Eglises d'Asie

LES EVEQUES DU TERRITOIRE EN APPELLENT AU PRESIDENT INDONESIEN HABIBIE

Publié le 18/03/2010




Dili le 23 juin 1998

Nous, les évêques de Timor Oriental, Mgr Basilio do Nascimento Pr, administrateur apostolique du diocèse de Bacau, et Mgr Carlos Filipe Ximenes Belo SDB, administrateur apostolique du diocèse de Dili, sommes très reconnaissants de l’intervention du ministre des Affaires religieuses qui nous permet de rencontrer personnellement le président de la République d’Indonésie. Selon toutes les apparences, le but de cette rencontre est en relation étroite avec le problème que pose le territoire de Timor Oriental, où nous sommes responsables du soin pastoral des fidèles. Dans le contexte de l’esprit de réforme, le président a exprimé le point de vue officiel de son gouvernement en ce qui concerne la question politique de Timor Oriental, sans chercher à minimiser les différences d’opinion de plusieurs dirigeants politiques au sein même de l’Indonésie.

Motivés par l’esprit de service toujours plus grand à rendre aux fidèles dont le soin pastoral nous a été confié, nous sommes heureux de répondre favorablement à l’honorable invitation de votre excellence, le président, dans l’espoir que votre excellence sera attentive à ce que nous avons à dire en ce qui concerne la question politique de Timor Oriental. Au cours de cette rencontre, nous n’avons pas, le moins du monde, la prétention de proposer des solutions concrètes au problème politique de Timor Oriental. Néammoins, pour utiliser l’occasion qui nous est offerte, nous demandons à votre excellence et à son gouvernement, le cabinet, de considérer favorablement les points suivants, dans la recherche de la meilleure stratégie possible pour arriver à une solution définitive.

* Considérant qu’une situation de conflit et d’instabilité politique a dominé le territoire de Timor Oriental depuis plus de vingt-deux ans ; considérant qu’une ambiance de tension, de soupçon et d’hostilité est largement installée entre les citoyens et les membres des forces armées (ABRI), à la suite d’actions extrêmes et du comportement du personnel de sécurité, que ce soit collectivement, ou, comme dans la plupart des cas, individuellement ;

* Considérant que des familles ont été détruites et dispersées en conséquence de ce conflit, et que ces familles expriment le désir sincère de se réunir, avec leurs enfants et leurs parents pour commencer une nouvelle vie à Timor Oriental;

I – Nous, les évêques de Timor Oriental, prenons la position suivante en ce qui concerne les sujets mentionnés ci-dessus et nous croyons :

* Que la question politique de Timor Oriental a une dimension internationale parce qu’elle fait partie de l’ordre du jour des Nations Unies et est encore débattue entre le Portugal et l’Indonésie;

* Que les Nations Unies demeurent le forum le plus compétent. Dans ce forum international, on peut arriver à une solution juste, paisible et honorable, aussi bien qu’acceptable par la communauté internationale.

* Que l’effort d’arriver à une solution de la question politique par des méthodes sécuritaires, comme cela a été le cas depuis plus de vingt-deux ans, n’est plus de mise dans cette époque de réformes. La méthode consistant à utiliser les moyens diplomatiques est la meilleure. Dans ce contexte, nous croyons que les corps qui doivent avoir autorité pour régler le problème de Timor Oriental sont le ministère des Affaires étrangères, le parlement et la chambre des représentants de l’Indonésie.

* Qu’il y a un besoin urgent de mettre en place très rapidement un mécanisme qui puisse recueillir les aspirations de tous les secteurs de la société de Timor Oriental, y compris celles de la guérilla et des gens qui vivent en exil. Grâce à ce mécanisme, le gouvernement central pourra écouter et prendre connaissance des opinions et des « options politiques » qui sont soutenues par le peuple et la société de Timor Oriental.

II – En ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie du peuple de Timor Oriental, nous, les évêques, proposons :

* Que soient garantis les droits et reconnue la liberté de la population locale d’aller et venir et de vivre là où elle le désire, sans restrictions de mouvement et d’espace, et sans obliger les gens à vivre dans des réserves, le long des routes principales pour faciliter les contrôles effectués par le personnel de sécurité.

* Que soit garanti le droit et reconnue la liberté d’opinion et le droit d’exprimer ses idées, même quand celles-ci sont de nature politique.

* Que l’on diminue le nombre effectif des troupes territoriales de combat, ainsi que celui des troupes des forces spéciales (Kopassustelles que les unités stationnées à Rajawali, Saka, Halilintar, Garda Paksi et d’autres. En d’autres termes, le statut du territoire de Timor Oriental doit être changé, et de « territoire à statut opérationnel » il doit devenir « territoire normal ».

* Que les organisations internationales comme la commission des Nations Unies pour les droits de l’homme, Amnesty International, etc. puissent avoir accès libre à Timor Oriental, afin de garantir une crédibilité qui aura un impact positif des deux côtés, pour le gouvernement indonésien comme pour le peuple de Timor Oriental.

* Que l’on donne la liberté aux Timorais de l’étranger d’entrer à Timor Oriental pour rendre visite à leurs familles ou pour retourner vivre pour de bon sur le territoire.

III – Dans un esprit de réforme, nous, les évêques de Timor Oriental, demandons :

* Que davantage d’occasions soient créées pour créer un climat qui puisse conduire à un dialogue ouvert et sincère entre les Timorais eux-mêmes et avec le gouvernement central.

* Que l’esprit de réforme qui consiste à éliminer la corruption, la collusion et le népotisme s’étende aussi à Timor Oriental, à travers le remplacement et le transfert des fonctionnaires et des membres d’ABRI qui ont été impliqués dans ces pratiques, et en renvoyant dans leurs unités d’origine, ces fonctionnaires et ces militaires qui ont été employés à Timor Oriental depuis plus de vingt-deux ans.

* Que la libération de prisonniers politiques de Timor Oriental, qui a eu lieu il y a quelque temps, soit suivie d’une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques, ceux qui sont détenus à Timor Oriental comme ceux qui le sont à l’extérieur.

* Afin de préserver la culture de Timor Oriental, que le gouvernement central permette l’enseignement de la lanque tetum dans les écoles primaires et les collèges, et l’enseignement du portugais dans les lycées et les institutions de l’enseignement tertiaire, sur tout le territoire de Timor Oriental.

* Afin d’aider à sortir de la crise économique, que le port de Dili soit déclaré port commercial franc, non seulement pour les bateaux indonésiens mais aussi pour les bateaux étrangers et ceux des pays voisins.

Signé :

Mgr Basilio do Nascimento

Administrateur apostolique de Bacau

Mgr Carlos Filipe Ximenes Belo, SDB

Administrateur apostolique de Dili