Eglises d'Asie

Une lettre pastorale des évêques philippins dresse la longue liste des violations des droits de l’homme dans leur pays

Publié le 18/03/2010




Dans une lettre pastorale parue le 1er décembre et destinée à commémorer le cinquantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, les évêques philippins ont déclaré que l’interminable liste des violations des droits de l’homme dans le pays rendait presque grotesque une telle commémoration. Une longue litanie des injustices commises contre les droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels, sans oublier le droit au développement, est venue illustrer leur propos.

Malgré les progrès accomplis en ce domaine depuis l’abolition du régime de la loi martiale, qui a duré de 1972 à 1986, les violations restent une réalité quotidienne continuant à peser sur l’existence de chaque Philippin. Elles ont de multiples formes que les évêques énumèrent ainsi : les enlèvements, les fraudes électorales, la corruption dans le gouvernement et le système judiciaire, la réduction des droits des travailleurs à la grève et aux négociations collectives, les abus des groupes para-militaires soutenus par le gouvernement, les exécutions extrajudiciaires perpétrées aussi bien par le gouvernement que par les forces rebelles. Dans ce tableau pessimiste, les évêques ajoutent la pauvreté subie par les familles qui force les enfants à travailler plutôt que d’aller à l’école.

Les évêques demandent que tous ceux qui violent les droits de l’homme soient poursuivis et que, surtout, soient corrigées les structures sociales qui font de certaines catégories de la population les victimes désignées de ces violations, à savoir les pauvres, les minorités ethniques, les femmes et les enfants. Parmi les formes sociales engendrant une violation des droits, la lettre de la Conférence épiscopale cite en premier la répartition actuelle des terres agricoles. Une réforme agraire est nécessaire dans ce pays où les agriculteurs perdent leurs terres au profit d’entreprises individuelles puissantes et où la terre perd de plus en plus sa finalité agricole pour être reconvertie dans un usage industriel au nom du développement. Cette politique a enlevé à des milliers de familles leur terre et leur foyer, a fait perdre leur culture et leurs terres ancestrales à de nombreuses minorités.

La protection des droits de l’homme n’incombe cependant pas seulement aux autorités gouvernementales ; elle appartient à chaque groupe et individu. Contrairement aux assertions de beaucoup d’avocats des droits de l’homme, les évêques philippins soutiennent que, en dehors de l’Etat, de nombreuses personnes et collectivités commettent des exactions en ce domaine et doivent en répondre devant la loi.

La lettre s’élève aussi contre le double discours et le double comportement adoptés par les groupes de pression et les Etats en matière de droits de l’homme, en fonction de leurs intérêts économiques et politiques. Pour certains pays qui ont besoin d’aide, on fait du respect des droits de l’homme une condition de l’assistance, tandis que l’on ignore totalement ce problème lorsque des objectifs commerciaux sont en jeu. Les évêques critiquent également ceux qui s’insurgent contre les manquements aux droits de l’homme chez leurs adversaires idéologiques et restent aveugles aux exactions commises par ceux qui appartiennent à leur groupe.

Ce texte sur les droits de l’homme a été aussi l’occasion pour l’épiscopat philippin d’aborder un problème douloureux, celui des travailleurs philippins à l’étranger qui encourent un châtiment et quelquefois même la mort s’ils pratiquent leur religion. La lettre déclare solennellement : Les mêmes pays dont les habitants bénéficient de la liberté religieuse à l’étranger ne l’accordent pas sur leur propre sol. C’est le devoir de la communauté internationale que d’éliminer cette violation insigne des droits de l’homme