Eglises d'Asie

Les dirigeants indonésiens recherchent le dialogue mais n’ont pas encore franchi le seuil qui permettrait de véritables négociations

Publié le 18/03/2010




Même si certaines limites ne sont pas encore franchies, les nouveaux responsables indonésiens ont encore fait quelques pas en avant dans leur tentative de trouver une solution indonésienne à la question de Timor Oriental. Le 24 juin dernier, le président Habibie avait entretenu Mgr Belo, administrateur apostolique de Dili, de son projet d’un retrait progressif des forces armées indonésiennes hors du territoire contesté (9). Dans l’interview qu’il a accordée à des journalistes européens, samedi 11 juillet, le nouveau chef d’Etat indonésien a détaillé un plan global de solution, spécialement destiné à l’attention de la communauté internationale. Les limites de la nouvelle offre ont été précisées avec beaucoup de fermeté. L’ancienne colonie portugaise doit rester, selon le président Habibie, partie intégrante du territoire indonésien, ce qui reste pour la communauté internationale comme pour les dirigeants du mouvement d’indépendance largement inacceptable. Si ce postulat était accepté, dit le président, beaucoup d’autres points seraient négociables, en premier lieu, un statut d’autonomie semblable à celui dont jouissent certaines régions indonésiennes. L’autonomie proposée par le président ne concernerait pas les domaines de la politique étrangère, de l’économie et des finances.

Contre la reconnaissance du rattachement de Timor Oriental à son pays par la communauté internationale, le nouveau président est prêt à libérer immédiatement le dirigeant indépendantiste emprisonné à Jakarta, Xanana Gusmao. L’ancien dirigeant du Fretilin purge aujourd’hui une peine de vingt ans de réclusion. Le président est prêt à réduire la peine à quatre ans de prison, ce qui correspond au temps qu’il a déjà passé en détention et qui lui permettrait de libérer immédiatement le chef des partisans de l’indépendance. Il offre aussi “la paix des braves” aux combattants du Fretilin toujours en activité et leur garantit que “rien ne leur arrivera” s’ils abandonnent la lutte. Il a aussi promis que les exilés pourraient revenir sans être inquiétés dans leur pays. Ils seraient même aidés dans leur réintégration.

Les limites fixées aujourd’hui par le gouvernement indonésien à l’autonomie de Timor Oriental pourront-elles être maintenues longtemps ? On peut se le demander en voyant, par exemple, l’idée d’un référendum sur l’indépendance du territoire faire son chemin, même en dehors des milieux concernés directement, dans certains secteurs musulmans, généralement nationalistes. Le 3 juillet dernier, dans un meeting à Padang, Amien Rais, le dirigeant du mouvement Muhammadiyah, fort de 28 millions d’adhérents, s’était déclaré favorable à un référendum organisé sous supervision internationale. Il faut cependant ajouter que dans certains milieux, on reste bien en deçà des propositions du gouvernement. Ainsi, le commandement de la région militaire à laquelle est rattaché Timor Oriental, déclarait officiellement, le 1er juillet, son désaccord avec un retrait immédiat des troupes indonésiennes.

Du côté des partisans de l’indépendance, les manifestations survenues à la fin du mois de juin, lors de la visite des trois ambassadeurs de l’Union européenne, ont montré que la volonté d’indépendance ne faiblissait pas au sein de la population. Le lundi 29 juin, 50 000 personnes manifestaient sur le passage des délégués européens, dans les rues de Baucau, pour une indépendance immédiate, lorsqu’est survenue la fusillade qui a fait un mort et cinq blessés. Un autre manifestant avait été tué trois jours plus tôt lors de l’arrivée de la mission européenne à Dili. Pour eux tous, le premier objectif à réaliser ne fait aucun doute, c’est le référendum. La passion indépendantiste s’intensifie dans la population autochtone du territoire. Elle provoque des craintes chez les Indonésiens installés là depuis quelques années par le pouvoir central de Jakarta. Selon le quotidien de Jakarta, Kompas, une cinquantaine de milliers d’entre eux auraient déjà fui Timor Oriental par crainte des troubles à venir.

Tandis que l’impatience gagne les esprits des militants indépendantistes, c’est la modération qui marque aujourd’hui les propos de Mgr Belo qui, mardi 30 juillet, a estimé qu’il était encore trop tôt pour la tenue d’un référendum et qu’il fallait d’abord instaurer un processus de dialogue entre Timorais. La veille, à New-York, le co-lauréat du prix Nobel, l’exilé Ramos-Horta, n’avait pas dit autre chose. Il avait même précisé que, selon lui, il faudrait encore 4 à 5 ans avant de pouvoir l’organiser.