Eglises d'Asie

Malgré leur réussite matérielle, les réfugiés vietnamiens aux Philippines restent encore incertains sur leur avenir

Publié le 18/03/2010




Grâce à l’accord du 17 juillet 1996 signé entre le président Ramos et la Conférence épiscopale, les derniers réfugiés vietnamiens aux Philippines avaient réussi à échapper au rapatriement forcé, politique connue sous le nom de “plan global d’action”, qui partout ailleurs, dans le sud-est asiatique, a vidé les camps de leurs pensionnaires vietnamiens et renvoyé ceux-ci dans leur pays sous le patronage du Haut-commissariat aux réfugiés. Dernièrement, certains éléments du nouveau gouvernement philippin ont semblé vouloir remettre en cause les droits accordés aux demandeurs d’asile vietnamiens à cette occasion. Durant le mois d’août dernier, d’une manière unilatérale, le ministère des Affaires étrangères a préparé un nouvel accord avec le gouvernement vietnamien, visant à remettre en marche la terrible machine du rapatriement forcé. Déjà, à l’époque du président Ramos, le même ministère avait voulu continuer l’application du rapatriement forcé après le vote des sénateurs s’opposant à cette politique. Cette fois-ci, c’est l’Eglise philippine qui s’est opposée à la tentative des Affaires étrangères.

En apprenant le projet, Mgr Arguelles, chargé du problème au sein de la Conférence épiscopale, a aussitôt envoyé une lettre au président Estrada lui demandant de réexaminer la nouvelle initiative de son ministère qui, sciemment ou non, tournait le dos à l’accord du 17 juillet 1996, lequel précisait que la solution finale au problème des réfugiés devrait avoir reçu l’accord du CADP, organe de l’Eglise des Philippine au service des réfugiés, où s’active la soeur vietnamienne Pascale Lê Thi Triu, bien connue des réfugiés vietnamiens. Le 14 septembre, lors d’une réunion où participaient plusieurs ministères, le CADP et des représentants de l’Eglise, Mgr Arguelles prit parti sans ménagement contre le rapatriement forcé. Il entraîna à sa suite l’unanimité des participants qui se sont ralliés au principe selon lequel le rapatriement ne pouvait avoir lieu que dans le volontariat. Lors de la même réunion, fut aussi abordé le problème du statut de résident permanent que l’Eglise catholique voudrait voir accorder aux réfugiés. C’est elle qui d’ici la fin de l’année devrait présenter, comme l’exige la loi, la liste des motifs justifiant l’octroi d’une résidence permanente aux Vietnamiens exilés aux Philippines. Si la question n’était pas réglée par cette voie, il faudrait alors introduire un projet de loi à ce sujet au parlement.

La question du statut de résidence est en effet capitale à l’égard des réfugiés, qui pour le moment ne possèdent pas de statut civil précis en dehors d’une carte d’identité délivrée par l’Eglise philippine. Selon l’accord signé le 17 juillet 1996, après 6 mois de négociations serrées entre représentants du CADP, Eglise catholique et représentants du pouvoir, cette carte était destinée à garantir aux Vietnamiens le bénéfice d’un certain nombre de droits qui leur ont été accordés : libre circulation, libre résidence dans le village vietnamien ou ailleurs dans le pays, droit aux études, droit d’exercer un métier. Les Vietnamiens jouissent donc de la plupart des droits des citoyens philippins, mais leur statut reste provisoire en attendant une “solution durable” : ils ont le droit d’émigrer ailleurs, de demander leur rapatriement volontaire ou encore d’entamer une procédure d’intégration locale.

Malgré des perspectives d’avenir encore incertaines, la communauté des réfugiés aux Philippines se trouve aujourd’hui dans des conditions assez satisfaisantes. Une bonne partie de ses membres habite le “village vietnamien” à Puerto Princesa dans l’île de Palawan, village construit par eux sur un terrain acheté par l’Eglise locale, et avec la participation financière de nombreux Vietnamiens de la diaspora. Les premières constructions datent d’avril 1996, quelques temps avant l’accord. Le développement du village a été très rapide. Il possède aujourd’hui des églises, des pagodes, des institutions scolaires allant jusqu’au technique supérieur, ainsi qu’un équipement médical. Beaucoup de ses habitants ont trouvé du travail dans les environs. Certains ont déjà établi des petits commerces en ville. Dans une lettre adressée à la diaspora vietnamienne, à l’occasion d’un voyage en Europe de la soeur Pascale, l’organisatrice principale du village, les réfugiés du “village vietnamien” écrivaient le 25 septembre dernier : Il n’y a pas encore deux ans que nous sommes libres et, déjà, si nous nous comparons aux Philippins qui nous entourent, nous pouvons dire que nous avons passablement réussi