Eglises d'Asie

Mindanao : après la libération du P. Benedetti, on s’interroge sur l’identité réelle de ses ravisseurs

Publié le 18/03/2010




Après 68 jours passés dans les montagnes du sud-ouest de Mindanao en compagnie de ses ravisseurs, le P. Luciano Benedetti a enfin été libéré. Le 16 novembre, la presse philippine a pu le voir sur l’aéroport d’Awang (Maguindanao) alors qu’il sortait d’un hélicoptère qui le ramenait de la ville de Zamboanga, plus à l’ouest, où le gouverneur de la province de Maguindanao, un conseiller présidentiel et un émissaire du Front moro de libération islamique (FMLI) étaient venus le chercher. Malgré une barbe peu soignée et quelque dix kilos en moins, le prêtre s’est déclaré en parfaite forme physique et morale. Avec le supérieur régional de l’Institut auquel il appartient, l’Institut pontifical des Missions étrangères (PIME), il s’est ensuite rendu à Manille, après une courte escale à Sultan Kudarat, où il est allé remercier le porte-parole du FMLI, Ghazali Jaafar, à l’intervention de qui son supérieur attribue sa libération.

Interrogé quelque temps plus tard, le supérieur régional de l’Institut, le P. Giulio Mariani a rapporté les premières confidences de son confrère qui avait été enlevé, en septembre dernier, pendant la nuit, dans une ferme coopérative de l’institut située sur la péninsule de Zamboanga, alors qu’il se préparait à aller dire la messe dans un village reculé (10). Il est revenu sans rancoeur contre ses ravisseurs et a supporté avec philosophie et humour le régime plus que spartiate auquel il était soumis, d’autant plus qu’il partageait la même table que ses gardiens et était logé à la même enseigne. Le père a été bien traité et n’a pas subi de sévices d’ordre physique ou moral. Les premières semaines ont été pour lui les plus fatigantes à cause des marches harassantes auxquelles il était soumis. Le premier jour, il a marché plus de dix heures sur des chemins de montagne. Mais en fin de compte, c’est l’ennui qui l’a davantage fait souffrir. Il a espéré un moment une récidive de la maladie dont il sortait au moment de son enlèvement, ce qui lui aurait permis d’être libéré plus tôt, mais cela ne s’est pas produit. Et c’est seulement le 15 novembre à 10 heures du matin que l’on est venu le chercher pour le libérer.

Depuis la libération du P. Benedetti, une controverse publique divise l’opinion concernant l’identité du groupe armé responsable de son enlèvement. Dans cette région du sud des Philippines, les groupes rebelles ne manquent pas. Quelquesuns sont formés de dissidents du Front moro de libération nationale, avec qui le gouvernement a passé les accords de paix en 1996. Certains sont issus du Front moro de libération islamique, groupe qui, depuis quelque temps, a entamé des pourparlers de paix séparés avec les autorités. Plusieurs personnalités politiques ont ouvertement accusé le Front moro de libération islamique d’être directement impliqué dans l’enlèvement du prêtre. Le porte-parole de ce groupe, Ghazali Jaafar, en réponse, a présenté sa version de l’affaire. Son mouvement s’est contenté de négocier la libération du prêtre avec ses ravisseurs, membres du groupe du “Kumander Dasdasan“, groupe dissident du Front moro de libération nationale. Les négociations ayant abouti, le prêtre a été livré par ses ravisseurs à l’émissaire du Front de libération islamique au village de Siraway, au nord de la péninsule de Zamboanga, le 15 septembre. Le temps étant trop mauvais, ce n’est que le lendemain que le prêtre a été ramené à la base du Front à Sultan Kudarat. C’est de là qu’il a ensuite été livré aux autorités.

De plus, des rumeurs persistantes provenant de milieux généralement bien informés, attribuent à certains éléments de l’armée nationale la responsabilité de l’enlèvement. Lors d’une interview télévisée, le 16 septembre, le P. Benedetti n’a confirmé aucune des versions précédentes. Il s’est contenté de reconnaître son ignorance et de rapporter que ses ravisseurs, appelaient le groupe dont ils faisaient partie, le groupe du “Commandement perdu“.

Comme l’avait déjà fait le P. Benedetti tout de suite après sa libération, Mgr Oscar Cruz, archevêque de Lingayen-Dagupan a demandé aux autorités et à l’opinion de ne pas oublier les autres otages encore entre les mains de leur ravisseurs. Il a cité la femme d’affaire taïwanaise, Mme Wang Tau Chu Yang, trois membres de sa famille, un détenteur de passeport malaisien, Tong Ket-ming, et deux résidents de Hongkong Cheung-lau et So Chi-ming. Toutes ces personnes ont été enlevées en deux fois, après le P. Benedetti. Selon une association des droits de l’homme, aux Philippines, du mois de janvier au mois de septembre 1998, il y a eu 83 cas d’enlèvements concernant 146 personnes. 29 cas ont eu lieu à Mindanao.