Eglises d'Asie

Un rapport officiel présente les émeutes de Thai Binh comme un mouvement social et non comme une rébellion contre le régime

Publié le 18/03/2010




L’existence d’un rapport officiel secret sur les émeutes paysannes qui ont éclaté dans la province de Thai Binh en 1997 (17) vient d’être révélée par le Comité Vietnam pour les droits de l’homme, lors de la séance de la sous-commission des Nations unies pour les droits de l’homme, le 25 août dernier à Genève. Le document intitulé “Recherches sociologiques sur les événements survenus à Thai Binh de la fin du mois de juin au début du mois de juillet 1997” a été préparé par un groupe de dix chercheurs universitaires sous la direction de M. Tuong Lai, directeur de l’Institut de sociologie et membre d’un groupe de recherches sur la rénovation.

Le rapport est surtout consacré à la description détaillée des violations des droits économiques et politiques dont ont été victimes les paysans de Thai Binh, province présentée dans le rapport comme étant le berceau de la révolution vietnamienne. Les auteurs condamnent avec vigueur la politique discriminatoire, répressive et antidémocratique appliquée contre les paysans par le gouvernement et le Parti, à tous les niveaux. Des contributions outrancières leur ont été demandées par l’administration locale pour couvrir les frais occasionnés par des travaux publics exécutés pour améliorer le réseau électrique, les écoles, ou encore le réseau de santé. Des paysans pauvres dont les ressources annuelles n’excèdent pas 62,50 dollars ont dû s’acquitter, en espèces ou en nature, de plus de 30 espèces de taxes en dehors de leurs impôts principaux. Ainsi, à chaque récolte, ils devaient fournir à la perception locale 40 kg de paddy par buffle en leur possession. En outre, le recouvrement de toutes ces taxes était effectué sans délai, avec brutalité et arrogance.

On trouve aussi dans ce texte un tableau saisissant de la concussion et de la corruption sévissant parmi les cadres locaux. Alors que la paysannerie de la province allait en s’appauvrissant, il suffisait à un cadre de cinq ans de présence dans cette région pour s’enrichir outrageusement. Une telle situation n’a pu que provoquer l’exaspération des paysans.

Le rapport reproche au gouvernement et au Parti d’avoir considéré les revendications pacifiques des paysans comme une tentative négative visant à utiliser les droits démocratiques pour saboter le gouvernement et le Parti. Il affirme que le soulèvement de Thai Binh était un mouvement social et non pas une rébellion contre le régime. Le rapport tient l’idéologie de la lutte des classes comme un obstacle majeur dans le règlement du conflit opposant les paysans à l’Etat. La vieille habitude idéologique consistant à diviser la population entre amis et ennemis a empêché, dit le rapport, que puisse être règlée la question des paysans de Thai Binh.

Il faut cependant noter que ce type d’analyse des événements de Thai Binh consistant à justifier la révolte paysanne et à mettre en cause l’administration locale n’est pas nouvelle. Elle est même aujourd’hui la version officielle des faits. Elle avait été présentée pour la première fois par le nouveau chet d’Etat, Trân Duc Luong, au début d’une rencontre avec les cadres de la province de Thai Binh, le 26 février 1998 (18). Il leur avait affirmé: ” Lorsque le peuple, bon par nature, est insatisfait, qu’il conteste violemment les cadres du gouvernement et les membres du Parti, il n’y a qu’une conclusion à tirer : de nombreux cadres et membres du Parti, à tous les échelons, se sont rendus coupables de nombreux méfaits !” (19).