Eglises d'Asie – Indonésie
Les militants catholiques ne font pas confiance à M. Habibie et veulent sa démission
Publié le 18/03/2010
M. Habibie est devenu président de la République indonésienne, le 21 mai 1998, à la suite de la démission forcée de M. Suharto. Si cette nomination respecte la continuité constitutionnelle, elle ne fait pourtant pas illusion. Le véritable patron de l’Indonésie semble bien être le général Wiranto, chef de l’armée, qui s’est débarrassé en quelques heures de ses deux principaux rivaux militaires.
Selon le P. Mangun, “M. Habibie est aussi responsable que son prédécesseur de la crise de confiance qui frappe le pays ; il ne jouit pas de la confiance du peuple, particulièrement de celle des étudiantsPour lui, plus longtemps Habibie restera au pouvoir et plus longue sera la sortie de la crise politique et économique. Il estime que la meilleure solution de la crise serait l’établissement d’un presidium composé de personnalités acceptables par tous, qui réunirait une session extraordinaire de l’Assemblée consultative du peuple, chargée de choisir un nouveau président et un vice-président.
Raymond Toruan, ancien séminariste, aujourd’hui directeur général du quotidien “The Jakarta Postestime de son côté que M. Habibie doit démissionner “parce qu’il n’a pas de légitimité comme président, même si le processus de sa nomination a respecté la constitutionEn ce qui le concerne, il pense que la tâche principale des militants favorables à la réforme est de “nettoyer le gouvernement de tous les éléments liés à Suharto
Vincent B. Saka, président de la fondation Kasimo qui regroupe d’anciens membres du Partai Katolik (Parti catholique), pense, lui, que Habibie est dangereux pour les groupes religieux minoritaires “parce qu’il a souvent dans le passé fait appel à des émotions passionnelles pour mettre les groupes minoritaires en difficultéM. Habibie a été l’un des fondateurs, avec Amien Raïs aujourd’hui dans l’opposition, de l’association des intellectuels musulmans qui a joué un grand rôle dans le gouvernement à partir des années 1990 et que l’on crédite habituellement de la tendance islamisante perceptible dans l’administration au cours des dernières années du président Suharto.
En ce qui concerne l’avenir et, plus précisément, les élections qui ont été promises par le nouveau pouvoir pour l’année prochaine, les militants catholiques sont davantage divisés. Selon Vincent B. Saka, l’alternative pour les anciens membres du Partai Katolik, est de “collaborer avec les protestants pour former un parti démocrate chrétien ou de rester au sein du Parti démocrate indonésienparti dont Megawati Sukarnoputri a été expulsée à la suite des manoeuvres de l’ancien régime.
Le P. Charles Mangun se rallie à l’idée de former un nouveau Partai Katolik, qui aurait pour vocation de soutenir l’idéologie nationale du Pancasila (les cinq principes) avec une certaine vision de la mondialisation. Cette analyse n’est pas du tout partagée par le politologue catholique Paul Widyanto, proche de Megawati Sukarnoputri, qui pense que la résurrection du Partai Katolik serait une erreur et un retour en arrière : “Cela ne ferait que favoriser les divisions de la société et l’enfermerait dans ces mêmes cadres que nous critiquons si vigoureusementRaymond Toruan partage l’analyse de Paul Widyanto et estime que les catholiques devraient se joindre à un grand parti nationaliste qui aurait vocation à représenter et renforcer la société civile pour faire contrepoids au pouvoir de l’Etat.
De son côté, le 24 mai, le cardinal Darmaatmadja, archevêque de Jakarta, a fait lire dans toutes les églises catholiques une lettre pastorale dans laquelle il condamne vigoureusement toutes les violences de la semaine précédente et demande “une réforme radicaleIl écrit notamment : “Les personnes qui occupaient des positions importantes dans le gouvernement ont travaillé contre les intérêts des petits. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est une réforme radicale qui puisse libérer le peuple de la culture de la violence