hollandais, le syndicaliste Muchtar Prakpahan, nouvellement libéré, et le prix Nobel de la paix, Mgr Felipe Ximenes Belo. Selon le ministre, le responsable du mouvement indépendantiste de Timor Oriental, n’entrait pas dans une des catégories susceptibles d’être amnistiées parce qu’il mettait en cause l’unité nationale.

Dans une déclaration faite le jour suivant, le ministre de la Justice a annoncé la libération de cinq nouveaux prisonniers politiques pour le jeudi 28 mai, sans révéler encore leur identité. Selon des confidences de hauts fonctionnaires, les mesures d’amnistie devraient toucher 10 à 15 prisonniers politiques sur un total de 200 actuellement en détention.

D’autres mesures de première importance, concernant le monde du travail, ont été prises par le nouveau gouvernement. A l’occasion de la libération de Muchtar Pakpahan, le ministre du Travail, M. Fahmi Idris, a donné l’autorisation d’activités au syndicat indépendant fondé par lui, levant ainsi, de facto, l’interdiction jusque là en vigueur à l’encontre de toute activité syndicale se déroulant en dehors de l’organisation unique contrôlée par l’Etat, à savoir la toute puissante “Fédération des syndicats de travailleurs indonésiens”. M. Idris a reconnu officiellement que l’ancienne législation du travail violait les recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la liberté d’association et d’organisation. Cependant, en ce domaine aussi, il a marqué les limites de la réforme. Les syndicats indépendants sont autorisés à fonctionner tant qu’ils respecteront les règlements, l’idéologie officielle du Pancasila, et que leur objectif principal restera l’amélioration de la vie des ouvriers et de leurs conditions de travail.

Beaucoup d’Etats et d’institutions dans le monde suivent avec une très grande attention les progrès de la libéralisation de l’Indonésie après la démission de Suharto. Le Congrès américain, dans une lettre datée du 22 mai, avait demandé au nouveau président la libération de Pamungkas et de Pakpahan, à laquelle ils avaient associé celle du dirigeant indépendantiste, Gusmao. Le 26 mai, le ministre des Affaires étrangères canadien, Lloyd Axworthy, tout en se félicitant de la récente libération des deux opposants, a encouragé le gouvernement à libérer “tous les autres prisonniers politiques“. Le même jour, un communiqué de la Fédération des syndicats allemands (DGB) saluait ces premières mesures comme un premier pas vers les réformes politiques et l’ouverture des portes de prison pour tous les syndicalistes détenus“.