Eglises d'Asie

Les Amantes de la Croix de Huê s’efforcent de revenir aux sources

Publié le 18/03/2010




L’essor actuel des Amantes de la Croix de Huê constitue un bon témoignage sur le dynamisme qui anime aujourd’hui beaucoup de congrégations religieuses féminines au Vietnam. Malgré la réglementation tatillonne toujours officiellement en vigueur, limitant l’admission de nouvelles religieuses, la congrégation des Amantes de la Croix de Huê compte aujourd’hui, selon les déclarations (11) de la maîtresse des novices, soeur Maria Nguyên Thi Tuyêt, plus de 400 membres dans 52 communautés répandues dans tout le pays. Il arrive souvent que celles-ci ne comptent que deux ou trois soeurs. Par contre, la seule maison-mère de Huê en abrite 120 à elle seule, dans trois bâtiments distincts. Cela sans compter les centaines d’aspirantes et pré-postulantes, actuellement en formation en divers lieux, en attente d’entrer en noviciat.

Les circonstances difficiles rencontrées à une époque récente, associées à un mouvement de retour aux sources actif dans tout le pays, ont poussé les Amantes de la Croix de Huê à revenir à l’esprit des origines, à savoir un esprit de service, aussi bien de la communauté ecclésiale que des groupes les plus pauvres de la société. C’est pourquoi, comme l’explique la soeur Maria, les soeurs exercent leurs activités essentiellement dans les régions pauvres. Elles y collaborent à la pastorale des paroisses, à l’enseignement du catéchisme. Des classes de rattrapage, des classes d’apprentissage à la lecture pour les enfants de familles pauvres, catholiques ou non, leur sont confiées. Dans les villages, elles dispensent les premiers soins médicaux. Au nord-ouest de Huê, elles ont même pris en charge une petite maternité qui pour l’instant n’a encore qu’une dizaine de lits. Cependant la formation dispensée actuellement par la congrégation aux jeunes candidates vise à élever leur niveau culturel et, en particulier, à les adapter à une société qui ne cesse de se transformer. Une cinquantaine de jeunes religieuses poursuivent des études de niveau universitaire, les unes en faculté de pédagogie, les autres dans des instituts de théologie, à Huê ou à Hô Chi Minh-Ville.

Ce sont les événements récents de l’histoire du Vietnam qui ont changé le cours de l’existence de la congrégation et l’ont poussée à revenir à son charisme premier. A l’issue de la guerre, au mois d’avril 1975, après le changement de régime politique, les soeurs se sont retrouvées sans ressources et ont dû s’adonner à divers travaux pour assurer la subsistance de leurs nombreuses communautés, préparation de plats cuisinés pour la vente, broderies, jardinage et élevage de volaille. Selon la soeur Maria, les épreuves de cette époque ont été éminemment bénéfiques, non seulement parce qu’elles leur ont permis de renouer avec le mode de vie primitif, mais aussi, parce que, obligées de se disperser, les religieuses ont fondé de nombreuses communautés dans les diocèses du centre et du sud : à Buon Ma Thuôt, Da Nang, Nha Trang, Xuân Lôc, Saigon.

Les premières communautés religieuses féminines au Vietnam sont contemporaines du début de l’évangélisation et, dès 1667, le P. François Deydier, des Missions étrangères de Paris, signalait un groupe d’une trentaine de femmes voulant vivre en communauté. C’est en 1670 au Nord-Vietnam, puis en 1671 au Cochinchine (Centre et Sud-Vietnam) que fut fondée la congrégation des Amantes de la Croix par Mgr Pierre Lambert de la Motte qui rédigea et fit approuver pour elles les premières constitutions. Le développement des communautés d’Amantes de la Croix, appelées populairement “nhà phuoc” (Maisons du bonheur-charité), fut très rapide. A la fin du XVIIème siècle, il en existait une vingtaine au Tonkin et cinq en Cochinchine. Les communautés du centre souffrirent plus particulièrement au cours de la révolte des lettrés, à la fin du 19ème siècle. Des centaines de religieuses furent massacrées et une dizaine de couvents détruits.

La congrégation de Huê, au couvent de Di Loan, fut fondée dans le dernier quart du XVIIIème siècle. Une série de gravures très pittoresques, conservées aux Missions étrangères, datant sans doute de la fin du 19ème siècle ou du début du vingtième, représente les religieuses dans leurs diverses occupations qui sont ainsi énumérées: tissage de la soie, broderie dans des ateliers où travaillent avec elles 150 petites ouvrières, soins des linges sacrés et fabrication des pains d’autel, direction de six écoles paroissiales, formation des garçons et des filles aux sacrements et à la vie chrétienne, recueil des orphelins, distribution d’aumônes aux pauvres, recherche des enfants malades. Les gravures les montrent habillées dans la tenue traditionnelle des Vietnamiennes. Elles ont un habit de choeur noir pour les professes et blanc pour les autres.

En 1961, la congrégation des Amantes de la Croix de Huê fut réformée sous la direction de l’archevêque de l’époque, Mgr Ngô Dinh Thuc. Elle prit le nom de congrégation des Amantes de la Croix missionnaires de Huê. Récemment en 1994, les religieuses ont repris leur ancien nom et adopté des constitutions communes à une dizaine de congrégations d’Amantes de la Croix du pays.