Eglises d'Asie

Les chrétiens sont critiqués pour leur peu de participation à la lutte des autres minorités pour l’égalité des droits

Publié le 18/03/2010




Une critique contre les chrétiens est de plus en plus fréquente sur la bouche et dans les écrits d’un certain nombre de militants des droits de l’homme. Alors qu’un grand nombre d’hindous, de musulmans et, aussi, de partisans d’une société plus laïque, rejoignent volontiers les chrétiens dans leur lutte pour l’égalité des droits religieux en Inde, ces derniers ont tendance à ignorer la lutte des autres minorités pour obtenir ces mêmes droits. Il leur est reproché d’être tournés vers eux-mêmes et de rester à l’écart des efforts réalisés par d’autres religions et divers groupes de tendance laïque, réunis sous la même appellation de “secularistes”, parce qu’ils luttent pour une grande tolérance religieuse et s’opposent au nationalisme hindou ainsi qu’au mouvement idéologique de l’hindutva en faveur de la transformation de l’Inde en nation hindoue.

es auteurs de ces critiques les appuient sur un certain nombre de faits. Ils comparent, par exemple, deux protestations nationales qui ont eu lieu lors de la première semaine de décembre. Le 4 décembre, les chrétiens ont organisé une journée de protestation contre la multiplication des atrocités commises contre les chrétiens. De nombreux groupes d’hindous partisans d’une société plus tolérante, des militants musulmans se sont associés à cette manifestation. Deux jours plus tard, le 6 décembre, les groupes hindous laïques et les militants musulmans organisaient des manifestations à l’échelle nationale pour commémorer le sixième anniversaire de la démolition de l’ancienne mosquée d’Ayodhya (14) dans le nord de l’Inde, démolition ayant entraîné des troubles très graves avec des centaines de morts. Le dirigeant musulman, Mohammad Younus Siddiqui, s’est plaint publiquement de n’avoir pas pu trouver plus de cinq chrétiens dans la manifestation qui a eu lieu devant la Cour suprême de New-Delhi, ce jour-là ; “S’ils avaient été plus nombreux, a-t-il commenté, cela aurait grandement transformé notre démonstration”. Pourtant, les animateurs de cette journée de commémoration des événements d’Ayodhya, comme, par exemple, le juriste N.D. Pacholi, avaient supplié toutes les minorités religieuses de venir lutter d’un seul coeur contre la théorie “une nation, une culture” adoptée par les fondamentalistes hindous.

Ce constat d’isolement des chrétiens formulé en dehors des milieux chrétiens a été repris par beaucoup de membres du clergé catholique et de dirigeants des Eglises chrétiennes. Le P. T.K. John, commentant l’absence des chrétiens à la manifestation du 6 décembre, a fait remarquer qu’elle témoignait du retournement sur soi-même de la communauté chrétienne. “Le jubilé de l’incarnation de Jésus, a-t-il ajouté, ne sera que partiel, incomplet et en contradiction avec la logique de l’incarnation si nous ne soucions pas de notre société, pluri-culturelle, pluri-linguistique et pluri-religieuse”. Il a demandé aux chrétiens de rompre avec leur “ego” et de rejoindre la lutte des autres pour la justice et la fraternité. Le P. Ambrose Pinto, directeur de l’Institut social indien de New-Delhi, a déploré l’absence de conscience politique des chrétiens, qui vivent dans leur tour d’ivoire, séparés du courant principal de la nation. Les chrétiens, selon lui, devraient soutenir le mouvement laïque actuel, en lutte contre le “communalisme” et les valeurs antidémocratiques.

Ce même point de vue est partagé par divers dirigeants protestants. Le Révérend Valson Thampu a présenté la communauté chrétienne comme centrée sur elle-même, indifférente aux problèmes extérieurs, préoccupée uniquement par ses intérêts propres. Jyotsna Chatterji, de l’Institut chrétien protestant, n’a pas été plus tendre pour les fidèles de son Eglise, “menant des existences mesquines, ne prenant aucune part à la solution des problèmes socio-culturels de leur pays”.

Un prêtre a proposé comme modèle aux chrétiens un professeur de collège hindou qui a recueilli 1 000 signatures hindoues de soutien aux chrétiens, sans que personne ne lui ait proposé ou suggéré ce geste.