Eglises d'Asie

Les diocèses de Negros s’opposent à l’envoi de renforts militaires sur l’île

Publié le 18/03/2010




Prêtres et laïcs des deux provinces composant l’île de Negros se sont mobilisés pour demander au président Estrada le retrait des 1 000 hommes de troupe récemment envoyés dans la région pour y renforcer les forces de l’ordre en lutte contre les insurgés. Une pétition signée par 102 prêtres et par les principaux dirigeants des quatre diocèses de l’île a exprimé la crainte éprouvée par les signataires devant l’arrivée des renforts militaires dans l’île. Tous redoutent que cet accroissement du potentiel militaire donne lieu aux mêmes violences que celles que la population a dû subir à l’époque du président Ferdinand Marcos et, ensuite, à celle de Corazon Aquino. “Les blessures, les violences de cette période ont laissé ici une cicatrice profonderappelle ce texte qui fait allusion au bombardement de l’habitation de Mgr Antonio Fortich, évêque de Bacolod, aujourd’hui retiré, ainsi qu’aux mutilations et assassinats de prêtres et religieuses. De surplus, la pétition a qualifié d’inutile ce renfort de troupes dans une île, pour le moment paisible, où stationnent déjà 10 000 hommes appartenant à la police et à l’armée,

Lors de l’envoi des renforts, le général Victor Mayo, commandant des forces armées dans l’archipel de Visayas, avait essayé de justifier ce renforcement des troupes basées sur l’île Negros en disant que l’objectif des militaires était à 25 % d’oeuvrer pour la pacification et, pour 75 % de travailler au développement. Ces déclarations d’intention des autorités n’ont pas convaincu le clergé local. Un des signataires de la pétition, le P. Romeo Empestan, qui est président de la commission des communautés chrétiennes de base dans le diocèse de Bacolod, a rappelé les nombreux innocents tués, jetés derrière les barreaux, lésés dans leurs droits au cours d’opérations militaires. Il a évoqué le chiffre impressionnant des victimes. Selon lui, depuis les années 1970, 39 000 habitants de la région ont été déplacés tandis que 200 enfants sont morts dans l’évacuation de centres, exigée par la lutte des militaires contre les rebelles communistes. La pétition conseille au nouveau président de s’occuper plutôt des besoins de l’île, en fournissant des terrains aux paysans sans terre, en aidant au financement des travaux agricoles, en favorisant les travaux d’infrastructures, en trouvant des emplois pour les chômeurs et de la nourriture pour les nécessiteux.

De son côté, le Front national démocratique, dominé par les communistes, a donné une explication précise à la nouvelle initiative gouvernementale. Selon le président du Front, Frank Fernandez, elle aurait pour but de maintenir dans la région le monopole politique et économique détenu par l’homme d’affaires Eduardo Cojuangco et par le gouverneur de la province occidentale de Negros, Rafael Coscolluela. Il a suggéré même que les forces militaires sont réparties dans la partie centrale de l’île, entre Murcia et Himmamaylan, deux villes de la côte occidentale de Negros, parce que c’est là que se trouvent les implantations agricoles des anciens amis de Marcos, aujourd’hui amis d’Estrada.

Les accusations de Fernandez ont provoqué des répliques des principaux intéressés. Le fils de Cojuangco, qui est avocat, a affirmé qu’elles étaient dénuées de fondement. Pour sa part, le gouverneur Coscolluela a fait état des sévères consignes qui ont été données à l’armée dans ses rapports avec la population : ne pas se servir des armes dans le doute, ne réclamer ni argent ni nourriture de la population, ne pas exiger de celle-ci qu’elle participe aux constructions militaires.