Eglises d'Asie

LETTRE OUVERTE AU RAPPORTEUR SPECIAL DES NATIONS UNIES SUR L’INTOLERANCE RELIGIEUSE

Publié le 18/03/2010




A monsieur le représentant des Nations Unies,

chargé des questions religieuses

Je soussigné, Trân Sy Tin, prêtre catholique de la région de Pleikly (Pleiku), Chu Sê, Gia Lai, me permets de vous exposer un certain nombre de problèmes relatifs à la liberté religieuse.

Les radios BBC et VOA m’ont appris que vous alliez venir officiellement au Vietnam après avoir attendu trois ans. Vous savez très certainement que l’objectif de votre voyage au Vietnam n’a pas été diffusé largement par les médias vietnamiens et que, pour une large part, vous ne rencontrerez que les personnes que l’on vous fera rencontrer. Heureux serez-vous si l’on vous laisse vous entretenir avec quelques personnes ayant des opinions différentes des idées officielles. De telle sorte que lorsque vous partirez du Vietnam, vos opinions ressemblent à celles d’autres visiteurs du Vietnam qui ont dit : “Au Vietnam, la question religieuse n’est pas si grave que cela

Excusez-moi d’être obligé de vous parler ainsi! Je le fais en tant que représentant d’un élément de la population qui ne jouit pas encore de la liberté religieuse.

Si je m’en tenais aux principes, moi-même, je n’aurais pas le droit de célébrer la messe, d’enseigner le catéchisme, de rassembler les fidèles dans les églises dont je m’occupe. Je n’ai, en effet, pas le droit d’aller dire la messe dans des communes différentes de celle où je réside habituellement. Si j’exerce mon ministère en dehors des églises dont je suis chargé, je suis considéré comme ayant violé la loi de l’Etat et passible de sanction. De nombreuses fois, j’ai été considéré comme étant en infraction avec la loi de l’Etat et sanctionné par l’établissement d’un procès-verbal, la dispersion de l’assemblée, des menaces et des expulsions. Tous les autres prêtres sont sous contrôle comme moi.

Nos fidèles qui appartiennent à la minorité ethnique Joraï ont souvent été menacés, arrêtés, punis d’amendes. On leur a confisqué leurs livres de prières. Si vous les voyez si nombreux à pratiquer la religion, c’est parce que leur foi surmonte épreuves et difficultés. Ils n’ont pas le droit de se rassembler dans des maisons privées pour prier et s’instruire mutuellement.

Dans notre diocèse, beaucoup d’églises ont été confisquées ou réquisitionnées (exemple: l’Eglise Hiêu Dao de Pleiku, l’Eglise Ninh Duc dans le district de Chu Pah). De nombreuses chapelles ont été détruites dans les villages des minorités ethniques (dans le district de Nang Yang de la province de Gia Lai et dans un certain nombre d’endroits de la province de Kontum).

Les candidats voulant rentrer au grand séminaire doivent se soumettre à de nombreux examens de contrôle compliqués et ennuyeux. Leur nombre est limité et leur recrutement n’a lieu que tous les deux ans. Beaucoup de séminaristes doivent attendre de nombreuses années, ce qui les plonge parfois dans le découragement, avant que les autorités d’Etat ne donnent leur approbation à l’ordination, alors que, depuis longtemps, ils ont été choisis par l’Eglise.

L’Eglise catholique du Vietnam n’a pas le droit de posséder des moyens de communication spécifiques. Les deux journaux paraissant actuellement (“Le catholique vietnamien“, à Hanoi, et “Catholicisme et nation“, à Hô Chi Minh-Ville), ne sont que des journaux d’apparence catholique, d’opinion unilatérale.

Monsieur, je ne fais, ici, qu’exposer sommairement quelques questions pour servir de fondements à l’affirmation : il n’y a pas encore de liberté religieuse au Vietnam

Si vous voulez approfondir cette question, vous devriez faire en sorte de ne pas venir en qualité de personnage officiel. Vous devriez venir chercher la vérité comme une personne du peuple, mêlée aux personnes du peuple. Avec votre qualité de personnage officiel, beaucoup de personnes, et en particulier les dirigeants religieux, n’oseront pas vous dire toute la vérité, car ils redoutent des conséquences nuisibles pour eux. Tout ce que je vous ai dit plus haut, vous pourriez le constater dans les districts de EhHleo, de EaSôp dans la province de Darlak, dans les communes de IaLe, de IaHlôp, de BoNgong… dans le district de Chu Sê et d’autres comme celui de Nang Yang… de ChuProng, ChuPah, de Duc Co dans la province de Gia Lai…

Je vous adresse, monsieur, mes salutations respectueuses et vous souhaite de réussir dans votre actuelle mission.

Signé : Trân Sy Tin