Eglises d'Asie

Les principaux dirigeants hindous et chrétiens du pays se sont rencontrés pour essayer d’amorcer un dialogue

Publié le 18/03/2010




Le 18 décembre, à New Delhi, les principaux dirigeants du BJP (Bharatiya Janata Party) et du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh) (1) ont rencontré une délégation des Eglises chrétiennes conduite par Mgr Alan de Lastic, président de la conférence épiscopale catholique et du Forum des chrétiens unis pour les droits de l’homme. Cette rencontre avait été organisée à la suite de la protestation nationale des Eglises chrétiennes, qui avait eu lieu le 4 décembre précédent, contre la multiplication des violences anti-chrétiennes dans le pays (2). Même si elle n’a pas débouché sur des résultats très concrets, la réunion a permis à chacune des parties d’exprimer sa manière de voir. D’autres réunions de ce type seront sans doute nécessaires pour progresser dans le dialogue.

Selon le communiqué commun publié à l’issue de la journée, des discussions très franches ont eu lieu autour des perceptions et appréhensionsdes parties en présence. Un grand nombre de questions ont été abordées, parmi lesquelles les violences anti-chrétiennes, mais beaucoup de problèmes concernant la communauté chrétienne, le BJP et le RSS exigent des discussions plus approfondiesajoute le communiqué.

Le P. Ambrose Pinto, jésuite, directeur de l’Institut social indien de New Delhi, qui était membre de la délégation chrétienne, a estimé que le débat (lui) avait donné à penserparce que les chefs du RSS et du BJP jugent que les activités des chrétiens en Inde sapent la culture hindoue du pays. Selon le P. Pinto, le secrétaire général-adjoint du RSS, Sudershan, a mis en question la croyance chrétienne en un Christ sauveur unique du monde, en disant que cette revendication ne pouvait qu’avoir des conséquences négatives dans un pays majoritairement hindou comme l’Inde et rendait inévitable le conflit entre christianisme et hindouisme. Sudershan a aussi affirmé que chrétiens et musulmans étaient venus en Inde pour piller et saccagerle pays, si bien qu’ils n’ont pas d’amour pour la mère-patrie indienne. De son côté, le président du BJP, Kushabue Thakre, a demandé aux dirigeants chrétiens pourquoi leurs missionnaires ne travaillaient que parmi les hindous pauvres et non parmi les musulmans pauvres. Il a jugé que le travail social de l’Eglise n’était qu’une façade pour convertir les hindous. Il a ajouté que les missionnaires chrétiens collectaient beaucoup d’argent à l’étranger pour convertir les peuples des Etats du nord-est de l’Inde.

Selon le P. Pinto, les dirigeants chrétiens ont répondu aux accusations en affirmant que chrétiens et musulmans aiment l’Inde et travaillent pour le pays de la même manière que les hindous. Les chrétiens estiment que la perception populaire du christianisme par les hindous ne correspond pas aux faits. Le P. Pinto a ajouté : Nous leur avons dit que nous sommes d’abord Indiens et ensuite chrétiens

De son côté, Mani Jacob, autre membre de la délégation chrétienne, représentant d’un réseau oecuménique d’institutions scolaires chrétiennes, a expliqué que la conversion était un acte divin et que les chrétiens ne faisaient pas de conversions par la force ou par la ruse : Nous avons essayé de les convaincre que les chrétiens sont enracinés dans la tradition et la culture indiennes. Nous leur avons dit aussi que nous ne sommes pas des étrangers mais des fils du sol, tout en demeurant membres de l’Eglise universelle et de la famille humaine

Quand la discussion s’est concentrée sur la récente augmentation des violences anti-chrétiennes, les dirigeants hindous ont déclaré que les médias et les Eglises avaient rapporté les incidents de manière sensationnelle dans l’intention de causer le plus de tort possible au gouvernement fédéral contrôlé par le BJP.

Néammoins, le secrétaire général du BJP, Narendra Modi, a estimé à la fin de la réunion que ce dialogue avec les Eglises avait été une initiative positive de paixet un pas significatifqui avait permis de rappeler clairement que les hindous n’étaient pas lancés dans une guerre contre les minorités religieuses : Nous étions venus pour savoir ce que les Eglises pensent de nous. Nous estimons qu’il est préférable de s’asseoir à une table de négociations plutôt que de se critiquer en public