Eglises d'Asie

INTERVIEW DE JOHN EGAN, RESPONSABLE DE LA CIDSE

Publié le 18/03/2010




“Nous venons soutenir le développement

au milieu des plus pauvres”

Quelle est la nature de votre projet au Vietnam ?

Le programme CLV (Cambodge, Laos, Vietnam) a été lancé en 1978 pour exprimer la solidarité entre le peuple vietnamien et les catholiques d’Europe et d’Amérique du Nord à une époque où les gouvernements occidentaux sanctionnaient le Vietnam pour la continuation de la guerre au Cambodge.

Pouvez-vous nous décrire les programmes réalisés au Vietnam durant ces vingt dernières années ?

Au cours des dix premières années, nous avons concentré notre aide sur la restauration et la reconstruction des infrastructures. Une énorme assistance était exigée par les hôpitaux, le système hydraulique et d’autres besoins du même type. Au cours des dix dernières années, après l’établissement d’un bureau à Hanoi en 1988, nous nous sommes engagés dans des expériences pilotes dans les domaines de l’agriculture, des premiers soins de santé, du crédit et de l’épargne. Dans le domaine agricole, nous avons travaillé avec les services d’extension de l’agriculture dans les provinces de Thai Nguyên et de Bac Can. Nous y avons développé des projets fondés sur une approche agricole des problèmes. Nos programmes en matière de santé ont été réalisés en collaboration avec les services de santé de Thai Nguyên. Ils avaient pour objectif la formation et prenaient en compte le rôle essentiel des volontaires de la santé au village, comme intermédiaires entre les familles et le système de santé officiel. Le programme de crédit et d’épargne à Ho Chi Minh-Ville en 1992 s’est inspiré des méthodes de la banque Grameen appliquées au Bangladesh (Système de crédit destiné à aider les femmes de la campagne à lancer des affaires de petite envergure). Il a depuis été étendu à des provinces du sud, du centre et du nord. Dans les prochaines années, nous comptons associer ces trois domaines à l’intérieur de projets de développement communautaires afin de nos assurer en même temps les forces d’une approche sectorielle et d’en accroître les bénéfices pour la communauté au niveau local.

Comment jugez-vous cette expérience ?

En 20 ans, la CIDSE a apporté une contribution significative au Vietnam. Etant l’une des quelques agences qui ont apporté leur soutien à ce pays durant les années 1980, nous avons établi des liens de confiance avec les autorités gouvernementales, à tel point que c’est le consortium catholique qui, le premier, a pu établir un bureau au Vietnam. Les modèles que nous avons développés ont été repris par d’autres et ont été utilisés pour apporter l’aide dont avaient besoin de très pauvres communautés. Au cours des dix dernières années, la CIDSE a été à la pointe du travail de développement. Notre programme de crédit et d’épargne a été le plus important de tous ceux qui ont été mis en oeuvre par les ONG au Vietnam. Le système d’extension de l’agriculture que nous avons aidé à développer est considéré comme un des meilleurs de la région, tout comme le programme de santé que nous soutenons.

Quels sont les liens de la CIDSE avec la communauté catholique au Vietnam ?

Dans les années passées, il était très difficile de contacter l’Eglise locale et, à cause de notre choix de travailler ouvertement et officiellement, nous n’avons pas voulu prendre le risque de donner un statut officiel à nos relations avec elle. En général, celles-ci se sont limitées à des rencontres officielles durant les visites des délégations de la CIDSE et au soutien de quelques projets. Ces dernières années, nous avons favorisé des projets proposés conjointement par des paroisses et les autorités locales. Mais il n’y en a pas eu autant que nous et l’Eglise locale l’aurions voulu.

Notre statut de catholiques est bien connu des autorités et nous y insistons de plus en plus dans nos discussions avec elles. Notre objectif premier étant de soutenir les activités de développement auprès des plus pauvres, nous ne pouvons pas ignorer que quelques communautés catholiques font effectivement partie de cette catégorie. Il nous faudra tourner notre attention vers les régions où les catholiques ont de grands besoins jusqu’à ce que tous dans la communauté soient capables d’assurer leur propre développement.

Comment voyez-vous le développement du Vietnam ?

A cause de la guerre et de l’isolement qui en a été la conséquence au cours des années 1980, le Vietnam a peu bénéficié des courants de développement pendant ces trente dernières années. Cela est une chance, en même temps qu’un danger. Du côté des chances, il faut ranger l’étonnant ressort de ce peuple, son avidité à apprendre de nouvelles choses et à adapter ce qui peut être positif dans le contexte vietnamien. Mais sur l’autre plateau de la balance, il faut placer les immenses besoins qui existent dans ce pays de plus de 75 millions d’habitants, dont 80 % vivent dans la pauvreté.

Les priorités financières du Vietnam ont été la santé et l’éducation. Les conséquences en sont le haut niveau d’alphabétisation et des soins de santé par rapport à d’autres pays où le PNB est le même. Cependant, alors que le Vietnam essaie de rejoindre l’économie mondiale et entreprend sa restructuration économique, les dépenses sociales ont été réduites et l’écart entre les régions urbaines riches et les campagnes pauvres ne cesse de s’accroître.

Il y a une forte pression sur le Vietnam de la part des institutions financières et des donneurs internationaux, mais il est difficile de résister lorsque sont engagées, chaque année, des sommes de 4,2 milliards de dollars. Mon espérance est que le Vietnam trouve sa voie entre l’ouverture au marché mondial et la priorité accordée aux besoins des pauvres.

Que représente pour vous, votre travail au Vietnam?

J’ai été personnellement stimulé par mon travail au Vietnam. L’énergie de ce peuple et son intérêt pour adapter de nouvelles idées et de nouvelles approches à sa propre situation est incroyable. L’existence de quelques-uns des plus pauvres a changé grâce à notre soutien. Des femmes se sont arrachées à leur dépendance à l’égard des usuriers et ont commencé à épargner en prévision de l’avenir. Des familles ont doublé ou triplé leur production grâce à l’apport d’eau d’irrigation et aux nouvelles techniques agricoles. Des enfants ont réussi à passer le cap des premières années de leur vie après avoir été immunisés contre les maladies. Chacun de ces résultats me donne une immense satisfaction. En chacun d’eux, je vois une expression du Royaume de Dieu en oeuvre au Vietnam.