Eglises d'Asie

De divers côtés, des voix s’élèvent pour dénoncer le racisme sousjacent aux émeutes du 12 au 15 mai dernier

Publié le 18/03/2010




Dans l’euphorie qui a accompagné et suivi la chute du régime Suharto, un certain nombre de voix discordantes se sont élevées pour dénoncer le caractère raciste et, plus spécialement, anti-chinois des agressions auxquelles s’est livrée la foule durant les manifestations du mois de mai. Ces réactions émanant d’Indonésiens d’ethnie chinoise ou encore de militants de droits de l’homme se sont exprimées avec force lors d’une réunion organisée à Jakarta, le 5 juin, par le « Comité national de la jeunesse contre la discrimination racialecomité qui a été créé ce jour-là par un groupe d’universitaires et de militants, parmi lesquels un ancien champion de badminton fort connu.

Dans son intervention, l’historien Ong Hok Ham, a déclaré que les émeutes de mai avaient mis à nu une des faiblesses de l’Indonésie, en tant que nation, le racisme. « Nous n’avions pas conscience que le racisme était notre faiblesse, a-t-il précisé, mais les émeutes du 12 au 15 mai, les pillages et les incendies de magasins et de maisons appartenant pour beaucoup à des propriétaires d’ethnie chinoise nous ont ouvert de nouvelles perspectives sur le problème racial de notre paysDans le passé, les émeutiers qui s’en prenaient aux Chinois étaient seulement taxés de « jalousie socialeAprès les émeutes du 12 au 15 mai, il n’est plus possible de formuler un tel jugement. Beaucoup de groupes ont déjà, un peu partout, condamné ces actes comme racistes.

Encouragés par de récentes déclarations publiques à ce sujet, en particulier, celle de la commission nationale des droits de l’homme, un petit groupe de dirigeants chinois est venu prendre la parole à la réunion. On a entendu, en particulier, Esther Indaryani Yusuf, catholique et porte-parole d’un groupe chinois, qui, selon ses propres termes, était venue plaider pour l’éradication de la discrimination raciale dans le pays. Elle a affirmé que, si les Chinois gardent le silence au sujet de ces actes barbares dirigés contre eux, c’est parce qu’ils ne savent pas si leurs protestations seront entendues. Ils s’aperçoivent que les émeutes qui les visent sont considérées comme normales par la population. C’est pour cela qu’ils gardent le silence lorsque les émeutiers pillent leurs biens, incendient leurs maisons ou encore violent leurs femmes.

Analysant les causes de cette situation, certains intervenants de la réunion ont fait remarquer que l’animosité existant entre les Chinois et les autres citoyens indonésiens est une conséquence indirecte de la politique discriminatoire de l’Ordre nouveau de Suharto. Le fait que les Chinois aient été exclus des services publics a favorisé en retour la collusion et les ententes tacites entre les hauts fonctionnaires du gouvernement et certains individus, cartels ou groupes d’intérêt chinois. Cependant, il serait injuste, ont fait remarquer d’autres intervenants, d’accuser tous les Chinois d’avoir eu ce type de relation avec le pouvoir. Seuls quelques hommes d’affaires, comme, par exemple, Liem Sioe Liong, un capitaliste ami intime de Suharto, peuvent être suspectés et doivent, pour cela, être traduits devant la justice.

Dès avant la réunion du Comité national de la jeunesse contre la discrimination raciale, le 2 juin, un communiqué de la Commission nationale des droits de l’homme avait déjà condamné les actes commis durant les émeutes contre les Indonésiens d’ethnie chinoise, « qui sont à part entière des membres de la société indonésienne« En Indonésie démocratique fondée sur l’idéologie du Pancasila, poursuivait le texte, aucune action violant les droits de l’homme ne peut être justifiéeLe communiqué faisait aussi remarquer que les émeutes dirigées contre les Chinois ont forcé beaucoup d’entre eux à s’enfuir du pays, emportant avec eux leurs capitaux et leur savoir-faire professionnel, ce qui a encore ajouté aux difficultés économiques déjà existantes. Enfin, la Commission des droits de l’homme a demandé au gouvernement d’enquêter sur la passivité des forces de l’ordre lors des agressions anti-chinoises.