Eglises d'Asie

Les assaillants d’un missionnaire australien et de ses deux enfants, brûlés vifs dans leur voiture, étaient conduits par un extrémiste hindou

Publié le 18/03/2010




Graham Stewart Staines, missionnaire australien en Inde depuis 34 ans, responsable d’une section régionale de la Société missionnaire évangélique, et travaillant auprès des pensionnaires d’une léproserie, a été brûlé vif dans sa voiture, la nuit du 22 au 23 janvier, par un groupe d’une centaine de personnes, fortement soupçonnés d’être des militants d’un mouvement hindouiste extrémiste. Dans le véhicule se trouvaient également ses deux jeunes fils, âgés respectivement de 7 et de 10 ans, qui ont également péri, victimes des flammes.

Selon un communiqué australien, au moment des faits qui ont eu lieu à Manoharpur, un village du district isolé de Keonjhar, dans l’Etat d’Orissa, le missionnaire dormait avec ses deux enfants dans sa voiture. Travaillant et résidant en temps ordinaire dans une léproserie du district voisin de Mayurbhanj, il était venu au village de Manoharpur pour participer à une réunion de prière organisée à cet endroit chaque année. Un témoin direct, Subbhankar Gosh, qui accompagnait le missionnaire australien a précisé que celui-ci était arrivé devant l’église dans la soirée vers 9,30h, y avait garé sa voiture dans laquelle il était resté pour dormir avec ses enfants. Selon des agences locales citant des sources officielles, c’est vers minuit qu’un groupe d’au moins cent personnes est survenu en criant des slogans. Les assaillants ont aspergé d’essence la voiture et y ont mis le feu. Les occupants du véhicule ont alors essayé d’échapper aux flammes en sortant de la voiture mais ils ont été repoussés à l’intérieur par la foule. La presse a aussi rapporté que des villageois auraient tenté de venir en aide aux victimes mais n’auraient pu s’opposer aux membres du groupe extrémiste. Tôt dans la matinée, des chrétiens locaux ont transmis la nouvelle par téléphone à l’épouse du missionnaire qui, elle-même, a averti la police. Celleci est arrivée sur les lieux vers dix heures du matin.

La police qui a arrêté une cinquantaine de suspects est à la recherche du chef présumé de l’expédition ayant conduit à la mort du missionnaire australien et de ses enfants. Une récompense de 25 000 roupies a été promise pour son arrestation. Il s’agit de Dara Singh, membre du groupe hindouiste “Bajrang Dal”, organisation qui entretient certains rapports avec le BJP, le parti nationaliste hindou du premier ministre Atal Behari Vajpayee. L’Australie, quant à elle, a chargé son consul à New Delhi de se rendre à Orissa pour y enquêter sur ce meurtre qui a ému l’opinion publique.

L’épouse du missionnaire a tout de suite laissé entendre qu’elle soupçonnait les fondamentalistes hindous d’être à l’origine de ces crimes, son mari étant depuis quelque temps en butte à l’opposition d’un groupe local. Plus tard dans une interview au “Times hindoustan“, le 27 janvier, elle a décrit son mari comme un missionnaire discret, respectueux de toutes les autres religions, travaillant en silence dans une léproserie. Il serait resté inconnu jusqu’à la fin de ses jours sans cette mort tragique. Dès le début elle s’était déclarée bouleversée mais sans haine. Aujourd’hui, elle ne compte pas quitter l’Inde où elle désire continuer l’oeuvre de son époux.

Les obsèques du missionnaire et de ses deux enfants ont eu lieu le 25 janvier, deux jours après leur mort. Plus de 2 000 personnes y ont participé. Au cours de la cérémonie, plusieurs lectures de Bible ont été faites en langue santali, langue régionale parlée par le missionnaire et son épouse. A l’issue de la cérémonie, les trois cercueils, transportés dans une voiture fleurie, précédés par une procession en tête de laquelle marchaient les pensionnaires de la léproserie, ont traversé la ville de Baripada, où les boutiques et les marchés avaient fermé leurs portes en respect pour les morts.

En Inde, les réactions et les déclarations n’ont pas manqué. Le président Narayanan a vu dans ces crimes une anomalie monumentale eu égard à la tradition de tolérance de l’Inde. Le premier ministre a parlé d’action atroce commise par des éléments anti-sociaux qui seraient bientôt arrêtés. Le ministre de l’intérieur Lal Krishna Advani a qualifié l’attaque de choquante et horrible. Le porte-parole du BJP lui-même a déclaré que de tels actes devraient être réprimés de la manière la plus sévère. Une délégation de trois ministres du gouvernement fédéral est venue visiter le village où a eu lieu le sinistre événement. A la suite de ce déplacement, le 29 janvier, le gouvernement fédéral a annoncé l’overture d’une instruction judiciaire sur le meurtre. Selon le ministère de l’intérieur, cette initiative fédérale se justifie par les conséquences et la portée internationales du crime“.

La réprobation a été également unanime dans l’Etat d’Orissa, où déjà, le 8 décembre dernier, une manifestation inspirée par les fondamentalistes hindous s’était soldée par le meurtre de deux prisonniers et l’incendie de 139 habitations de chrétiens.

Les représentants des diverses Eglises chrétiennes de l’Inde se sont également exprimés. Le Conseil national des Eglises (Eglises protestantes et orthodoxes) a rappelé l’engagement du missionnaire assassiné au service des pauvres. Mgr Alan de Lastic, archevêque de Delhi, président de la Conférence épiscopale catholique, a écrit au président, au premier ministre et au ministre de l’intérieur, demandant une enquête rapide sur un crime qui jetait le discrédit sur tout le pays.

Selon le Forum chrétien uni pour les droits de l’homme, 110 incidents violents visant des chrétiens ont eu lieu en Inde en 1998. Ali Kishore Patnaik, un dirigeant communiste de l’Etat d’Orissa, a fait récemment remarquer que les chrétiens ont désormais remplacé les musulmans comme cible prioritaire des fondamentalistes hindous.