Eglises d'Asie – Inde
La proposition du premier ministre d’instaurer un débat national sur le problème de “la conversion religieuse” ne fait pas l’unanimité
Publié le 18/03/2010
Le premier ministre a rendu sa proposition publique à la suite de son voyage, le 10 janvier, dans le district occupé par la minorité des Dangs, dans l’Etat du Gujarat, qui a connu une recrudescence des incidents anti-chrétiens depuis Noël dernier (12). Dès le lendemain de sa visite, en dépit de ses bonnes paroles, deux autres églises ont été détruites dans le même district de l’Etat du Gujarat, par des groupes que la police a qualifiées de “forces venues de l’extérieur”. La visite du premier ministre n’a guère rassuré les chrétiens du lieu, protestants ou catholiques, qui ont estimé à l’unisson que cette visite n’avait pas eu les effets escomptés. Mgr Godfrey de Rosario, évêque catholique de Baroda, a déclaré par exemple : “La visite du premier ministre n’a fait qu’encourager les fondamentalistes hindous en leur donnant ce qu’ils attendaient, à savoir le soutien des hautes autorités du pays”. De son côté, le Conseil national des Eglises protestantes de l’Inde a affirmé que les déclarations du premier ministre, à la fin de son voyage, allaient dans le sens des accusations des fondamentalistes hindous selon lesquelles les chrétiens du lieu se livreraient à des conversions forcées.
Mgr Alan de Lastic, archevêque catholique de New Delhi et président de la conférence épiscopale, s’est montré plus ouvert à la proposition du premier ministre. Il a estimé, au cours d’une conférence de presse du 11 janvier, qu’il était favorable à “un dialogue plus large sur cette question de la conversion, qui ne se limiterait pas aux chrétiens, aux hindous et au gouvernement, mais comprendrait toutes les religions”. Il a précisé cependant que le débat ne devrait pas remettre en cause les principes de la constitution qui garantissent à chacun le droit de pratiquer, de prêcher et de propager sa religion. Mais, selon Mgr De Rozario, ce genre de débat ne pourrait être qu’un autre “complot contre les minorités”. Mgr Stanislaus Fernandes, évêque catholique d’Ahmedabad, estime quant à lui que la démocratie serait menacée si des restrictions étaient imposées à la liberté religieuse.
Les groupes hindous extrémistes sont naturellement plus favorables à la proposition du premier ministre. Ashok Singhal, président du Vishwa Hindu Parishad (VHP) ou Conseil mondial de l’hindouisme, a estimé que les déclarations du premier ministre confirmaient l’opinion de son organisation, selon laquelle les violences anti-chrétiennes récentes dans l’Etat du Gujarat ont été provoquées par la conversion forcée des aborigènes locaux au christianisme. Il a aussi réitéré la demande du VHP que tous les fonds provenant de l’étranger pour les organisations chrétiennes soient attentivement scrutés. Il pense en effet que ces fonds servent essentiellement à organiser les conversions au christianisme. Selon la plupart des observateurs, le VHP et une organisation soeur, le Bajrang Dal, sont les principaux organisateurs des attaques d’églises et d’écoles qui ont eu lieu dans le Gujarat ces derniers mois.
De leur côté, les partis politiques d’opposition sont unanimes à condamner la proposition du premier ministre comme “un coup politicien”. Le parti du Congrès a traité la proposition de A.B. Vajpayee par le mépris, estimant qu’il n’y avait aucune nécessité de rouvrir un débat déjà clos depuis cinquante ans sur une question réglée par la constitution. Par ailleurs, le porte-parole du parti a stigmatisé “les arguments pervers” du VHP concernant la responsabilité des incidents violents de l’Etat du Gujarat.
Les journaux indiens reprennent pour la plupart les arguments des partis d’opposition. Ainsi, le quotidien de Bangalore “Deccan Herald”, dans son éditorial du 13 juin, estime que le premier ministre essaie de créer un problème là où il n’y en a pas. Estimant ridicules les affirmations du VHP et d’autres groupes hindouistes selon lesquelles les conversions au christianisme seraient obtenues par la force, l’éditorialiste déplace la question vers un terrain plus mouvant pour les autorités, en demandant : “Le vrai débat devrait être interne. Il faudrait s’interroger pour connaître les raisons qu’ont de pauvres aborigènes ou les plus pauvres de la société de se détourner de l’hindouisme. S’ils étaient heureux de leur statut dans la société ils ne l’abandonneraient pas pour un paradis chrétien, qu’il soit terrestre ou céleste”.